Passons par les passages

A l'époque où les grands magasins et autres galeries commerciales n'existaient pas encore, la bourgeoise parisienne faisait ses emplettes sous les passages couverts, bien à l'abri des aléas de la météo de la capitale...A travers ces quelques billets sont

Passons par les passages : Reilhac, comme un épilogue au Désir...

La rue du Faubourg St Denis cache un certain nombres de surprises, à travers des recoins, des passages et ruelles méconnues....Après avoir évoqué les passages du Prado et Brady, voilà encore ce soir un petit exemple supplémentaire marquant combien Paris cache de petits secrets de son patrimoine urbain, architectural et artistique.

Si j'ai clos ma série sur les passages couverts avec le passage du Désir, je fais de ce billet sur le passage Reilhac dont je vais parler ce soir rapidement comme un épilogue, qui me permet de ne pas rester sur quelques pointillés....et des sentiments divers et variés...
Il suffit pour lever le voile sur ce qui peut paraître méconnu...de pousser les portes et de se laisser porter par les pas faits sous le coup d'une petite (et saine) curiosité.
Le passage Reilhac fait partie de ces endroits discrets, humbles mais chargés d'une présence qui fait le charme et la singularité de Paris où histoire et romantisme font souvent irruption pour planer dans une certaine interrogation.
L'entrée au 54 rue du faubourg St Denis est assez discrète malgré ces lettres blanches sur un fond bleu roi. Sans doute d'aspect qui se voulait à l'origine un peu coquet, l'ensemble revêt plutôt aujourd'hui un coté un peu vieillot, désuet et suranné qui prend forme à travers des entrelacs, des feuilles et des arabesques. Cette fenêtre encadrée d'éléments décoratifs et surplombant la porte cochère marquant l'entrée, apporte un peu de vie à ce passage couvert, non pas de verre mais d'un simple plafond puisque des habitations ont été prévues au dessus de ce couloir qui se poursuit comme dans un boyau sombre sur 105 m jusqu'au boulevard de Strasbourg (au niveau du numéro 39).
Mais au bout de quelques pas fait dans la demie obscurité, deux petits témoignages laissés par un autre temps, une vie parisienne d'un autre âge vont à la rencontre du promeneur qui s'est hasardé à franchir le seuil de ce couloir...
Sur le côté gauche, comme cachée dan un recoin, une statue à l'effigie d'une jeune Vénus (?) au déhanché et aux formes aussi accentuées que féminines, porte un vase au dessus de sa tête...les traits figés semblent une fois encore garder les mots entendus dans ce passage et les maux d'une multitude de vies qui se sont déroulées entre ces murs...une présence douce et gracieuse au regard qui oscille entre mélancolie et poésie.
En face, un peu plus à droite, une fontaine plaquée dans un angle met à l'honneur un amour logé dans une niche tenant une cruche d'où sort un filet d'eau.
Deux hôtes un peu seuls, drôlement assortis, mais qui semblent trouver dans ce couloir du temps un peu de quiétude et de sérénité, loin des tumultes de ce quartier si animé et si bigarré.

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Passons par les passages : Où le désir se mêle à la mélancolie....

C'est sur un sentiment de désir que je termine cette série de billet consacrée aux passages couverts de Paris ; le printemps étant arrivé et les températures devenant même certains jours presque estivales, il n'y a plus aucune raison de s'abriter sous des verrières, il s'agit bien maintenant d'oublier le spleen hivernal. Le ciel se dégage, l’hibernation s'achève d'autres billets nous mèneront dorénavant à l'air libre.....sous un ciel clément et un soleil souvent radieux.
Ainsi pour clore cette succession de passages, j'évoquerai en les citant mais sans m’appesantir sur eux de façon plus détaillée, quelques uns supplémentaires qui existent bien mais qui n'ont pas attiré davantage mon attention, comme le Passage du Bourg l'Abbé (2ème ardt), le Passage du Caire (2ème ardt) le Passage du Ponceau (2ème ardt), le Passage du Havre (9ème ardt), si fréquenté par les "marchands du temple", le Passage Vendôme (3ème ardt), la Galerie du Lido (8ème ardt), la Galerie de la Madeleine (8ème ardt) et le Passage Puteaux (8ème ardt).....Certains de ces lieux souvent à mes yeux rendus anonymes par les transformations successives et l'invasion du tout commercial ayant dénaturé leur objet principal, celui de permettre la promenade et la flânerie...
Alors je fuis et délaisse ces endroits parfois surpeuplés ayant perdu par là de leur personnalité, pour chercher les lieux plus solitaires où l'âme de la capitale respire davantage...
C'est ainsi que j'ai trouvé, un peu par hasard d'ailleurs, le Passage du Désir, un hasard inattendu, comme ma rencontre avec Désiré dont le nom et l'image me viennent spontanément à l'esprit...  pourtant ce coin perdu de Paris est sans doute totalement inconnu de l'Homme en question....rien ne peut permettre en effet que son fantôme vienne l'emprunter et rien n'indique non plus que son esprit viennent le hanter, seuls mes rêves me permettent parfois d'imaginer croiser sa silhouette au coeur de la ruelle, longeant les murs sous le regard des mascarons impassibles, dont le sourire énigmatique et mystérieux gardent farouchement secrète la fin de cette histoire aussi troublante qu'incompréhensible...Seules les trace de quelques coulures (des larmes ?) peuvent laisser supposer de ces visages intemporels une souffrance muette,  comme celle de mon coeur.
Mais laissons là les états d'âme et parlons plutôt de ce petit passage, non couvert donc, qui permet de rejoindre le boulevard de Strasbourg au boulevard Magenta. De l'autre côté du boulevard de Strasbourg, tout comme le passage Brady évoqué précédemment, subsiste une seconde partie. En effet le passage était à l'origine plus long, puisqu'il devait rejoindre la boulevard de Magenta à la rue du Faubourg St Denis. Mais les travaux haussmannien en ont décidé autrement... Alors comme amputé, il propose une petite promenade de quelques deux cent mètres à peine couvrant la distance séparant deux grilles marquant l'entrée et la sortie. Une voûte laisse résonner le bruit métallique de la grille qui se referme...venant protéger cette allée pavée où d'un seul coup le silence se fait, laissant aux murs roses le poids des secrets... 
Le silence qu'impose les secrets donc.... mais aussi la souffrance et la mélancolie...Le crissement de la grille sur le passant semble faire écho aux premières notes et aux premiers vers d'une chanson qui fait naître à chaque fois en moi un sentiment d'inabouti, d'inachevé, d'une infinie tristesse et d'une irrémédiable mélancolie. Que celui qui connait le splendide "Mes bras" (A.Bashung, album "l'Imprudence") me comprenne, où les strophes à tiroirs vous perdent dans le dédale codé de son auteur, où les accords de piano, simples mais ô combien chargés d'intensité, vous plongent dans un couloir de questions et dans un autre espace temps, comme ces pavés déformés qui jalonnent le passage du Désir...
Oui, je le reconnais, j'ai ressenti un sentiment très particulier en suivant les quelques numéros qui rythment le trottoir. Celui d'un lieu marqué par une présence presque indéfinissable, me poussant à me demander quelle a été la vie de cette ruelle il y a cinquante, cent, cent cinquante ans...
Mais ce n'est certainement pas le masque imperturbable et indifférent, comme posé sur un piédestal et surplombant le portail de l'entrée, qui répondra à toutes ces interrogations....Alors aux dernières notes de la chanson qui s'évanouissent comme mes questions qui restent sans réponse, je ressors dans l'animation du coeur de ce Xème arrondissement si bigarré, si varié, si coloré et laisse au coeur du Passage du Désir, les souvenirs, les attentes, les rêves inachevés...et le désir d'y retrouver un jour Désiré.....

