Paris au fil de l'eau

Paris ne serait pas Paris sans l'eau, sans la Seine et sans ses (très) nombreuses fontaines...quelles soient figuratives ou abstraites, anciennes ou modernes, en marche ou arrêtées, ce sont dans chaque quartier, rue, place, cour qu'elle ornent un petit su

Paris au fil de l'eau : Les lions de la place Daumesnil garderont mes secrets...

p9160588.jpgEn passant hier par la Place Félix Eboué, j'ai une nouvelle fois souri aux lions qui pendant plusieurs mois d'affilée ont été couverts d'échaffaudages, pour mieux réapparaitre dans leur teinte et leur pose initiales, celle, un peu stupide certes, du fauve accroupi sur ses pattes arrière : la pose hiératique du roi des animaux. Comme je les connais bien ces félins..."La fontaine au lions", ou "Fontaine du Château d'eau", a été réalisée par Charles Davioud, à qui l'on doit de nombreuses réalisations du même acabit dans Paris. Initialement prévue pour la Place de la République, elle échoit finalement à son emplacement actuel en 1880, lorsque la place s'appellait encore Place Daumesnil. Mais plutôt que de m'appesantir, peut-être un peu inutilement, sur l'histoire de ces fauves, je vous livre les quelques vers qu'ils m'ont inspiré.


Tu me parle du Général Daumesnil,
Je te réponds en évoquant Félix Ebouée,
Deux figures de l'histoire de France pour une place,
Et une fontaine majestueuse en son centre, telle une île.

Les lions qui la gardent prennent la pose depuis longtemps,
Je les ai d'ailleurs croisés bien souvent, 
Juchée, cheveux au vent, sur mon vélo,
Comme au sortir d'une bouche de métro.

Place Daumesnil je ne vous oublierai,
Place Félix Ebouée je ne saurai vous abandonner.

Par tous les temps, ils m'observent, taciturnes,
Impassibles et immobiles crachant leur eau,
Selon la saison et les caprices de la météo,
Ils m'épient moi et mes parisiennes turpitudes.

Car non loin de ces fauves verdâtres,
Il arrive que tu m'attendes encore, imperturbable,
Derrière la porte qui s'ouvre alors pour moi,
Surprise de me retrouver à nouveau si près de toi.

Place Daumesnil je ne vous quitterai,
Place Félix Ebouée je ne saurai vous délaisser.

Dans la nuit noire du Paris amoureux,
Comme aux premières heures du petit matin,
Sous le ciel orageux comme sous les derniers feux ,
D'un ciel d'été qui fuit déjà à brûle pourpoint.

Quoi qu'il advienne de nos coeurs, les lions de la place, 
Me font et me feront encore et toujours face,
Me laissant toujours à mes humeurs : le soir mutine,
Le matin, la peau encore si câline.

Place Daumesnil je ne vous oublierai,
Place Félix Ebouée je ne saurai vous délaisser.

Ils sont là, écoutant le bruit fuyant des talons, 
Rapides et mesurés sur le bitume citadin,
Féminine expression d'une douce joie, 
Comme d'une pointe de mélancolie parfois.

Et si d'aventure il me venait à nouveau de les croiser,
Certainement, le sourire aux lèvres et les yeux fermés,
Je me souviendrai de tes traits à la lueur d'une bougie allumée,
Une voix, un parfum, que ma mémoire ne peut complètement effacer.

Place Daumesnil vous me manquerai,
Place Félix Ebouée je ne peux vraiment vous déserter.

Alinéa

Paris au fil de l'eau : Des fontaines...."ayant Dieu pour objet"

pb110029.jpgLe square de l'église de la Trinité connait depuis plusieurs années maintenant un remue ménage qui gâche une partie de ce lieu parisien propice au repos et à la tranquillité. Mais malgré les échafaudages et les grillages, mon apppareil a pu débusquer ce qui doit être l'objet de ce roman photos du jour, à savoir les fontaines de cette église, incontournable dans le paysage parisien.

J’avais en effet pour objectif de tenter d'apercevoir malgré ce rideaux métallique ajouré, la fontaines surplombant le square auquel elles apportent un peu de fraîcheur en été. Il ne sera donc pas question ce soir d'évoquer l'église en elle même, mais simplement cet élément architectural qui vient achever, que dis je, parachever la décoration foisonnante, que certains qualifieront certainement d'excessive, de cette église du Second Empire.

Les trois fontaines, tout comme l'église qui les surplombe, sont l'oeuvre de notre ami Théodore Ballu dont j'ai déjà parlé, une première fois pour évoquer son adresse personnelle, nichée non loin de l'oeuvre de sa vie, rue Blanche et une seconde fois à l'occasion des journées du patrimoine, en citant le Beffroi de l'église St Germain l'Auxerrois.pb110027.jpg

Mais revenons à nos fontaines.....elles se situent entre le parvis de l'église et le square qui sépare le lieu de culte de la rue, mettant ainsi comme un peu de distance entre l’agitation de la vie de la cité et le calme de la vie spirituelle qui règne sous l'édifice religieux. 

Et cette sérénité propre à tous les lieux de prière est bien gardé par les trois statues couronnant le bassin. Comme l'ensemble du bâtiment, les trois fontaines sont chargées de symbolique. Conçue en 1867, elles sont réalisées par les sculpteurs Duret, Lequesne et Alphand et représentent les trois vertus théologales (vertus "ayant Dieu pour objet"), à savoir la foi (disposition à croire en aux vérités révélées), la charité (l'amour de Dieu et de son prochain pour l'amour de dieu) et l’espérance (c'et à dire la disposition à espérer la Béatitude.

pb110026.jpgCes trois piliers de la foi chrétienne sont ici incarnés par un groupe composé d'une femme et de trois enfants, évoquant la charité et de deux anges évoquant la foi pour l'un et l'espérance pour l'autre. Situées dans l'axe des trois arcades en plein cintre, elles viennent achever harmonieusement l'ensemble, certes éclectiques, mais néanmoins équilibré.

La présence de ces trois statues correspondant à trois sorties d'eau vient respecter la symbolique du chiffre trois, correspondant au dogme de la Trinité, et omniprésent, forcément, de part et d'autre de cet édifice....Les fontaine sont donc au nombre de trois, composées de trois vasques d'où s'écoule par trois mascarons de bronze (pour la fontaine centrale), un jet d'eau venant finir sa course dans un large bassin. Il n'est guère étonnant de la part de Ballu compte tenu de son goût pour l’exubérance et la symbolique, d'avoir intégré ces trois fontaines au projet de l'église de la Trinitié, en effet, l'eau  est un élément important la foi catholique, qui marque le début de la vie chrétienne à travers l'eau du baptème.
Ce sont les mots de Charles Péguy qui termineront ce billet ce soir, évoquant ces trois mêmes vertus, de façon ici encore bien imagée.....
dscn1780.jpg

Lire la suite

Paris au fil de l'eau : "Le trèfle d'Aragon".. pour laisser une chance à l'Amour...

pa230115.jpgDans le jardin des Halles, aujourd'hui en pleine ébullition de restructuration et de modernisation, se trouve, nichée en contrebas, sous une allée suspendue, une des huit fontaines que compte cet espace vert parisien installé en 1984, espace urbain qui, depuis des décennies, semble en quête de son identité.....A travers une succession de portiques recouverts de végétation, d'arcades et de fontaines, cet espace de verdure et de pierre encadré de monuments remarquables fait du coeur de Paris, un intermède verdoyant et lieu d'échanges et de rencontres.

En parcourant récemment l'une des nombreuses traverses qui jalonnent le jardin des Halles, j'ai découvert la fontaine que j'appelle désormais "le trèfle d'Aragon" et que je fais aujourd'hui l'héroïne de ce bref roman photo du Paris "au fil de l'eau". Placée sous le patronage de "l'Allée Aragon", une allée bordée de roses (des fleurs chères au poète), il était difficile de la baptiser autrement...mais si rose il est question, pourquoi évoquer un trèfle ?

