Edouard VII

Paris à cheval : foulant le pavé et déjà en route vers le ciel...Pégase.

pa150034.jpgPégase, héros de bien des tribulations et épopées mythologiques ; Pégase, image fantastique d'un équidé surnaturel ; Pégase, le cheval doué de toutes les qualités au service du dieu des dieux : Zeus ; Pégase, l'ami et le fidèle compagnon d'aventure de Béllérophon.... Deux destins finalement opposés.

C'est de cet animal mythique dont il sera question ce soir, à travers une petite promenade dans un quartier tranquille de Paris, où il surgit, telle une apparition, les ailes déployées, prêt à s'envoler pour rejoindre le panthéon des dieux grecs, là où Zeus finira par le transformer en constellation et à le placer dans le ciel.

Dans une cour un peu retirée de l'animation du 9ème arrondissement qui en fait son écrin, non loin de "Bertie" précédemment évoqué, à savoir Edouard VII sur sa monture d'apparat trottant dans la cour et veillant sur le Théâtre qui porte son nom ; à deux pas du roi d'Angleterre donc, non pas trottant mais plutôt prêt à s'envoler dans sa mission épique, poétique et mythologique, Pégase monté par le jeune mais non moins ambitieux Bélléphoron.

Réalisé par Alexandre Falguière, celui là même à qui l'on doit le grand Balzac, tout vêtu de blanc qui trône à l'ombre des hôtels particuliers haussmannien sur l'avenue de Friedland, ce couple étrange fait de bronze attire un peu l'oeil du promeneur, dans cette cour où les parisiens passent, quand ils ne se retrouvent pas à une terrasse de café ou à gravir les marches du perron du théatre Louis Jouvet dont il marque presque l'entrée.

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Le regard tendu vers le ciel qu'ils espèrent sans doute rapidement rejoindre, les deux protagonistes figés dans la position qu'a voulu leur donner le sculpteur sont pourtant animés d'une véritable expression artistique, mais surtout d'une grande poésie : perdu au loin vers un idéal, une idée, un objectif, une quête, le jeune homme est tout occupé par la mission qu'on lui a confié : celle de vaincre les forces obscures de l'Iliade, alors que sa monture, dans une position en soi surnaturelle, semble braver tous les dangers que la terre peut encore lui réserver.

Si l'oeil de Pégase est vif et alerte, le regard de son cavalier est quand à lui davantage perdu dans sa quête. Laquelle d'ailleurs ? Il suffit de prendre le plus grand récit de mythologie grecque pour y trouver la réponse. C'est en effet l'Iliade qui nous conte les exploits de ce couple étrange : le roi Iobatès donne à Belléphoron l'ordre de tuer un monstre terrible, « lion par devant, serpent par derrière et chèvre entre les deux », capable de cracher le feu, j'ai nommé la Chimère. C'est donc cette créature étrange mais aussi les diaboliques Amazones et les non moins  cruelles Solymes qui incarnent le belliqueux objectif de notre couple immobile, figé dans sa position épique.

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Des combats qui font de nos deux protagonistes deux héros et des victoires qui rendent le jeune Bélléphoron un brin orgueilleux. Une suffisance qui finira par le perdre : s'estimant digne de rejoindre le séjour des Dieux, l'Olympe, avec son fidèle compagnon, le jeune homme, alors qu'il tentait de voler jusqu'au ciel et l'avait presque atteint, s'effraie en regardant la terre, tombe et meurt sur le coup (une version finale bien funeste qui diffère d'un auteur à l'autre...).

Une fin que le grand Horace interprète de la façon suivante : « Par un terrible exemple, Pégase, l'animal ailé qui ne pût supporter Bellérophon, son cavalier terrestre, t'enseigne à rechercher toujours des objets à ta mesure, et, tenant pour sacrilège d'espérer au-delà des limites permises, à éviter un compagnon mal assorti » et une morale dont l'essence et la portée ont été parfaitement traduites par Falguière à travers ce regard aussi ingénu que sûr de lui... Et si Bélléphoron était l'incarnation de l'adolescence, cette période mêlée de convictions et de peurs, d'envies et de réticences, cet âge où tout semble possible ?

Cette apparition ailée devant le théâtre Louis Jouvet peut en tout cas inspirer chacun de nos actes épiques et héroïques à l'échelle de nos petites vies...qui n'ont bien souvent rien de mythique mais que l'on peut à l'envie illustrer de poésie...

 

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