 

Passons par les passages : La petite soeur de Vivienne est un grand homme...

De la Galerie Vivienne à la Galerie Colbert, il n'y a qu'un pas...encore un pas de plus et vous vous retrouvez à la table de Désiré dont je parlais pas plus tard qu'hier soir...La galerie Colbert en forme d'un petit L (oui, je reconnais celui ci est un L majuscule...), dont le coude a permis la réalisation d'une jolie verrière. venue concurrencer celle sa voisine Vivienne. Elle permet également de relier la rue des Petis Champs à la rue Vivienne.

Le succès commercial  de cette dernière inspirant spéculateurs et entrepreneurs, on construit une seconde artère couverte en 1826 visant à coupler mais surtout devancer la Galerie Vivienne sur  laquelle elle se calque notamment sur le plan architectural et décoratif (thèmes décoratifs apparaissant sous la

 verrière, sur le thème du travail, du commerce et d et de l'abondance)...., Comme je l'indiquais dans mon billet d'hier, la Galerie Colbert se situe sur l'ancien emplacement de l’hôtel particulier du Ministre du Roi Soleil, construit par Le Vau. 

Mais malgré ce nouveau témoignage urbain de modernité d'élégance ainsi qu'un accueil des plus chaleureux qualifiant cette galerie comme "la plus belle parmi les différents passages construits récemment", elle n'égalise pas pour autant sa rivale dans la recherche de décors (qui lui sont proches mais qui restent dans une certaine sobriété), et ne trouve pas le même succès auprès des parisiens.

Le désamour de la bourgeoisie pour le quartier du Palais Royal au cours du XIXème siècle  la laissera dans un certain abandon. Léguée à l'Institut de France elle est retirée du registre des Monuments historiques....preuve du désintérêt du public et des pouvoirs publics pour ce lieu...Elle retrouve grâce auprès du Ministère de la Culture en 1974, date de sa réinscription.

Rachetée Par la Bibliothèque nationale qui lui offre un rajeunissement dans les années 1980, tout comme sa voisine et concurrente, Vivienne, elle rouvre alors au public dans un autre esprit et une autre utilisation que ceux originaux. Modernisée, elle ne présente néanmoins rien de particulier puisque c'est un lieu de passage (locaux utilisés par l'institut national du patrimoine et une annexe de la bibliothèque nationale), mais non de commerce. 

Elle reste néanmoins un lieu agréable, bercée dans une douce lumière qui vient se poser sur Eurydice, sculpture de Charles-François Nanteuil posée sous le puits de lumière qu'offre la rotonde et qui en fait la décoration principale, à l'endroit même où avant ses travaux trônait un magnifique candélabre en bronze portant une couronne de sept globes de cristal, éclairés au gaz, que l’on appelait le "cocotierlumineux". La galerie bordée de demi-colonnes en faux marbre, est ornée de motifs polychromes. La peinture visible au-dessus du porche d'entrée représente Colbert favorisant le Commerce.

Passage dans lequel on ne s'attarde pas, excepté peut être quelques touristes égarés dans le quartier, ou des photographes jouant avec les effets de lumières et des lignes de la rotonde de verre....la galerie Colbert reste au XXIème siècle, tout comme à son origine au début du XIXème siècle, éclipsé par sa grande soeur...

Passons par les passages : Vivienne restera toujours dans mes souvenirs de parisienne

Vivienne.....ce simple nom évoque en moi des souvenirs d'une époque où je commençais à connaitre et à découvrir Paris... quelques images se rappellent à ma réminiscence....non loin la rue Rameau, le square Louvois, la Bibliothèque Nationale, la rue des Petits Champs et ses multiples boutiques, et à l'est Louis XIV sur son piédestal posé place des Victoires.....sous la verrière de la Galerie Vivienne la douce lumière ocre qui descend du ciel  répond à la couleur des murs met en valeur l'ambiance. Elégante et chic, animée et entretenue par les commerçants qui y exercent comment par les parisiens qui les fréquentent.... le temps se ralentit devant les bas reliefs antiques, les yeux se ferment, pour mieux s'imprégner de cette ambiance particulière....où flottent les parfums et les odeurs du salon de thé, les couleurs des vitrines de mode et d'accessoire, le bruit des talons sur la mosaïque de Facchina.... mais revenons à la réalité pour mieux vous décrire cet endroit....
Ce passage couvert parisien du second arrondissement relie donc la rue Vivienne dont il porte le nom à la rue de la Banque et à la rue des Petits champs. Malgré son statut de voie privée, il est ouvert tous les jours de la semaine, sur ses 174 m de longueur et ses 4 m de largeur. Il est composé de trois artères débouchant sur les trois rues précitées. La grande galerie de 42 m de long est suivie d’une rotonde vitrée avec une coupole en verre hémisphérique, d’origine, permettant une aération modulée et se termine rue des Petits Champs par une vaste salle rectangulaire surmontée d’une verrière monumentale d’où s’élève un bel escalier suspendu menant autrefois à l’appartement de l’ex-bagnard Vidocq. 
On doit ce lieu élégant de flânerie, de shopping et de détente, à Me Marchoux, président de la chambre des notaires qui confia à l'architecte Delannoy en 1823 la construction d'une galerie sur les bases du passage des petits pères déjà existant, donnant sur la rue de la Banque. Le passage ouvre au public en 1826, sous le nom de Galerie Marchoux, patronyme  rapidement abandonné au profit du nom de Galerie Vivienne, à la consonance féminine effectivement bien plus attractive. Dès cette époque, la galerie attira bon nombre de visiteurs avec ses boutiques de tailleur, bottier, marchand de vin, restaurateur, libraire, mercier, confiseur, marchand d’estampes ...Il faut dire que son emplacement était très judicieusement choisi, située entre entre le Palais Royal, en déclin, la Bourse et les Grands Boulevards, ce passage connaîtra un succès considérable jusqu'à la fin du Second Empire. "Aucun autre ne se trouve mieux placé que lui pour être un foyer brûlant de circulation et d'activité". À partir de la fin du XIXème siècle, la galerie un peu de son attrait avec le déménagement des commerces prestigieux vers la Madeleine et les Champs-Élysées et souffre d'un certain désamour de la part des parisiens. Mais depuis 1960, la galerie est redevenue très active, regain qui sera confirmée par l'installation des ateliers de Jean-Paul Gaultier en 1986 apportant ainsi comme un second souffle à ce passage.