Simplement parce que dans la vasque chargée de recevoir l'eau s'écoulant d'un bec de bronze ouvragé, est dessiné un trèfle en mosaïque verte. Cette feuille déjà patinée par le temps et les caprices du ciel parisien m'a immédiatement évoqué la poésie et le romantisme de l'homme de lettres de notre XXème siècle bien mouvementé... Comment ne pas citer Aragon à travers l'évocation de cet édifice et ces quelques lignes qui suggèrent encore et toujours la fuite du temps.... Car aujourd'hui le trèfle est bien asséché, le cours de l'eau a définitivement cessé sa course et le temps semble comme avoir également marqué un arrêt, laissant les feuilles mortes recouvrir nonchalamment les carreaux de mosaïque clairsemés....pa230117.jpg

En s'arrêtant ne ce serait ce que quelques instants au pied des bosquets et des plates bandes fleuries, comment ne pas se remémorer la douceur et la mélancolie des vers du poète qui avait ouvert et offert son coeur à Elsa Triolet ? Et même si le "Trèfle d'Aragon" ne comporte que trois feuille et non quatre, je souhaite lire à travers ce dessin simple mais néanmoins poétique, le symbole d'une chance à venir : celle que chaque jour naissant apporte à chacun. 

Ce trèfle figé au fond de sa vasque vient presque faire écho à un vers du plus célèbre poème d'Aragon illustrant lui même parfaitement l'image (bien réelle) que je garderai de cette petite carte postale parisienne, celle de deux amoureux se retrouvant sur l'allée Aragon au milieu des roses et surplombant ce trèfle...en d'autres termes et comme le souligne la poète... laissons sa chance à l'Amour...

"Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre.
Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant.
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre.
Que serais-je sans toi que ce balbutiement.

J'ai tout appris de toi sur les choses humaines.
Et j'ai vu désormais le monde à ta façon.
J'ai tout appris de toi comme on boit aux fontaines
Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines.
Comme au passant qui chante, on reprend sa chanson.
J'ai tout appris de toi jusqu'au sens de frisson.

J'ai tout appris de toi pour ce qui me concerne.
Qu'il fait jour à midi, qu'un ciel peut être bleu
Que le bonheur n'est pas un quinquet de taverne.
Tu m'as pris par la main, dans cet enfer moderne
Où l'homme ne sait plus ce que c'est qu'être deux.
Tu m'as pris par la main comme un amant heureux.

Qui parle de bonheur a souvent les yeux tristes.
N'est-ce pas un sanglot que la déconvenue
Une corde brisée aux doigts du guitariste
Et pourtant je vous dis que le bonheur existe.
Ailleurs que dans le rêve, ailleurs que dans les nues.
Terre, terre, voici ses rades inconnues."
pa230116.jpg

Paris au fil de l'eau : La cité des trois grâces.

"Les grandes eaux pour fêter les trois grâces", et quelles grandes eaux...Même si ce ne sont pas celles que le Roi soleil aimait à contempler dans ses jardins du château de Versailles, ce sont tout de même de grandes eaux pour le lieu dont il sera question aujourd'hui et où elles se donnent en spectacle...

J’évoquerai donc dans ce nouveau billet "Au fil de l'eau", trois donzelles, de la flotte, une petite cité élégante et bien cachée qui pourrait presque rappeler quelques descriptions du Paris que l'on lit chez Blazac ou Georges Sand... Oui, car c'est de la fontaine de la Cité de Trévise (9ème ardt) dont il sera question ce soir : Une fontaine à la taille presque disproportionnée au vu de cette petite place sur laquelle vient se nicher et se fondre au coeur d'un léger écrin de verdure cet édifice.

Oeuvre de Francisque Duret, la fontaine d'aujourd'hui est réalisée au milieu du XIXème siècle, à l'époque de ces grands travaux parisiens qui révolutionnent tant le paysage que la vie pratique des habitants de la capitale. C'est la période de la folie des fontaines qui font l'objet de réalisations artistiques aussi diverses que variées permettant ainsi aux sculpteurs de laisser aller leur inspiration.

Ici comme dans de nombreux autres endroits dans Paris, c'est le thème des trois grâces qui est repris (l'exemple le plus emblématique de l'utilisation massive de ce sujet mythologique, restant bien sur celui des fontaines Wallace, fontaines certes plus petites que celle évoquée ce jour mais bien plus nombreuses...).

Alors à quoi ressemble t elle cette fontaine de la cité de Trévise ? Au centre d'une petit parterre de verdure circulaire, se dressent trois jeunes femmes coincées entre deux vasques  : la plus grande, à leurs pieds, recevant l'eau qui s’écoule de la plus petite, coiffant ces trois femmes aux visages aussi énigmatiques qu'intemporels....

Ces déesses incarnant la vie dans toute sa plénitude, et plus spécifiquement la séduction, la beauté, la nature, la créativité humaine et la fécondité, répondent chez les romains au doux noms de Euphrosyne, Thalie et Aglaé. Elles restent aussi rigides dans leur geste et leur posture que silencieuses (à moins que ce ne soit le chant de l'eau qui résonne sur cette placeette, qui ressemble d'ailleurs davantage à une cour, qui couvre les voix de ces apparitions verdâtres ? ....). 
 
Comment les distinguer l'une de l'autre sous cette légère pluie permanente qui fait de ce lieu un peu à part dans ce quartier pourtant animé, une salle de concert aquatique à ciel ouvert ? Rien ne différencie particulièrement l'une des deux autres dans cette représentation somme tout assez simple de ces trois demoiselles illustrant un sujet mythologique qui reste un thème de prédilection pour peintres et sculpteurs depuis l'antiquité.

Les peintres et les sculpteurs, mais pas seulement, preuve en est avec ce poème d'un anonyme évoquant en quelques vers les trois ensorceleuses et venant ainsi clore ce billet aquatico-mythologique.... 

Jeunes filles de marbre, où la blanche froideur
Allie à la beauté des formes gracieuses
La noble pureté de vierges silencieuses,
Elles sont à la fois élégance et grandeur.

Mais que font-elles donc là, si mystérieuses,
Depuis les temps lointains où l’âme du sculpteur
A soufflé un rayon léger sur leur pâleur ?
Elles parlent tout bas de choses merveilleuses…

Elles parlent des mains, des gestes et des yeux,
Un langage oublié qui n’existe qu’aux cieux
Et que nos sens grossiers ne savent plus comprendre.

Oh ! Qu’un sculpteur divin me modèle le cœur
Dans un marbre aussi pur que celui des trois sœurs !
Peut-être je pourrai alors le réapprendre !

Anonyme

Paris au fil de l'eau : Au pied du petit palais, la poésie impressionniste...

Dans les jardins des petits et grand palais, se trouvent, discrètement nichées dans un écrin de verdure bien à l'ombre d'un bosquet d'arbres, deux fontaines. Il n'y a pas grand chose à dire sur ces deux bassins qui se font face, situé chacun au pied de ces bâtiments réalisés pour l'exposition universelle de 1900. Construites pour finaliser, enjoliver et parfaire cet ensemble marqué par le sceau d'un éclectisme exacerbé (comme en témoigne le Pont Alexandre III qui les jouxte directement) ces deux bassins, l'un circulaire, le second en forme de rectangle recueillent l'eau qui sort simplement d'un bouquet de roseaux stylisés placé au centre.

C'est dans le bassin situé devant le petit Palais que j'ai photographié cette eau qui m'a spontanément évoqué un tableau impressionniste, une image de l'élément aquatique, presque japonisante immortalisée à la fin de l'été dernier...Oui, je pense que cette image du Petit palais dans cette eau bruissante, dansante et chantante aurait plus à Monet....
Plus qu'une peinture impressionniste, un cliché auquel vient s'ajouter ces quelques vers de Melenea, une expression d'une poésie contemporaine qui s'ajuste pourtant bien à ces touches de couleurs, aussi floues que fondues de ce bassin dans lequel se reflète la pierre blanche du palais...
"Dans les jardins oubliés 
de nos mémoires collectives
Morcelées, Gardiennes
De dormeur éveillé
Sommeillent les fontaines
aux jouissances renouvelées

Miroir liquide des fées perdues
aux labyrinthe des voeux
de la convoitise, des hommes malheureux
cherchant leur reflet
dans la brume des augure

Et l'eau coule goutte à goutte
de la vasque des mirages
en flocons de nuages
s'accrochant à l'enfer d'un azur
Effiloché par des vents indifférents

Mouvement perpétuel
D'une eau-frande
Dans la coupe des vouloirs
où se penchent tour à tour
les sages et les fous
en quête d'un visage
comme source d'une réalité
à laquelle s'ancrer"...

Melenea : "Fontaines"

Paris au fil de l'eau : Au château d'eau, le temps des cerises n'est pas révolu...

Quittons le Marais et les premiers arrondissements de ces derniers billets pour monter sur la butte Montmartre, retrouver un point d'eau et continuer ainsi notre promenade des fontaines parisiennes....Retrouver un lieu peut-être un peu méconnu des parisiens, mais encore une fois assez romanesque, pour rester dans cette ambiance chère au XIXème siècle, époque qui a tant marqué notre Lutèce.....Ce romantisme qui parfume quelques fois mon roman-photos à l'image de la violette qui embaumait certaines douces missives il y a quelques 150 ans...C'est presque le temps qu'il faut remonter pour aller à la rencontre de la fontaine dont il sera question ce soir.

En suivant le "fil de l'eau" de mon roman-photo parisien, nous arrive aujourdhui à la croisée de la rue de Norvins et de la rue Lepic, sur ces pavés, forcément un peu en pente, qui donnent aussi tout le cachet et le caractère à ce quartier souvent si encombré...

Arrêtons nous quelques instant devant cette grande grille en fer forgé qui reste toujours fermée et qui garde un jardinet au fond duquel se trouve l’héroïne de cette page...l'ancien Château d'eau de Montmartre transformé en une fontaine. Construit en 1835, ce petit bâtiment octogonal juché sur un perron fait d'une dizaine de marches est d'inspiration purement néoclassique, comme en témoigne son fronton. Cet édifice essentiel à l'alimentation en eau du village qu'était alors Montmartre ; en effet, compte tenu du relief et de l'altitude de ce coin reculé par rapport à la capitale (notre ami Haussmann n'était pas encore passé par là..), il fallait bien trouver un moyen d'approvisionner commerces et habitants en eau.
La façade du bâtiment est richement décorée mais une bonne partie des sculptures qui l'ornaient ont été patiemment effacées par le temps, ce qui lui donne néanmoins sa patine et encore un peu plus de charme à ce lieu qui reste un peu hors du temps malgré l'animation qui ne manque jamais sur la butte Montmartre. 
Au coeur de cet édifice est nichée une grande urne de bronze qui reste d'ailleurs l'un des rares modèles parisiens que l'on peut encore admirer aujourd'hui (sans doute est ce à cause de cette demoiselle d'ailleurs que l'ensemble de ce site est protégé par cette  grille noire...). On dit qu'elle est l'oeuvre de Jean Baptiste Clément...je ne sais pas s'il s'agit de ce chansonnier montmartrois à la vie dense et trépidante, qui fut il est vrai dans sa jeunesse garnisseur de cuivre ....nul ne sait....Ornée de naïades et de tritons, ses anses sont faites d'animaux marins. Un fin filet d'eau sort d'un mascaron à l'effigie d'une tête de lion.
le calme, la quiétude et la sérénité qui se dégage de ce petit coin retiré pourtant en plein centre du vieux Montmartre si passant, tient peut être du fait de ce bosquet fait de quelques arbres, des fleurs, de ce perron et du chant de l'eau cachée dans la pierre....Dans ce cadre romanesque, on est presque tenter d'imaginer le fantôme de "la vaillante citoyenne Louise", à qui J-B Clément dédia sa plus célèbre chanson, venant quelques fois se reposer à l'ombre de ces feuillages, le regard posé sur la capitale qui est juste en contrebas... et écouter le doux gazouillis de l'eau tout en fredonnant "le temps des cerises" de son ami J-B Clément....

Lire la suite

Paris au fil de l'eau : Le pélican de M. Dejean...

C'est rue Amelot, dans le 11ème arrondissement, au cours d'une balade "street art vélo" que j'ai croisé sur mon chemin la fontaine dont il sera question aujourd'hui. Au pied du Cirque d'Hiver, tout près du boulevard des filles du Calvaire, sur la petite place Pasdeloup, je me suis approchée, non pas à pas de loup, mais bien à deux roues pour envisager et me laisser inspirer pour ce nouveau billet "au fil de l'eau" (voilà que ces "rimes involontaires" viennent encore spontanément faire valser mes doigts sur mon clavier....).

Si ce petit édifice public prend le nom de son généreux donateur, M.François Eugène Dejean (1821-1893), architecte de son état, c'est que c'est effectivement ce bienfaiteur parisien qui avait décidé, dans un élan altruiste propre au XIXème siècle (comme il a déjà été évoqué à travers l'exemple des fontaines Wallace) de mettre en place un ensemble de douze fontaines dans Paris (à l'image de celle-ici), afin de subvenir aux besoins d'eau potable des parisiens. Toutefois, seul cet exemplaire, érigé en 1906, voit le jour de cet ambitieux 
programme. Pourquoi ? L'histoire ne le dit pas, le court remerciement gravé à même la pierre non plus, et c'est encore moins l'eau de la fontaine qui me le confiera car elle semble malheureusement avoir été privée de sa voix pourtant bien coulante et rafraichissante (comprenez par là que cette fontaine semble bien à sec...). 

Placée au centre d'un tout petit square délimitant presque à lui seul la place Pasdeloup, la réalisation de cette fontaine est confiée à l'architecte Camille Formigé et les sculptures sont faites par Charles Louis Malric. Cette décoration est d'ailleurs plutôt simple : sur une base octogonale, s'élève une colonne, séparée en trois parties : dans le premier tiers, deux vasques en forme de coquilles se font dos et reçoivent l'eau sortant de deux boutons poussoir. 

Un peu plus haut, c'est un hommage qui a été rendu à l'initiateur de l'installation de ce point d'eau, à travers un bas relief de François Eugène Dejean et sur lequel on peut lire quelques lignes commémoratives de remerciements : « François Eugène Dejean, architecte de la Ville de Paris, a fait don à ses concitoyens de douze fontaines alimentées en eau de source ». Un épitaphe un peu zélé quand on sait qu'en lieu et place de douze fontaines il n'y en a bien qu'une seule et unique et que cette héroïque demoiselle a la gorge bien sèche....

Enfin, au sommet du petit édifice un pélican se contorsionne....il est parfois dit à propos de cette sculpture qu'il se perce le flanc....pour savoir si cet oiseau avait un penchant sado masochiste, j'ai mené une (toute) petite enquête afin de connaître la fonction symbolique du pélican. On y voit la plupart du temps une référence catholique, et souvent au Christ lui même directement. En effet, dans l'Europe occidentale, depuis le Moyen-Age, le pélican est vu comme un symbole de piété : on croyait qu'il perçait sa propre chair et nourrissait ses petits de son sang (d'où le rapprochement christique). D'autres légendes racontent que le pélican tue ses petits, puis, pris de remords, ouvre sa poitrine de son bec. Son sang, se déversant sur les oisillons, les ramène alors à la vie. Dans l'iconographie et la symbolique chrétienne occidentale, le pélican symbolise le sacrifice du Christ, qui versa lui aussi son sang pour les autres. Alors que penser d'un rapprochement entre un pélican, symbole du Christ et M. Dejean pourvoyeur d'un point d'eau dans la capitale ? Je ne vois personnellement pas de grand sacrifice dans ce geste, pour autant altruiste.