Tout sous ce ciel de verre, rappelle la notion de la réussite avec les couronnes de lauriers, gerbes de blé et palmes, de la richesse par la présence de cornes d’abondances et enfin du commerce avec le caducée de Mercure.  Ces éléments décoratifs nous permettent de comprendre facilement qu'au delà du désir de faire de ce passage le plus beau de Paris, son concepteur voulait surtout en faire un lieu d'échange commercial et de rencontres pour les parisiens. 

Mais s'il semble effectivement mis sous les auspices de la bonne fortune pour ses commerçants, ce lieu me semble être également une ode à la féminité.....outre son patronyme à consonance féminine, la galerie offre des éléments faisant référence à la rondeur et à la douceur.... en présentant notamment sur ses trois longueurs un ensemble de fenêtres en demi cintre, par la rotonde ornée de nymphes et de déesses, les arcades, la voûte de verre cintrée, les couronnes et les rubans plaqués sur les murs qui rappellent l'antiquité mais pas seulement...Enfin, les entrelacs circulaires des mosaïques marquent définitivement ce lieu dans un registre qui n'est pas sans évoquer la rondeur de la matrice maternelle. 

L'ensemble du passage, les façades extérieures qui en signalent l'entrée et l'escalier du n°13, sont inscrits au monuments historiques depuis 1974.

Passons par les passages : Les lucioles de Choiseul éclairent l'âme obscure de l'écrivain

"Moi qu’ai vécu Passage Choiseul, dix-huit ans, je m’y connais un peu en sombres séjours !… " 

Ces quelques mots que nous devons à Louis Ferdinand Céline dans son oeuvre "d'un château l'autre", me permettent d'introduire ce billet dédié à un nouveau passage parisien, et ce de façon toute littéraire...il est vrai que si cet endroit n'inspire ni mélopée, ni vers à la Prévert ni description balzacienne, il n'en reste pas moins qu'il est quelque peu tourné vers les lettres...comme l'expliquent les lignes qui vont suivre.

Le passage Choiseul est l'aboutissement, au Nord, de la rue du même nom (en hommage à l'homme politique influent de Louis XV) et relie la rue St Augustin à la rue des Petits champs qui constitue une longue artère commerciale du second arrondissement, 

Construit en 1829 sur l'emplacement de quatre anciens hôtels, propriétés de la Banque Mallet (et dont on a gardé l'un fronton à l'entrée Nord), il est comme les autres passages couverts, ouvert au public du lundi au samedi, mais inaccessible le dimanche. Si le passage du Grand Cerf est le plus haut avec ses 11,50 sous la verrière, le passage Choiseul est le plus long, s'étalant sur 190 m. Depuis 1974, il est inscrit au registre des Monuments historiques .
J'évoquais donc les lettres dans les prémices de ce billet, venons en donc plus précisément.... En effet, ces quelques mètres carrés de verre ont abrité plusieurs personnalités et sont placés sous les auspices de la culture et de la créativité : Alphonse Lemerrre, le premier éditeur des poètes parnassiens possédait en effet sa boutique dans le passage au no 23, et Louis Ferdinand Céline (qui y vécut enfant de nombreuses années, sa mère y tenant une boutique de "nouveautés" au no 67), y immortalisa l'ambiance ressenti dans ce lieu, dans plusieurs de ses oeuvres, comme par exemple en 1936, sous le nom de "Passage des Bérésinas" dans Mort à crédit. Des lettres mais aussi des mots et des tirades, c'est dans ce passage que les "Bouffes parisiens" y font déboucher l'une des sorties du théâtre lors de la construction de l’établissement en 1859.
 
Et puis, c'est aussi au début des années 1970 l'hôte du couturier Kenzo avant que ce dernier ne déplace ses boutiques quelques centaines de mètres plus loin sur la royale et chic Place des Victoires.
Pour être honnête je trouve ce passage moins intéressant que d'autres, presque sans personnalité, sans âme, le manque de lumière y étant peut-être pour quelque chose, du fait notamment du ciel de verre finalement couvert (par des bâches et des filets), tamisant ainsi la lumière, non pas pour un effet plus intime ou "cosy" mais pour faire écho à Céline, pour une effet quasi miteux....
Les deux étages ne présentent rien non plus de particulièrement notable, des arcades qui courent tout le long du passage, quelques plantes vertes tentent d'égayer le chemin, en vain....
Outre la boutique d'arts graphiques Lavrut avec ses jolis papiers et autres crayons de couleur....une carterie, un artisan bijoutier et un soldeur de livres, les commerces n'ont rien de véritablement attrayant. ...beaucoup beaucoup de marchands de pompes, qui finissent pas pomper le promeneur en fin de parcours....Ainsi, les portes à battants verts qui marquent les deux entrées sous leur marquises de verre laissent le passant dans son quotidien aussi gris et morose à l'entrée qu'à la sortie...Mais pour ne pas terminer sur un apriori personnel, j'ajouterais que l'éclairage, s'il ne met pas en valeur  les vitrines et leur achalandage, offre néanmoins au promeneur (oui, l'imagination aidant un peu tout de même...), l'impression que ses pas son guidés par un banc de lucioles....


Passons par les passages : Entre la rue St Denis et la rue Dussoubs, on en pince pour les cervidés...