Au delà de me donner des explications symboliques, cette fontaine m'a surtout indiqué de façon beaucoup plus terre à terre et poétique que la fin de l'été avait déjà un peu sonné.....les feuilles mortes ayant commencé à réquisitionner les deux coquilles...tout en jonchant les grilles qui tapissent le pied de la fontaine Dejean.

Alors songeant davantage aux derniers jours de l'été qu'aux symboles iconographiques.....j'ai laissé notre oiseau de pierre pour enfourcher mon vélo et profiter de ces dernières heures de soleil aoutien en filant entre les murs parisiens.... 

Paris au fil de l'eau : Dans le dos de Vauban, l'eau coule pour les pigeons

La dernière fontaine parisienne croisée et furtivement capturée par mon appareil phoo est la fontaine située place Santiago du Chili, que la statue du grand Vauban dédaigne pourtant placidement en lui tournant le dos....ridicule de la part de ce monsieur qui aurait tout à gagner à regarder l'eau couler sous les rayons du soleil et les ébats des pigeons entre gouttes et détails sculptés....

Placée dans ce coin du 7ème arrondissement depuis 1902, elle est imaginée en 1864 par Gabriel Davioud à qui l'on doit plusieurs autres fontaines dans la capitale, comme la fontaine du Châtelet, les fontaine de la Place Malraux ou encore la fontaine St Michel. Elle doit ses sculptures typiques du second empire à Théophile Murguet.
Au centre de plusieurs bosquet fleuri, sous une lumière ombragée offerte par un groupe d'arbres, la fontaine est constituée d'une grand bassin circulaire au centre duquel est posé une fut composé de quatre griffons. Ces bestioles fantastiques supportent  une vasque ouvragée de croisillons et dont le pourtour est orné d'une série de têtes de lions crachant, à leurs heures perdues, de l'eau  (en effet, cet été, il semblent avoir du mal à approvisionner le bassin, ce n'est pourtant pas l'eau qui a manqué ces dernières semaines, mais pourtant la gorge des mascarons reste désespérément bien sèche, sans doute l'approvisionnement des canalisation du jardin n’ayant aucun rapport avec l'hygrométrie parisienne...). Le faite de l'édifice se compose d'une colonne évasée sculptée et notamment décorée de quatre visages féminins.
Élégance, quiétude, et sérénité se dégagent de cette fontaine parisienne qui jouxte les Invalides, dans ce petit espace vert chic du 7ème arrondissement où la blancheur de la pierre sculptée trouve naturellement toute sa place.
Bien souvent, quand le soleil joue à travers les branches des platanes, quelques pigeons viennent se réchauffer sur la pelouse qui sert d'écrin à cette oeuvre architecturale et poussent la malice à s'amuser entre les têtes et les pattes des griffons.
Cette fontaine était initialement située place de la Madeleine, au côté de sa soeur jumelle aujourd'hui posée au centre de la place François 1er, 

Paris au fil de l'eau : Où le Carnaval de Paris reprend vie...

La pluie s'en est un peu allée, une trêve qui permet au soleil à nouveau de briller....laissant le trottoir de l'après-midi plus chaud que ces derniers jours, une trêve sans doute assez brève.... Alors pour apporter une note rafraîchissante à ce quartier d'été, et avant que l'orage ne succède aux lourdeurs climatiques de la journée, je vais évoquer ce soir une fontaine. Une fontaine nichée sur une petit place que j'ai rapidement déjà évoqué à l'automne dernier, lorsque je faisais référence à l’intriguante qui avait habité l'un des splendides hôtels particuliers qui délimitent le périmètre de ce coin de la nouvelle Athènes que j’affectionne particulièrement. La place Saint Georges, puisque c'est d'elle dont il s’agit ici, est marquée par trois bâtiments importants, l'Hôtel de la Païva donc, en face la bibliothèque Thiers, que vient directement jouxter, outre une bouche de métro, le théâtre du même nom que la place, point de ralliement des parisiens amateurs de bons mots et de spectacles, apportant ainsi une note aussi animée que culturelle à cet endroit tranquille de l'arrondissement.

Au centre, derrière une protection circulaire en fer forgé et en guise de petit rond point citadin, se dresse la fontaine Gavarni, érigée à l'origine en 1824 mais réaménagée au début du XXème avec les éléments que l'on lui connait aujourd'hui. 
Un hommage rendu au célèbre caricaturiste du XIXème siècle qui habitait le quartier, un momument réalisé grâce à une souscription publique de la Société des Peintres-Lithographes, comme il est indiqué à la base du monument. Le buste du dessinateur surplombe ainsi la place, mais aussi les rues St Georges et la rue Notre Dame de Lorette.
Sur le pourtour de la colonne, des hauts reliefs représentant les personnages du Carnaval de Paris (inspirés de ceux de la Comédia dell'Arte) ont été sculptés, par Denys Puech et Emile-Oscar Guillaume, faisant presque ainsi écho (certes, muet) aux comédiens qui jouent sur la scène du Théâtre St Georges, à quelques mètres à peine de ces figurants de pierre....
Les yeux d'Arlequin, pointent vers un ciel parisien qui, même s'il est souvent gris, prend soudain des couleurs à travers le regard de cette gaieté à jamais immortalisée dans la pierre, et le sourire de Grisette croise subrepticement le passant apportant un peu de douceur à un quotidien peut être un peu trop routinier...
Leurs mains rejoingnent celles de Rapin et du Débardeur, pour esquisser une ronde imaginaire autour du créateur. Une ambiance bonne enfant, artiste, fantaisiste, presque un peu bohème qui correspond totalement au cadre de son emplacement. Un  peu de poésie, sur cette petite place, qui semble soudain délaissée par l'animation et la brutalité que connais aussi parfois Paris.
Au pied du joyeux quatuor ont été appliqués en guise de décoration mais aussi destinés (quand ils le veulent bien) à déverser de l'eau (la fontaine, enfin plutôt ceux qui régissent la distribution d'eau des fontaines publiques parisiennes, étant assez avares sur ce point...), quatre mascarons représentant (officiellement), les parisiens....si je ne me retrouve pas particulièrement parmi les faciès proposés par le panel (question d'époque sans doute....), il convient de relever que ces figures étaient probablement représentatifs de la société contemporaine de leur auteur....Mais entre Mamie Nova des jours de Carême et le peintre de Montmartre au chapeau, rien qui ne puisse vraiment rappeller l'autochtone de la capitale d'aujourd'hui......

Lire la suite

Paris en musique : "La fontaine des amours"

La chaleur étourdissante, étouffante, fatiguante, un emploi du temps hors champs, hors temps ne m'ont pas permise de rédiger le billet du lundi sur une fontaine fontaine, mais voici tout de même un peu d'eau pour se rafraichir les idées, à travers les vers de Lucienne Delyle et la photo des reflets des bassins des fontaines de la Cour Napoléon du Louvre. Un reflet qu'on aimerait toucher d'un peu plus près par ces quelques 37°.....

"Prés de la fontaine
La fontaine des amours
Si ton cœur est en peine
Tu vas te pencher un jour
Dans l'onde qui jase
Tu jettes deux sous d'argent
En disant cette phrase
La même depuis mille ans :
Je l'aime et qu'elle m'aime aussi
Je l'aime et qu'elle m'aime aussi
Et dans l'eau qui chante
Tu vois danser un beau jour
Une image charmante
C'est toi mais au bras de l'amour
Ah qu'elle soit tout à moi
Rien qu'à moi
Je l'aime et c'est pour la vie
Je l'aime et c'est pour la vie
Heureux ceux qui viennent
Pencher leur visage un jour
Au bord de la fontaine
De la fontaine des amours
Des amours, des amours, des amours".

Lucienne Delyle

Paris au fil de l'eau : quand oecuménisme et humanisme se rencontrent au square St Julien le pauvre

Un souffle d'humanisme passera ce soir sur les ondes des fontaines parisiennes. Après la fontaine "euphésienne" placée à l'entrée de la place de la bataille de Stalingrad, voilà que nous descendons un peu plus au Sud de la capitale, traversons les deux bras de la Seine, tout près de Notre Dame, pour arriver dans le petit square Saint Julien le pauvre (appelé également square René Viviani Montebello), A l'ombre des tonnelles et surtout de notre doyen robinier, se dresse une fontaine réalisée par Georges Jeanclos, également à l’origine de notre petit bouddha du bassin de la Villette. Placée là depuis 1996, c'est d'elle dont il s'agira aujourd'hui.

Il faut se figurer l’équivalent d'un tronc de forme triangulaire, s'élevant à à peine quelques mètres du sol, une taille suffisante pour exprimer un intensité émotionnelle et un message symbolique. Un tronc noueux comme le piédestal sur lequel est assis le sage du 19ème arrondissement, et comme là bas, des oves, des mandorles sculptées et un réseau linéaire ornent le fut de colonne. Un fut qui rappelle étrangement celui d'un arbre où apparaîtraient les noeuds du matériaux laissé à l'état brut. Par association d'idée, une image qui évoque le bois de l'âme, noués par ses faiblesses, ses blessures, mais aussi par sa richesse et ses qualités.
Un ensemble presque étrange aux volumes et aux formes inattendues, mais présentant toutefois une harmonie et un sens de lecture qui semblent n'appartenir qu'à son concepteur, lui même en dehors des chemins empruntés par ses contemporains.
Il suffit de se plonger quelques instants dans les regards des protagonistes de cette scène en trois dimensions, et d'observer les visages qui sortent comme de la matière première, pour comprendre quelle intensité l'artiste devait connaitre et vouloir transmettre aux visiteurs qui viendraient croiser ces figures et peut-être frôler le filet d'eau déversé par les têtes de cerfs ornant chacune des faces du triangle.
Comme l'indiquait le critique d'art Pierre Morel, ce sont "douceur, tendresse, silence, pitié" qui se dégagent naturellement de ces sculptures, des sentiments auxquels je ne peux m'empêcher d'ajouter celui d'humanité. A la pitié j'ajouterai également volontiers l'empathie et surtout la compassion. Des vertus qu'on ne peut dissocier de celles de la vie chrétienne et de façon plus large, qu'inspire toute religion. D'ailleurs, si le sculpteur est traditionnellement influencé par l'art étrusque il s'inscrit également dans une référence au style bouddhique.
 
La fontaine raconte très simplement l'histoire de St Julien le pauvre dont l'église qui jouxte le square porte le nom, église qui se trouvait directement sur la route de St Jacques de Compostelle. La légende raconte que son chemin croisa un jour celui d’un cerf, qu’il voulut tuer. Le cerf lui déclara qu’un jour il tuerait son père et sa mère. Effrayé, il quitta son pays natal et refit sa vie dans un autre royaume. Mais ses parents désespérés retrouvèrent sa trace et frappèrent un jour à la porte de la femme de Julien qui les accueillit à bras ouverts, leur offrant même son lit conjugal. Julien trouvant à son retour des inconnus dans son lit, les tua et n’apprit que trop tard la vérité, faisant vœux de pauvreté pour expier sa faute. La prophétie du cerf s’était donc réalisée.
Alors pourquoi ce titre ? Cette oeuvre m'apparait oecuménique pour plusieurs raisons : son emplacement, à côté de Notre Dame de Paris, mais dans un square où le tout à chacun vient avec ce qu'il est, où l'on vient se poser, un lieu de rencontre et d'échanges, ou simplement de passage. De par sa référence historique et religieuse, renvoyant à la vie d'un saint. Une notion oecuménique également, tout simplement par son réalisateur était juif.
Mais rien dans cette légende ne caractérise non plus une pensée, une religion en particulier; sinon des valeurs universelles, que cette vieille légende hindoue me parait bien illustrer.
"Après avoir créé l'Univers, les dieux se demandèrent où dissimuler la Vérité.
Sur la plus haute montagne ? Tout au fond des mers ? Sur la face cachée de la Lune ?
Finalement, ils se dirent : "Cachons-la dans le coeur de l'homme.
Il la cherchera partout sans se douter qu'elle se trouve au plus profond de lui-même ..."

Lire la suite

Paris au fil de l'eau : Un brin de ménage sur la place Laurent Herr...

Dans le 5ème arrondissement, antre la rue Tournefort et la rue Lhomond, il y a, en pointe sur la place Lucien Herr, juste en dessous d'un bistrot, un petit espace vert, enfin, plutôt un "jardinet"...Quelque plates bandes, du vert, quelques touches de couleurs avec des fleurs....Un ou deux bancs, au centre une petite statue équestre, aux inspirations cubistes et suggérant vaguement un Don Quichotte se battant non pas contre des moulins à vent, mais l'air parisien.....Servant de fond à ce cadre (presque hétéoclite), dans le calme quasi inattendu de ce coin du 5ème, un peu à l'écart de l'animation du quartier Mouffetard, se dresse un mur de pierre sur lequel repose une installation sculpturale faisant office de fontaine.

Installée en 1982 la fontaine présente une mise en place étrange d'éléments en bronze, à écoulement d'eau en fins filets, qui m'ont spontanément évoqué.....des serpillières....oui, en m'approchant un peu pour voir et écouter le doux chant de l'eau, pourtant bien discret...comme le filet d'une serpillière qu'on essore... je me suis aperçue que l'artiste avait peut-être moulé ses formes à partir de ces ustensiles de ménage.
 
Alors des serpillières oui, mais comment dire, pour certaines posées à l'envers....car certains éléments sculptés pointent tout de même vers le haut....mais l'image d'un objet domestique, totalement éloigné du cadre et probablement de la démarche de l'artiste m'a néanmoins bien amusée....
Que dire de plus sur cet alignement de "loques" de bronze (très chic...) posées le long du mur, et laissant filtrer un filet transparent ? Peut-être simplement que le chant de l'eau dégoulinant de ces serpillières en apesanteur rappellent aux passants du quartiers à leurs propres taches domestiques....

Paris au fil de l'eau : Une tranche d'eau pour rafraîchir les bisets

La fontaine dont je parlerai ce soir est un (des) refuge(s) pour les bisets parisiens en pleine chaleur, comme celle de ces jours ci. Située à l'intersection des rues de Seine, Jacob et de l'Echaudé, elle dénote presque avec cette forme et son aspect si contemporain dans le cadre de ce 6ème arrondissement classique, conventionnel qui fait son environnement ....Elle semble avoir été placée là comme une perle ou une pierre précieuse dans un écrin, dans ce petit enclos de verdure, bien en vue, comme un bijou à admirer. 

"La sphère en tranches", s'incarne donc en une sphère, une forme mystérieuse qui évoque la perfection l'absolu... mais aussi l'étrange, le cosmique presque. Et puis, la présence d'un Invader  juché sur le mur, qui semble presque de connivence apporte encore un peu plus de fantaisie et d'extra-ordinaire à cette fontaine. Une forme d’autant plus mystérieuse qu'elle est en réalité composée de lamelles de marbres.
Car c'en est une, donc...la sphère en tranches est réalisée en 1977 par Guy Lartigue qui a également conçu et installé celle de la place Jussieu, intitulée la "Boca della verita"... Le sculpteur de l'eau, alliant les matériaux statiques et immuables (pierre, granit, marbre) avec cet élément, vital, fugace, fantaisiste, intemporel qu'est l'eau identioque, sans être vraiment jamais la même...un mariage entre l'immobile et le mobile, le muet et le chantant, l'ombre et la lumière....
Comme il l'indique lui même "cette sculpture-fontaine représente une de mes meilleures complicités avec ma copine l’eau. Celle-ci ne cesse, par tension superficielle, de recouvrir, lors de sa lente descente, les surfaces successives du dessus
et du dessous que lui offre cette sphère, et elle la quitte avec son murmure de cascatelle".