En sortant du Passage Brady, près de la Porte Saint Denis et en redescendant la rue Saint Denis, on aboutit, au niveau du numéro 145, à un passage couvert qui dénote presque dans ce quartier aux commerces en tout genre (!?)...en effet s'il n'y avait pas de l'autre côté la rue Montorgeuil on se demanderait presque ce que fais ce couloir élégant non loin du tapin et des ateliers de confection du sentier...et pourtant...le passage du Grand Cerf que j'évoque ce jour est très couru, prisé, apprécié et référencé...

Long de 120m pour une largeur de 4 m, il est comme quasiment tous les autres passages couverts de Paris une voie privée (ouvert du lundi au samedi mais impossible de s'y promener le dimanche). Il permet de relier la rue St Denis à la rue Dussoubs dans le 2ème arrondissement. Ses trois étages font de lui le plus haut des passages couverts parisiens (11,80 m sous la verrière). Il se poursuit par le passage Bourg l'Abbé dont je reparlerai sans doute dans un prochain billet dominical.
Construit entre 1825 et 1835 (la date de son ouverture reste imprécise), il est directement lié à l'histoire du quartier dans lequel il est situé. Prolongement naturel de la petite rue Marie Stuart qui lui offre à présent une très belle entrée, son emplacement correspond à l'origine au terminus de la maison du roulage "du Grand Cerf" (lui laissant ainsi ce patronyme animalier), de la Messagerie Royale qui relayait alors les provinces de l'Est à Paris. Lié au quartier qui l'accueille, il était à son ouverture une galerie marchande populaire, à l'image du second arrondissement qui était à l'époque un passage largement marqué par l'industrie et ponctué de petites fabriques et d'ateliers. 
On dit parfois que les autres passages lui ont fait par la suite de l'ombre car à leur inverse il présentait cette particularité d'offrir des espaces de création et de fabrication lui donnant un caractère moins luxueux, car moins orienté vers la vente. Si ceci pouvait être vrai au XIXè, ça ne l'est plus aujourd'hui.
En 1862, le passage du Grand Cerf est légué à l'assistance publique et tombe petit à petit en désuétude et dans l'oubli, par manque d'entretien et de dynamisme. Il manque même d'être démoli. En 1988 d'importants travaux de restauration sont entrepris lui permettant de rouvrir ses grilles en 1990 et même de faire l'objet d'un classement aux monuments historiques en 1985. Retrouvant son charme et sa sa splendeur, il est à présent une référence dans le commerce chic et tendance parisien de la rive droite. 
Comme ses congénères il est fermé à ses deux extrémités par une grille et son nom surplombe le dessus de la voûte à chacune de ses entrées/sorties. Du coté de la rue Saint Denis, les armoiries de Paris (le bateau du "fluctuat nec margitur") rappellent qu'à l'origine ce lieu rendait un service public. Les deux premiers étages présentent des façades vitrées, laissant ainsi cet espace particulièrement utilisé par des boutiques et des ateliers. L’habitation ne prend donc place qu'au troisième étage, c'est une première particularité le distingue des autres passages. La seconde particularité réside dans ses passerelles en fer forgé, sortes d'arcs boutants que l'on ne retrouve pas sous les autres passages couverts. Le sol dallé en noir et blanc, les caissons du plafond aux deux extrémités de ce couloir et l'éclairage naturel participent à  l'ambiance chic et sobre tournée vers la création artistique. La hauteur de plafond contribue nettement au côté élégant et bourgeois général.
Aujourd’hui ce sont 35 boutiques chics et tendances, orientées vers le design, la décoration, la création artistique (bijoux, accessoires...). Je n'ai parcouru ce passage pour la première fois que récemment, étant tombée dessus presque par hasard. Si je l'ai trouvé assez agréable, j'ai aussi ressenti une ambiance assez froide et distante, je n'ai pas ressenti la chaleur et la sensibilité qu'il existe sous d'autres passages couverts.... la hauteur de la verrière y étant sans doute aussi pour quelque chose...
Ce sont surtout les animaux placés en guise d'enseignes au dessus des boutiques qui m'ont le plus amusée...je n'ai pas vraiment vu de lien entre eux et les créations que proposent les boutiques qu'ils ornent mais l'ensemble poétique et fantaisiste agrémente la promenade...

Passons par les passages : Entre la Porte St Denis et la Porte St Martin, l'Indus...

Des rives de l'Euphrate nous passons à celles de l'Indus.... une façon poétique et métaphorique d’introduire ce nouvel article pour expliquer qu'en traversant simplement quelques passages cloutés nous passons du Passage du Prado au Passage Brady...

Second passage couvert du 10ème arrondissement, il est onstruit en 1828 et fait l'objet d'une inscription au registre des monuments historiques depuis 2002. Long de 216 m pour une largeur de 3,5 m, il était à l'origine plus long que la version que l'on connait aujourd'hui. En effet, au delà du Boulevard Sébastopol qu'il borde, se trouve une seconde partie, non couverte, qui avant les grands travaux haussmannien et la percée de 1854, permettait également de relier d'une traite la rue du Faubourg Saint Denis à la rue du Faubourg Saint Martin.
Au niveau du boulevard qui a coupé le couloir en deux parties, se trouvait une jolie rotonde unifiant ainsi élégamment le léger travers du tracé. Dès ses débuts, le passage offre aux parisiens boutiques de vêtements, salles de lecture et les plans de l'époque indiqueraient également des établissements de bains..... Mais cette époque est belle et bien révolue....fini les crinolines et les fragrances de propreté....
Après avoir été délaissé au début du XXème siècle, il est aujourd'hui en effet dévolu à un autre exotisme....Les années 1970 et 1980 ont vu arriver à Paris des vagues d'immigration venues du Pakistan, amenant dans ce quartier de la rue du Faubourg st Denis de nombreuses familles d'origine indienne. Ce passage devenant ainsi comme le noyau dur de cette communauté qui y a installé de nombreux commerces et restaurants (même si le haut de la rue du Faubourg St Denis me semble plus refléter "la petite Inde"). Il est d'ailleurs amusant de constater comment ces pakistanais ont su jouer sur la note "exotique" que ces restaurants peuvent offrir aux parisiens du quartier (ou peut être tout simplement des touristes en mal de dépaysement, ou encore par les autochtones du Passage et de ses alentours retrouvant ainsi leur traditions culinaires....). 
De même, l'utilisation massive de la couleur rouge sur les devantures (couleur du luxe et de l'opulence en Inde) contraste fort avec la misère ambiante qui a peu à peu envahi ce passage, se traduisant par un manque de propreté, d'entretien du cadre mais du contenu (très) bon marché proposé par les petits commerces...Enfin, comment ne pas sourire devant les menus et les façades estampillés de références directement issues de l'Inde et de tout ce que cette destination peut véhiculer de clichés religieux ou traditionnels, quand on sait que les personnes qui tiennent boutiques et restaurants du passage Brady sont la plupart du temps musulmans ?
Certes, l'ensemble est assez mal tenu, les carreaux du dallage sont fendus, voire inexistants, les façades sont un peu miteuses et le restaurateur sur le pas de sa porte qui vous salue à votre passage, finit par vous faire décrocher un sourire..... 
Mais sans aller chercher la petite bête, "passer par Brady" permet, le temps de quelques foulées, de partir vers un ailleurs qui se termine rapidement une fois ressorti de l'autre côté...le temps de passer devant une devanture colorée malheureusement défraîchie, un menu évoquant épices et riz basmati encadré par deux éléphants en plâtre...Je vus l'avoue, c'est faible comme voyage mais l'ambiance est si particulière sous cette verrière et au delà du Boulevard de Strasbourg, qu'en soit c'est bel et bien un ailleurs....