Ainsi, Guy Lartigue nous transmet encore ici une ode à la vie à travers la mise en valeur si particulière de l'eau, son élément fétiche. Ici l'eau s'écoule du sommet de la sphère pour dégouliner le long des lamelles, jouant avec les interstices et les aléas du vent.
Il se dégage de cette sculpture, au delà d'un petit air cosmique, légèrement intersidéral, futuriste certainement, une grande poésie. Et si les pigeons ne vont pas chercher de grands explications sur le pourquoi du comment de la matière de sa place dans l'univers, et de tout questions métaphysique et artistique que cette oeuvre pourrait susciter chez quelques uns, ils profitent néanmoins bel et bien de ce bain rafraîchissant....

Paris au fil de l'eau : Où Bouddha veille sur le Bassin de la Villette...

Entre la rotonde de la Villette et la fontaine dont je vais dresser le portrait ce soir, il n'y a qu'un pas (ou s'il y en a plus qu'un, ça n'en fait tout de même pas beaucoup...). Avant de déboucher sur l'esplanade qui s'étale devant l'ancien pôle douanier construit par Claude Nicolas Ledoux, juste au sortir d'une bouche de métro, à l'entrée de la place de la bataille de Stalingrad, se dresse, bien humblement, dans la plus grande discrétion et la sérénité, la sculpture d'un petit bouddha décorant et humanisant une fontaine.

Depuis plusieurs mois, je suis quelques fois passée devant cette fontaine en imaginant le petit billet que je rédigerai à ce sujet. Alors comme le jour est venu, je vais tenter de transmettre à mon lecteur ce que je ressens quand je passe près du sage, imperturbable dans sa méditation.

Je n'ai pas réussi à glaner d'éléments historiques et culturels sur la raison d'être de cette fontaine, peut -être est ce mieux, ainsi le moine garde sa part de mystère, ses yeux resteront définitivement clos sur ses origines et le pourquoi du comment de sa présence aux pieds de la rotonde de la Villette, qui n'a sans doute pas beaucoup de points communs avec lui. Je ne sais pas à quelle époque il a pris racine ici, sur ce perchoir, mais les toiles d'araignée tissées, chevauchant ses doigts et son habit semble indiquer un âge déjà bien vénérable (même si cette explication poétique n'explique et ne confirme absolument rien évidemment....). 

Si la colonne ne me parait pas très belle et si la vasque, simple et guère recherchée me parait dépourvue d'intérêt, la statuette en elle même est bien plus intéressante.  Placé au sommet d'un fût décoré de lignes sinueuses et d'oves stylisées, le petit bouddha est assis en tailleur, drapé dans sa tenue de moine bouddhiste. Juché au sommet de cette colonne d'environ trois mètres de haut, il semble là haut comme quittant tout à coup le sol, transcendé par sa méditation. Il garde le visage impassible, dans la pose du lotus qui lui apporte la sérénité nécessaire pour ne pas se laisser atteindre par l'ébullition et l'agitation de la vie parisienne. Les yeux fermés, il prend de la hauteur..... Au dessus des autres, il garde cette distance qui lui permet de ne pas être submergé par les turpitudes et les aléas de la vie. 

Croisé en plein hiver, lorsque la neige offre un contraste presque saisissant entre la blancheur immaculée et le bronze foncé des formes du bonhomme, comme en plein été sous le soleil qui lui offre ainsi des reflets dorés, ou encore sous la pluie sous laquelle il reste la tête haute, quand bien même les gouttes dégoulinent de son visage aux contours et aux traits parfaits, le bouddha reste égal à lui même, quelque soit la saison de l'année. Et malgré les animations qui ne manquent pas de se suivre à cet endroit si fréquenté où les passants ne cessent de défiler, il reste là, sans bouger, alors que des manifestations en tout genre pourraient venir perturber le calme de son intériorité.

Les bras ouverts, il accueille tout .....la paix, le calme...mais aussi des choses plus terre à terre...comme des petits "cadeaux" que des passants lui apportent, un geste qui peut paraître amusant, presque touchant pour certains, dégradant et horripilant pour d'autres. Moi, quand j'ai vu une cannette de coca et un petit pot de crème glacée, j'ai franchement souri, regrettant de ne pas pouvoir à ce moment là immortaliser cet instant quasi comique. Une petite offrande inattendue ou une poubelle détournée ? quoi qu'il en soit, le petit bouddha de la place de la bataille de Stalingrad accepte tout sans sourciller.....

 

 

 

Paris au fil de l'eau : Où Diane veille sur le jardin des Champs Elysées

Dans la verdure du quartier de l'Elysée et plus précisément dans les jardins qui bordent la plus belle avenue du monde se trouvent outre les bancs et les fleurs...deux bassins circulaires... Du côté de la Seine, juste devant le restaurant Ledoyen, se trouve le bassin de Diane.

Cette fontaine a été  commandée et réalisée en même temps que d'autres en 1840. Conçue par Hitorff et sculptée par Desprez elle porte en elle une physionomie, des proportions et des formes qui reflètent parfaitement les oeuvres réalisés durant la Restauration et la Monarchie de Juillet.
Ce point d'eau (qui a un pendant de l'autre côté de l'avenue des champs Elysées) est composé d'une vasque posée sur un piédestal de bronze octogonal décoré de dauphins et de feuilles, surmontée par une seconde, plus petite. L'eau sort de 12 mascarons à l'effigie de têtes de lion, retombant dans la vasque inférieure. Une statue de Diane surplombe l'ensemble.
Oves, entrelacs et feuillages, des décorations qui viennent compléter les petites têtes de lions qui semblent monter la garde aux pieds de Diane. L'eau coule tranquillement, par un jet fin...les bulles dansent et les cascades chantent une chanson joyeuse....
La fontaine se fond et se marie parfaitement au cadre naturel qui l'accueille : à l'automne, elle reçoit sans broncher les feuilles qui tombent des arbes dans l'eau, fêtant dans un joyeux tourbillon d'écume la mort des feuilles et le changement immuable des saisons;..au printemps elle laisse se refléter dans l'eau les bourgeons naissant et le frémissement des branches dans le vent et les giboulées, en été, les rayons du soleil du soir réchauffe son eau et apporte un léger hâle à la jeune femme qui, qu'il pleuve, qu'il neige ou qu'il vente, reste égale à elle même, à veiller du haut de son piédestal sur ce petit poumon vert de la capitale.

Les feuillages se confondent presque avec la couleur de la pierre et du bronze faisant dans ce coin du jardin des Champs Elysées un endroit presque caché, privilégié, où la quiétude et la tranquillité règne en toute simplicité.
 
Juchée en hauteur  Diane reste imperturbable regardant d'un air détaché la valse des saisons et l'ébullition parisienne...

 

Paris au fil de l'eau : Square Gabriel Pierné, entre sérieux et légèreté...

Dans le square Gabriel Pierné (6ème ardt), que longe la rue de Seine, il n'y a pas que les parisiens qui prennent une pause au soleil en lisant un bon bouquin....même les pigeons sont littéraires....cette image des bisets au pied de quelques ouvrages posés sur des bancs figurant un livre ouvert m'a amusée et m'a semblée être une bonne introduction à ce billet culturel, arrosé (et oui on va encore parler d'eau) de fantaisie et de légèreté....