Passons par les passages : Au Prado pas d'expositions de peintures mais un multiculturalisme affiché...

Des passages couverts du 9ème et du second, nous prenons la direction de l'Est, au sens propre comme au figuré...entre le quartier de Drouot et la place de la République, il y  a dans le quartier du Faubourg St Denis, une vie cosmopolite (dont je parlais déjà dans mon billet "la traversée de Paris"), faite de mélanges en tout genre, de couleurs, de parfums de saveurs, d'origines diverses et variées. Pour un petit voyage dans ce qu'on appelle entre la rue Mazagran et la le boulevard de Strasbourg (qui mène ver la gare de l'Est) la "Petite Turquie" et la "Petite Inde"...même si d'autres communautés d'Europe centrale, et d'ailleurs, viennent s'ajouter à ces deux nationalités prédominantes. 
Les vagues d'immigration des années 1980 et 1990 sont à l'origine du profil multiculturel de ce coin du 10ème arrondissement. Un multiculturalisme que l'on retrouve aussi bien dans les affiches, sur les devantures comme les marchandises des magasins, des enseignes, ou encore les menus des restaurants... Le Passage du Prado, comme la Passage Brady (qui fera l'objet d'un prochain billet), sont des univers à part, qui reflètent totalement ce melting pot à la française, dans un décalage qui en fait en réalité tout son charme et sa particularité. Mais voyons de plus près en quoi le décalage est aussi flagrant qu'amusant...pour cela il suffit de remonter simplement le temps...
Situé au 18 rue du Faubourg Saint Denis, le passage du Prado est une voie privée, ouverte de 9h00 à 19h00, qui s'étend sur une longueur de 120 m pour une largeur de 4 m. En forme de coude, il présente à sa brisure une belle rotonde....On le dit sale, poussiéreux, mal famé, sombre, et pourtant il présente bien de l'intérêt.... si on le regarde bien...
Créé en 1785, (il serait donc le premier passage de Paris puisque les Panoramas ont été construit en 1799), il est ouvert sous le nom de "Passage du Bois de Boulogne", du nom d’un bal qui s’y donnait. A cette époque, il était découvert, mais la rotonde existait déjà. Il ne prit sa jolie couverture qu'en 1925, toiture qui est d'ailleurs clairement marquée par le style artistique de l'époque, mais aussi par ce qui fit l’évènement cette année là, l'exposition des arts décoratifs...Ainsi ce sont les arcs boutants de carton pierre (mélange de sable et de carton  moulé sur une structure en fer) en enfilade courant tout le long du parcours qui marque le plus le passant, pour peu qu'il lève un peu la tête ; des fleurs sculptés et des pilastres ornent ce qui devait faire office d'éclairage au début du 20ème siècle....peut être des boules en verre poli, qu'ont aujourd'hui remplacé des ampoules LED nues...

Juxtaposition entre le cadre et ses occupants (bien que la plupart des personnes fréquentant ce coin de Paris dans la journée n'y habitent pas (ce sont des résidents "de jour", la plupart habitant en effet en banlieue), il est aussi frappant qu'amusant de voir travailler, se côtoyer et parfois habiter toutes ces communautés dans un cadre qu'ils ont autant apprivoisé qu'adopté, bien loin de leur propres références culturelles, historiques et artistiques, mais qu'ils ont néanmoins incorporé aux leurs ....

Une cohabitation entre les différentes communautés plutôt sereine, entre les primeurs maghrebains de la rue du faubourg St Denis, les salons de thé turcs, les marchands de CD pakistanais, les vendeurs de nippes (plus que) bon marché, les pâtisseries moyen-orientales, les boucheries halal, les restaurant pakistanais, le centre culturel kurde de la rue d'Enghien, et les épiciers chinois de la rue de l'Echiquier... oui on fait un petit voyage en restant entre quelques encablures et deux ou trois passages cloutés....

Si l'état actuel est effectivement assez douteux poussiéreux, guère entretenu mais pas non plus complètement délabré et encore moins en ruine, le Passage du Prado fait aujourd'hui l'objet d'un projet de réhabilitation architecturale. Deux projets ont été conceptualisés et proposés à la copropriété en vue "de permettre, à terme, une mutation des usages et des activités commerciales" comme l'expose l’introduction du plan de rénovation.

En effet, outre les habitants qui ont besoin d’emprunter le passage pour se rendre chez eux, la population peu nombreuse qui fréquente l'endroit est la clientèle des divers commerces (une majorité de coiffeurs). De plus certains individus s’y livrant à la vente de produit illicites rendent l’endroit peu « convivial ». Le projet est axé essentiellement sur une modernisation de léclairage, du sol, et des porches des deux entrées. L'une des propositions est de revisiter l'emplacement de la rotonde avec une cloche de verre permettant un espace d'exposition et de passage vivant, la seconde serait de mettre en place un système de miroirs visant à agrandir le passage tout en mettant en valeur chacune des deux artères.

Si la modernisation et la restructuration (pour une meilleure préservation du lieux) est nécessaire, il est important que ce lieu de vie (puisque c'est avant tout un espace d'habitation) puisse garder son charme particulier, et sauvegarder ce petit écosystème folklorique de Paris....
 

 

Passons par les passages : De verre et d'Oh !

Certes, le calembour est facile mais il a pourtant son sens et son explication....très simple même...voici en tout cas une petite entrée en matière pour traiter en quelques lignes le passage couvert qui séduit les deux précédemment évoquées dans mes deux derniers billets dominicaux...à savoir le passage des Panoramas et le Passage Jouffroy.
De verre donc...l'explication est rapide puisque nous parlons ici de passage couverts il s'agit bien là d'évoquer le plafond de verre qui laisse la lumière entrer dans ce couloir, laissant ainsi, suffisamment d'ombre pour lui donner une ambiance particulière. Les percées de lumière sont d'ailleurs différentes dans ce passage, donnant au niveau des deux entrées/sorties une pénombre presque intriguant, invitant ainsi le promeneur du quartier....
Située dans la continuité du passage Joufroy, de l'autre côté de la rue de la Grange-Batelière, il se termine rue du Faubourg Montmartre. Édifié en 1847 par les mêmes architectes que les deux passages dont il poursuit le tracé, et supervisé par M. Verdeau, promoteur et actionnaire de la société du Passage Jouffroy (qui, pour la petite histoire, est l'initiateur du système de location de linge pour hôtels et meublés), il présente une décoration intérieure (que l'on doit à l'architecte Jacques Deschamps) épurée, dans le style néo-classique cher aux innovations urbaines du début du XIXème siècle. Un grand lanterneau court le long de la voûte "en arrête de poisson" que j'appelle plus frugalement "chevron"...
En visibilité et en renommé, il faut reconnaître que c'est un peu le parent pauvre des deux précédents passages, pourtant sa lumière douce en journée et vive lorsque les lumignons sont allumés en soirée l'hiver ainsi que ses jolies enseignes le rendent réellement attractif. En fait, je trouve que Verdeau a une âme très différente de ses deux frères... plus artiste, plus bohème, un surplus d'âme, plus sensible, que les deux autres qui présentent malgré tout un caractère plus commercial. Verdeau n'est pas une vitrine de Paris comme Jouffroy, ni un repaire de philatélistes pointilleux comme Panoramas.
Et puis, sous Verdeau, le temps se ralentit....la vie trépidente de Paris s'arrête, preuve en est, l'horloge du passage ne fonctionne plus... Mais plus encore, Verdeau, c'est prendre le temps d'un déjeuner à l'Igolosi, figure de proue du "Slow food" du 9ème arrondissement (un concept en plein développement...), c'est remonter le temps en feuilletant un vieux livre d'enfant, ou admirer la délicate et raffinée vitrine de la mercerie chic, et féminine sur laquelle veille le buste d'un mannequin des années 50... Ou encore rechercher une photographie qui vous étonnera (la dite galerie de photos est présente sous la verrière depuis 1901...et facilement reconnaissable à son enseigne) et puis passer devant le cabinet de curiosités qui affiche parfois des décorations plus que particulières, s'arrêter devant les présentoirs du bijoutier qui rend les perles et les pierres d'une grande délicatesse, en toute simplicité...Le Passage Verdeau abrite en effet quelques ateliers de création artistique, le plus étrange restant celui qui accueille les visiteurs arrivant de la rue du faubourg Montamrtre....et quel accueil....pour s'en charger, une biche (vous faisant à peine de l'oeil...(!)), vous attend, artistiquement (enfin plutôt curieusement) juchée sur ses pattes arrière et surtout parée de bijoux. La vitrine sur laquelle elle veille n'est pas pour le moins étrange : un pan est en effet parsemé de petites écrins renfermant des miniatures, accompagnés de légendes qui n'ont rien à envier à mes jeux de mots et autres finesses d'esprit... 
Alors oui, il est un peu poussiéreux, (la poussière du temps et des nombreux passages des visiteurs...), ses grands carreaux qui habillent le sol irréguliers sont parfois fendus et certains verres de la verrière ne laissent peut être plus aussi bien passer la lumière...il faut dire qu'il est vénérable ce passage, ancêtre des galeries marchandes...construit pour distraire et améliorer le confort matériel des bourgeois parisiens, c'est aujourd'hui un lieu de flânerie, de rêverie pour certains, un raccourci et un intermède toujours heureux pour l'autochtonne que je suis...
Verdeau c'est donc le verre et l'Oh....ce qui précède explique donc la seconde partie de mon calembour introductif.... il est vrai qu'en traversant ces quelques mètres couverts, on ne peut être que tenté de s'arrêter à chaque vitrine, et faire des Oh d'étonnement, de questionnement, de ravissement, de curiosité, de plaisir simples pour les yeux...

Passons par les passages : Jouffroy, le passage de toutes nos madeleines...

Si l'on passe sous les Panoramas, on sera forcément tenté de poursuivre le voyage par le passage Joufroy que l'on rejoint en traversant simplement le boulevard Montmartre qui sépare les deux voutes par un simple passage piéton et deux trottoirs...il permet de continuer une promenade amusante, entre le grand boulevard et la rue de la Grange-Batelière.

Jouffroy (oui, je l'appelle par son p'tit nom...), c'est mon passage préféré, peut être que c'est d'ailleurs le cas pour beaucoup de visiteurs. Clair, chic, animé,  spacieux, simple et très bien entretenu, commerciale mais sans exagération, il s'y dégage une ambiance toute particulière, presque difficile à décrire (enfin, je vais tout de même essayer...), où l'art se mêle à la déco, à la culture, mais aussi au tourisme, aux plaisirs sucrés et quelque part à la nostalgie de l'enfance (ceci explique cela...). En effet, tout pousse dans ce petit voyage à un retour à l'enfance....les livres d'enfants anciens, d'un bouquiniste, le marchand de jouets miniatures, le magasin de jouets classiques (voire rétro), "Pain d'Epices", situé un peu plus loin, juste à côté "Comptoir de Famille" qui vous emporte dans un intérieur qui fleurent bon les parfums de vacances avec une grand mère, dans une maison ancienne à la campagne et vous renvoie à des souvenirs lointains (ou pas...). La seconde bouchée de la madeleine de Proust se déguste d'ailleurs juste en face puisque "Le Valentin" offre dès sa vitrine des souvenirs sucrés entre meringues, financiers, cannelés, sablés et autres gourmandises qui rappellent les mercredis ou les dimanches après-midi transformés en ateliers cuisine... Un voyage sensoriel auquel fait écho quelques mètres pluis loin "la Cure gourmande" qui comme son nom et son affiche l'indiquent invite le client à un flashback enfantin, (où la culpabilité n'existe pas) entre pyramide de caramels soigneusement emballés et boîtes de biscuits colorées....
Avec toutes ces sympathiques enseignes, flirtent l'étrange et l'intriguant...ce qui émerveillle petits (et grands) enfants... C'est en effet sous ce passage que se trouve la sortie du Musée Grévin dont les célèbres personnages de cire voient passer (ou plutôt) défiler bon nombre de visiteurs au regard tant amusé qu'interrogatif (au point de se demander qui des figures, réelles ou pas, sont les plus étonnées..).
A quelques carreaux plus loin on trouve un expert en minéraux, un amateur de curiosités, un coiffeur (si si..), et en bout de passage, l’hôtel Chopin qui, avec sa pendule sous la verrière, marque le pas des promeneurs, le temps parisien, le temps du passage (!) de chacun sous ces quelques dizaines de mètres de verre...le temps que chacun s’accorde pour s'attarder près des vitrines, ici à sentir une bougie parfumée, par là à s'interroger devant des curiosités, prendre le temps de feuilleter un livre d'art, ou d'être en admiration devant un petit tableau ou une photographie qu'exposent les quelques galeries situées juste en haut des marches donnant sur la rue de la Grange-Batelière...
Pour moi le temps de ce passage, s'il est souvent furtif et rapide, est parcouru, c'est vrai, d'un pas vif... Lesmarches sont montées et descendues deux par deux, les mètres carrelés sont martelés par mes talons hauts ou mes baskets... Il faut dire que je le connais si bien ce passage que je n'ai pas besoin de m'attarder autant que les touristes, mais à chaque fois que je "passe par Jouffroy", c'est un vrai bonheur, quelques minutes de vie ailleurs, une parenthèse parisienne que je ne retrouve pas ailleurs et qui me permet à chaque fois de (re)trouver le sourire, une joie de vivre toute simple. Que ce soit à 9h00 du matin quand tout est encore calme, en milieu de journée quand il occupe les pauses sandwich, le soir à 17h00 avec quelques poussettes et des cris d'enfants, ou bien encore le dimanche en hiver quand les parapluies laissent des trainées de gouttes sur le damier noir et blanc, l'ambiance est toujours la même et en même temps à chaque fois différente car les passants divergent, et la vie d'un passage est faite des gens qui l'empruntent...alors à chaque fois, c'est un instant de vie différent.....