Effectivement, ce n'est pas de littérature ou de plumes dont je vais parler ce soir ...mais bien d'eau pour cette nouvelle petite coulée de mots évoquant une fontaine parisienne. C'est donc dans le square Gabriel Pierné que j'ai croisé un point d'eau qui m'était alors encore inconnu. Non loin des bancs de pierre qui incitent presque à une petite lecture impromptue, se dresse une colonne de pierre surplombant une vasque circulaire. La fontaine en question a été sculptée par Alexandre Evariste Fragonard en 1830 pour alimenter en eau le marché aux Carmes avant la destruction de ce dernier qui surviendra en 1930. L'édifice est alors déplacé vers le square Gabriel Pierné où on le trouve encore aujourd'hui.
Cette fontaine du 6ème arrondissement est composée d'une simple vasque au sol au milieu de laquelle une pile est érigée, d'où s'écoulent deux filets d'eau de Seine. La colonne est surmontée par une tête à deux faces révélant deux références à la prospérité et prenant les traits de visages féminins : l'un en hommage à l'abondance, l'autre en l'honneur du commerce, des vertus à priori bien éloignées des belles lettres...mais après tout pourquoi pas....
Les deux têtes sculptées au traits figés et à la stature hiératique, porte un regard vide, droit qui rappelle la rigidité qui transpire toujours un peu des oeuvres réalisées en ce début du XIXème. Car tout dans la physionomie de cette fontaine évoque le registre et le style que l'on apprécie sous l'Empire et la Restauration. Souvent en référence à l'Antiquité, on retrouve effectivement ici tout le répertoire dans lequel plongent les artistes à qui l'on commande un édifice ou une oeuvre, qu'elle soit à caractère publique ou privée. Mais ici elles correspondent surtout à la symbolique évoquée : des cornes d'abondance logiquement adressées à ...l'abondance et le serpent en référence au dieu du Commerce Mercure.

Deux simples goulots crachant un filet d'eau rappellent la fonction de cette colonne simple et (f)rigide.

Cette fontaine, qui fait l'objet d'une inscription au titre des monuments historiques depuis le 29 octobre 1952 donne un caractère simple, linéaire, avec un soupçon de sérieux, est heureusement légèrement "chahutée" par la présence coquine et légère d'une certaine "Carolina", une sculpture de Marcello Tommasi datant de 1968 représentant une fillette, qu'un petit malotru a récemment affublé d'un ostensible phallus.... 

 

Lire la suite

Paris au fil de l'eau : Quand la philanthropie nous désaltère...et hisse les couleurs...Partie 2

Après le fond...la forme : j'évoquais hier la philanthropie wallacienne mais il me faut maintenant préciser comment elle s'est traduite dans les rues parisiennes....

L'installation des fontaines de Sir Wallace a répondu à un cahier des charges rigoureux, permettant d'allier esthétique et utilité : Les édifices devant être assez grande pour pouvoir être visibles de loin sans néanmoins rompre l’harmonie de l’environnement urbain les accueillant. Elles devaient également présenter une forme agréable à l'oeil, leur permettant ainsi de se fondre encore mieux dans le décor parisien. Ensuite, elles devaient être d'un prix raisonnable afin de pouvoir ainsi multiplier leurs installations. Enfin, il fallait qu'elles soient réalisées dans un matériau facile à travailler et commode d'entretien. Ce fut la fonte de qui fut choisi pour ce chantier d'aménagement urbain d'envergure.

Ces ainsi que les modèles en fonte, peints en vert ont donc trouvé leur place une fois leur emplacement désigné par la Mairie de Paris, à des endroits jugés facilement accessibles au public, notamment sur des places ou à l’angle de rues importantes.

Quatre modèles ont donc été proposés à la ville de Paris pour agrémenter la commodité des parisiens et leur fournir l'eau potable. J'évoquais dans mon dernier billet les nymphes décolorées...mais il convient de préciser à quoi elles ressemblent ...

Et bien ces demoiselles ont été directement inspirées à son auteur par celles dessinées par Pajou et figurant sur la Fontaine des Innocents que l’on trouve sur la place du même nom, aux portes du Forum des halles. Les quatre cariatides se tournent le dos et soutiennent à bout de bras un dôme surplombé d'une pointe et agrémenté de dauphins. 

Sir Wallace a fait de cet édifice un véritable langage codé...digne d'un bon historien d'art en effet...Les nymphes symbolisent quatre vertus : la bonté, la simplicité, la charité et la sobriété (il s'agit bien de fontaine à eau....donc logique..). Si elles semblent identiques, un peu d'attention vous fera remarquer qu'elles sont en réalité toute différentes, soit par la position de leur pied, de leur genou ou la façon dont leur corsage est noué. De plus, Mlles Sobriété et Simplicité ont les yeux fermés.....alors que Mlles Bonté et Charité ont le droit regarder le spectacle de la vie parisienne....On attribue également à ces dames la symbolique des saisons : ainsi le printemps serait simple, l'été charitable, l'automne sobre (dur dur pour la période des vendanges...), et l'hiver bon...

Mais l'anglais ne s'est pas arrêté là, sur les huit facettes du fût de la colonne soutenant les pt'ites dames sont également propices à la décoration...tridents et dauphins alternant avec conque écoulant un chapelet de perles...représentant l’ouïe et la parole.

Des vertus attribuées aux parisiens ? Je ne saurai m'engager sur cette épineuse réflexion....

Le second modèle présente des colonnettes en lieu et place des cariatides, permettant ainsi une économie dans la réalisation. Il se claque directement sur le premier modèle, différent simplement au niveau du dôme qui n'est pas aussi pointu et présentant une partie inférieure plus incurvée. Les quatre faces étant néanmoins identiques au premier.

Deux autres modèles existent, mais n'ont pas été créé par le philanthrope anglais....plutôt des "fake" surfant sur le succès de leur grandes sœurs… Le modèle "en applique" que j'ai croisé non loin de la fontaine Cuvier dans le 5ème arrondissement (mieux vaut deux fontaines qu'une, d'autant que la seconde n'est pas en service), adossée au mur d'enceinte du Jardin des Plantes, rue Geoffroy St Hilaire c'est d'ailleurs le seul exemplaire subsistant. D'à peine deux mètres de haut, c'est par un mascaron à l'effigie d'une naïade que se déverse l'eau qui tombe dans une vasque marine reposant entre deux pilastres.

Enfin, le dernier modèle, dit "le petit modèle" en raison de ses 1,32 m, que l'on trouve surtout dans les squares et les jardins, est en réalité une simple "borne fontaine" à bouton poussoir marqué aux armes de Paris, le "fluctuat nec mergitur" gravé ou plaqué dans des endroits divers et variés, donnant une estampille toute parisienne supplémentaire.

La plupart des fontaines créées par Wallace et placées par la ville de Paris depuis les années 1870 sont toujours en service et distribuent de l’eau potable. Elles font partie du patrimoine et de la symbolique parisienne, au même titre que les plaques des noms de rue ou que les bouquinistes sur les quais. Il est donc un peu difficile de concevoir que ces fontaines prennent des couleurs aussi farfelues qu’inattendues et qu’elles délaissent ce joli vert qui leur permet de s’harmoniser et de se fondre en toute sérénité dans notre environnement quotidien.

Paris au fil de l'eau : Quand la philanthropie nous désaltère...et hisse les couleurs...Partie 1

Alors que nous avons sorti la garde robe du plein été, que les terrasses sont envahies et que les glaciers sont déjà en rupture de sotck, j'ai décidé de donner à ce billet "au fil de l'eau" une tournure singulière. Au lieu de parler d'une fontaine en particulier, je vais évoquer ce soir celles que l'on croise dans tous les quartiers de la capitale et qui font pour certaines l'actualité parisienne (et plus précisément dans le 13ème arrondissement...). Je veux parler ici des fontaines Wallace, dont on remercie l'élégante et discrète présence en ces chaudes journées.