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Passons par les passages : Des "Princes" aux "Panoramas"...il n'y a qu'un pas...

Reliant plusieurs rues en un petit dédale de quelques artères couvertes de verre, il permet de parcourir 133 mètres de long sur une largeur de 3,20 mètres. Sa première caractéristique est de présenter un plan composé d'une artère principale à laquelle se greffent plusieurs autres, en parallèle comme en perpendiculaire, débouchant soit sur un cul de sac soit sur une sortie. Passage privé à usage public, comme la plupart des galeries couvertes de Paris, le Passage des Panoramas (puisqu'il s'agit de lui) est inscrit au registre des Monuments Historiques depuis 1974.
Passage le plus ancien de Paris, il est construit en 1799 lorsque caniveaux et égoûts n'existaient pas encore dans la capitale (il était donc heureux les jours de pluie de trouver ces refuges pour promeneurs frileux et parisiens désireux de protéger bas de pantalon ou frange de robe....) à la place de l'Hôtel de Montmorency-Luxembourg. Dans les années 1830, l'architecte Jean-Louis Victor Grisart rénove le passage et crée trois galeries supplémentaires à l'intérieur du pâté de maisons : la galerie Saint-Marc parallèle au passage, la galerie des Variétés qui donne accès à l'entrée des artistes du Théâtre des Variétés, les galeries Feydeau et Montmartre.

Si aujourd'hui l'urbanisme de la capitale a fait de sérieux progrès (un grand merci d'ailleurs à M. Haussmann et consorts...), il n'en reste pas moins que ce passage reste très très fréquenté, et ce il me semble pour plusieurs raisons.
Son objectif originel reste totalement d’actualité. Construit pour protéger les passants tout en leur offrant une promenade atypique inspirée de l'ambiance des souks orientaux, ce but est totalement atteint puisqu'avant même de connaître ce détail historique c'et exactement le sentiment que j'avais en y passant... Outre le fait qu'il soit à ciel couvert, c'est également, la lumière, la configuration étroite, le cosmopolitisme, l'atypisme et un certain éclectisme qui peut sembler parfois incongru, les devantures animées, les adresses de philatélistes (ce passage est en effet un lieu d'échange important pour les férus de timbres dans Paris), les restaurants minuscules (mais non dénués de personnalité, à la décoration parfois approximative, mais toujours dépaysante et curieuse...) qui rendent ce lieu unique, présentant une petite parenthèse tant spatiale que temporelle pour le curieux qui emprunte ce couloir.
Qu'on le parcourt à 9h00 du matin, à 14h00 ou à 18h00 et plus tard encore à la sortie du Théâtre des Variétés dont il est le voisin (presque) direct,  il y a toujours une animation certaine, qu'elle provienne soit des boutiques et des troquets, soit par les passants et les curieux eux même.
Ce qui caractérise également ce lieu, c'est l'aspect disparate entre architecture et boutiques : tout y est en effet éclectisme. L'ensemble des constructions reste très classique reflétant parfaitement ce début du XIXème siècle à travers les pilastres, les arcades et l'équilibre des volumes. L'opposition de ce classicisme avec le cosmopolitisme des commerces, pour ainsi dire affichée, est très amusante à observer. Ici un restaurant aux accents moyen-oriental, là une curieuse vitrine annonçant une "clinique" pour poupée anciennes, là encore, un marchand de cartes postales, timbres et capsules de bouchons de champagne (?!), là encore un bistrot dont l'entrée est représentée par un ancien wagon de chemin de fer, par ici un bouquiniste et un peu plus loin la très honorable imprimerie Stern, annoncée aussi bien par un carrelage personnalisé, que par une devanture que l'on ne trouve plus beaucoup dans la capitale et qui sont (heureusement) protégées (voir mon article d'hier).
Je ne pourrai pas clore cette description qui restera malgré tout incomplète tant il y aurait à dire sur ces quelques dizaines de mètres, sans parler de la lumière qui filtre par la verrière en forme de chevrons, placée au faite de l'artère principale mais aussi dans les travées annexes. Lumière indirecte que vient compléter de manière subtile celle des différentes acteurs de la galerie, ainsi chaque boutique, chaque restaurant apporte également à cette lumière commune un touche supplémentaire, ajoutant ainsi encore un peu plus d'éclectisme et de cosmopolitisme. 
S'agissant du sol, il est composé, comme le reste, de franges et de parcelle, de temps, d'époque et de vie parisienne et témoigne totalement de l'usage de ce couloir particulier : autrefois probablement entièrement dallé, il est aujourd'hui composé d'un assemblage (que nous qualifierons d'artistique et d'aléatoire) de carrelages auquel se marie incidemment quelques plaques de béton, déjà patinées par le passage des nombreux promeneurs....ainsi que de quelques morceaux de moquette rouge invitant le passant et le client à fouler tranquillement, sans se presser ce parcours si particulier. 
Le curieux qui passe par ce couloir ne peut qu’inévitablement lever la tête pour regarder les nombreuses enseignes qui agrémente la hauteur de plafond, colorées, classiques, aux accents exotiques ou complètement loufoques, elles font également le charme et la caractéristique du passage, renforçant encore un peu la notion de flou artistique et cosmopolite.
Mais au fait, savez vous d'où vient ce nom de Panoramas ? et bien tout simplement parce qu'une attraction était installée au dessus du passage par deux rotondes où étaient peints des tableaux représentant des panoramas de grandes villes. Malheureusement cet embellissement a été détruit en 1831. Ainsi se mèle ici des ambiances totalement différentes qui sont une véritable valeur ajoutée à ce quartier si animé et si attrayant de Paris. Un coeur de Paris bien vivant donc (comme en témoigne d'ailleurs la suite de l'article), où, avec un peu de sensibilité et d'imagination, on peut faire un petit voyage de quelques minutes avant de rejoindre la grille qui termine le parcours, rue du Faubourg Montmarte, ou la sortie carrelée de la rue St Marc....et retrouver ainsi le fil de son trajet, le fil de sa journée....
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Passons par les passages : Au Passage des Princes, les jouets sont rois...

Pour ce second passage illustrant ce blog le long des dimanche d'hiver, je souhaiterais évoquer en quelques lignes l'élégant passage couvert qui perce le bloc d'immeubles entre le 97, rue de Richelieu et le 5, boulevard des Italiens. Nous passons donc du 1er arrondissement au second, arrondissement qui a vu la construction de plusieurs passages couverts au XIXème siècle. 

Le Passage des princes est construit en forme de L, s'étend sur une longueur de 80 m pour 3 de large, constituant une  voie privée et, à ce titre, comme la Galerie Véro Dodat, est fermée le dimanche. Les façades, les verrières et le sol sont inscrits au registre des Monument Historiques depuis 1975.
Mais remontons un peu plus loin... dernier passage parisien a être construit sous "l'ère Haussmann", il est inauguré en 1860, sous le nom de "Passage Mirès" (du nom du banquier qui acheta en 1859 le grand hôtel des Princes et de l'Europe que le passage a désormais remplacé). Propriété dès lors de la Compagnie d'assurance sur la vie (aujourd'hui les AGF), le passage est détruit en 1985 puis reconstruit à l'identique avec les décors, partiellement d'origine, au début des années 1990.
La coupole de verre ornée de fleurs est elle de l'époque Art Déco. Réaménagé en 1998, il est rouvert en 2002, date à laquelle il accueille depuis une célèbre entreprise de jeux pour enfants qui en a fait "le village des jouets"...

Comme l'ensemble des autres passages couverts parisiens, le couloir artistiquement dallé et présente une verrière en forme de coque d bateau retournée. L'ensemble est éclairé par une ribambelle de lampadaires appliqués le long des murs. Couleurs chatoyantes, bain de lumière permanent, jeux intéressants entre lignes droites et lignes courbes, les formes s'entrecroisent pour mieux se compléter....Des crinolines aux jeans taille enfant, le passage dallé de noir et blanc a vu trotter quelques paires de pieds...

 

 

Passons par les passages - Partie 1 : "Dodat, de son prénom Véro"...

Il me tenait à coeur de consacrer quelques articles sur les passages parisiens qui contribuent au charme et au côté "secret" de Paris. Et quelle meilleure période de l'année que l'hiver pour évoquer ces couloirs à ciel (c)ouverts, lorsque l'on fuit la pluie et que le soleil n'est pas encore au rendez vous ? J'ai la chance d’habiter dans ce quartier qui en abrite plusieurs et c'est à chaque fois pour moi un réel plaisir que d'emprunter ces quelques dizaines de mètres de décors de couleurs et de vie particuliers. Construits sous l'ère de la "Nouvelle Athènes" dans la première moitié du XIXème siècle ces véritables percées dans les immeubles proposent au parisiens de joindre l'utile à l'agréable : "couper" des pâtés d'immeubles et se protéger des intempéries tout en jouissant de commerces variés sous une lumière particulière qu'offrent leur verrière.

Pour commencer cette nouvelle petite série alliant histoire et patrimoine parisien, je vais évoquer celui que j'ai encore longé cette après-midi... mais malheureusement fermé le dimanche (de toutes les façons aujourd'hui il faisait beau... :)), je souhaite évoquer ici en quelques lignes la Galerie Vero Dodat....qui semble sortie directement de l'univers du Paris littéraire du XIXème siècle, où le "Bonheur des Dames" et l'univers du "Père Goriot" semblent être juste à quelques encablures...
Chic et juste ce qu'il faut de select, élégant passage couvert reliant la rue du Bouloi et la petite rue Jean-Jacques Rousseau (1er ardt), débouchant d'un côté sur le Ministère de la Culture et sa mantille argentée, de l'autre sur de petits resto typiques du 1er... la galerie abrite surtout de jolies boutiques, comme la cultissime échoppe du grand Louboutin où stars et têtes couronnées vont se chausser (un fantasme que mes pieds de sportive ne pourront probablement jamais assouvir... (soupir)). Côté Croix des Petits Champs, la sortie du Passage vous fait aboutir sur les salons de Terry de Gunzburg (plus connue sous la marque qu'elle a créée "By Terry") où la notion d'esthétique est un cran au dessus du reste.
La Galerie est ouverte en 1826 et restaurée dans les années 1980, le style renvoie quelque peu à l'antiquité avec ses deux pilastres annonçant l'entrée, ses sculptures placées dans des niches et les décours intérieurs faits de peintures enchâssées dans des cartouches, évoquant des personnages inspirés directement du registre décoratif de la Rome antique.
 
Comme beaucoup d’autres passages couverts de Paris, il s'ouvre et se ferme par un portail, à chacune de ses extrêmités et présente une enfilade de devantures et de vitrines au caractère désuet et suranné pour faire un peu rêver et donner la possibilité, le temps de quelques foulées, de faire un petit voyage dans le passé, bien agréable justement les jours de pluie ou les dimanche d'hiver souvent cafardeux.., entrelacs et arabesques harmonieuses ajoutant encore un peu au charme de la vie parisienne des siècles révolus....le damier noir et blanc qui jalonne les pas du promeneur apport sa note d'élégance à la nostalgie qui flotte toujours un peu dans ces "couloirs" du temps un peu particulier.....