Mais d'où viennent elles et à qui les doit on ? Et bien c'est encore à la Commune, dont on entend pas mal parler en ce 140ème anniversaire que nous fêtons cette année, que l'on doit cette initiative particulière, reflètant totalement l'esprit de philanthropie qui flotte alors sur la France et particulièrement sur Paris à l'aube de la troisième République.
En effet, la guerre destructrice contre la Prusse et les évènements de la Commune sont autant de bouleversements qui nuisent à la ville et qui durcissent les conditions de vie des parisiens. Dans le cadre de la reconstruction et du développement de l'urbanisme de la capitale, l'esprit philanthropique est à la mode. Beaucoup d’initiatives sont prises et de nombreux bourgeois mettent leur fortune au service de tous. Parmi ces figures honorables il en est une qui s'est distinguée pour son engagement envers Paris et les parisiens et qui est passé à la postérité en dépit de la grande humilité et de la discrétion qui le caractérisaient. Il s'agit de Sir Richard Wallace qui a gravé son nom dans les pages du livre d'histoire de Paris. 
Cet anglais amateur d'art avait comme simple souhait et pour seul but désintéressé d'aider efficacement ceux qui étaient dans le besoin, tout en répondant à un besoin réel et important : l'accession à l'eau potable pour tous, confort rudimentaire mais vital mis à mal durant le siège de Paris et la Commune pendant lesquels de nombreux aqueducs furent détruits amenant ainsi une difficulté d'approvisionnement et inévitablement à une forte hausse du prix de l'eau. Sir Wallace se lance donc dans ce projet de rendre à tous l'eau accessible et disponible tout en embellissant Paris. Ainsi il conçoit lui même ses fontaines, dans le souci d'allier utilité et esthétique. Il résulte de ces travaux plusieurs modèle dont je reparlerai dans une seconde partie.
Mais évoquons rapidement le modèle le plus connu de tous qui fait l'objet de l'actualité parisienne... celui mettant en scène 4 nymphes hissées sur un fût et supportant un dôme ouvragé laissant couler en son centre un filet d'eau : Ce modèle raffiné et féminin fait aujourd'hui l'objet d'un relooking particulier...qui pourrait bien titiller le vieil aristocrate anglais dans sa tombe...pensez donc...ses jolies demoiselles rafraîchissant et divertissant les parisiens comme les visiteurs, virer du vert profond au jaune pétard et ce sans crier gare ?
Oh Shocking.... Oui car le vert sapin caractéristique est visiblement trop discret pour certains et manque de punch et de dynamisme ! Alors par une décision de la société chargée des opérations de rénovation de l'urbanisme du 13ème arrondissement (la Semapa), les demoiselle de Sir Wallace vont piquer un fard et hisser les couleurs, ici rouge vif, la jaune canari ou encore rose fuchsia...pour du punchy et du flashy nous sommes servis...mais le vulgaire ne nous attendrait il pas au coin de la rue ?
Si l'ambition des initiateurs est de souligner la modernité de ces fontaines, elles mêmes symboles de la capitale, il reste que ces éléments urbains qui sous sont si familiers et prenant part dans notre cadre de vie parisien doivent tout de même rester agréables à regarder et se fondre sans anicroche, ni coulure (!), dans notre environnement. Si les avis semblent diverger devant cette initiative, il n'est pas précisé si nos Miss Wallace vont rester dans leur habit Disco ou si elles vont aller se rhabiller de vert une fois la belle saison passée, soit le 15 novembre, date de leur entrée en hibernation habituelle...
Source : Le Parisien

Paris au fil de l'eau : les oursons de la rue des Ursins

Dans le quartier que je surnomme le "petit Paris médiéval", situé sur l'Ile de la Cité, se cache en contrebas de la rue des Ursins, tout près du Quai aux fleurs et de la demeure d'Héloïse et Abélard, une fontaine, totalement méconnue, placée au coeur d'un jardinet. Elle fait face aux vieilles maisons dont les fenêtres à meneaux décorées de petits écussons évoquant discrètement mais élégamment le moyen-âge, laissent aux tours de Notre Dame se refléter et rappeler les "riches heures" que ces demeures ont connu il y a quelques siècles....

La rue des Ursins porte le nom qu'on lui connait depuis 1881 seulement, en mémoire de l'hôtel ayant appartenu à la famille des Ursins de 1403 à 1636. Si elle est en contrebas et que son accès nécessite un petit escalier, c'est qu'elle se trouve à l'ancien niveau des berges de la Seine. C'est là que se trouvait le premier port de Paris auMoyen-Âge : le port de Landry, avant l'aménagement de la grève de l'Hôtel de ville.  Il est à noter que si cette petite rue est aussi étroite que  tranquille, elle a néanmoins été choisie comme cadre de vie pour quelques résidents assez connus...tels que "le juif errant", Racine, Rodin et les "amants persécutés" cités un peu plus haut.

C'est la simplicité qui caractérise cette fontaine constituée d'un bassin de pierre, de forme rectangulaire, totalement nu, qui accueille un jet d'eau craché par deux têtes de lions que j'ai spontanément pris pour des oursins (ursins...oursons....vous voyez ? je trouvais que ça sonnait bien...et puis franchement on ne peut pas dire que la ressemblance avec le lion soit flagrante..).
Dépouillée, mais ornée d'un lichen qui court de part et d'autre sur son manteau de pierre, cette fontaine attire d'autant plus le regard le petit écrin végétal qui l'accueille renvoie directement aux jardins moyen-âgeux.
Je suis passée plusieurs fois devant ces deux têtes aux regard fixe, tirant la langue....tout d'abord à la fin de l'hiver alors qu'elle était encore muette, les "oursons" privée d'eau et la langue pendante attendant la remise en route des canalisations...Mais la dernière fois que je me suis promenée rue des Ursins, j'ai pu entendre l'eau chanter, et les petits ours soudain s'animer, comme heureux d'être de nouveau abreuvés, le museau brillant sous un rayon de soleil printanier....

 

Paris au fil de l'eau : Place du Québec, l'Embâcle se souvient du St Laurent

La fontaine dont il sera question aujourd'hui se trouve place du Québec au coeur de St Germain des Près, presque au pied de l'église du même nom et face au célèbre café "Les deux magots". La place du Québac, située au carrefour de la rue de Rennes et de la rue Bonaparte, est aménagée en 1980 et inaugurée par le Maire de Paris de l'époque Jacques Chirac, le 15 décembre 1980.

"L'Embâcle" tel est le patronyme de cet réalisation architecturale et artistico-aquatique (oui, c'est moi....) réalisée par le québécois Charles Daudelin et installée en 1984. J'aurais presque pu rédiger cet article dans le cadre des billets "Art contemporain et Patrimoine" car là encore il s'agit d'une oeuvre contemporaine  dans un cadre qui se rapproche plus de l'évocation du Paris romantique que du Paris dynamique de la Défense par exemple...

"L'Embâcle" représente sous la forme d'une fontaine stylisée, un flot d'eau soulevant et perçant les dalles du trottoirs. Cette mise en scène moderne fait écho et symbolise la débâcle des glaces flottantes au printemps sur le fleuve Saint Laurent au Canada. Ces dalles métalliques pour les plus importantes (placées aux 4 points cardinaux) semblent ainsi comme se relever pour laisser au bruit de l'eau prendre un son différent dans cette cavité ventrale de la rue.

 Comme un cratère en plein centre ville, l'eau jaillit et vit sans pour autant sortir complètement des entrailles de Paris. Elle est là, bruissante, frémissante, totalement vivante, mais en même temps comme étouffée par ces dalles qui semblent lui interdire de sortir totalement à l'air libre et de s'exprimer en toute liberté.

Tout dans cette fontaine, presque inattendue dans cet environnement très parisien transpire la modernité, où les lignes droites rencontrent les bulles et l'aléatoire des formes multiples que prend l'eau. Le mariage de couleurs est également harmonieux et tout à fait opportun : les dalles de métal offrent une palette variée allant des tons chauds aux tonalités froides répondant aux teintes des dalles de béton qui jouxtent directement le cratère. Le bleu métallisé qui n'est pas sans évoquer l'environnement hostile des régions froides, est presque élégant. Il s'allie aux tonalités du bassin et aux reflets de l'élément aquatique. L'opposition entre les matières, froide et inerte du métal à l'eau vivante, bruissante et bouillonnante ne laisse pas non plus totalement indifférent.

Si cet édifice peut paraître déjà dépassé par le style, les formes, les volumes les matières, cette alliance des matières et des couleurs en fait un agrément et une véritable attraction.