Paris à fleur de peau

Le "revival" perçu à l'automne dernier au sujet des maisons closes m'a donné l'envie de me faufiler derrière ces volets fermés pour tenter de mettre (un peu) au jour cet univers si particulier, lié à l'histoire et à la vie de Paris, autrefois totalement a

Paris à fleur de peau : Partie 5 : "One" ne badine pas avec l'amour...

Après le descriptif du décorum, voici à présent le fonctionnement de la maison...je vais donc dans ce nouvel article sur les secrets des maisons closes parisiennes, relater en quelques lignes comment se déroulait le recrutement au sein du "One two two" et évoquer en quelques mots son règlement intérieur.

Si les jeunes recrues étaient bien traitées dans des établissements du niveau du 122, du Chabanais ou du Sphinx, elles subissaient néanmoins, si ce n'est une audition, du moins un examen d'entrée assez poussé...En effet, qui disait maison "de qualité", disait filles de qualité, et qualités....et si les tenanciers voulaient une clientèle irréprochable, il fallait qu'il en soit de même pour les pensionnaires... J'ai déjà évoqué les rabatteurs qui sillonnaient les provinces pour ramener non pas de la "chair à canon" (encore que l'image ne soit pas non plus si décalée que cela...) mais pour les maisons closes haut de gamme ce n'était pas toujours le cas. Bien souvent les adresses étaient suffisamment connues pour que les filles frappent d'elles mêmes à la porte afin de faire partie du contingent de la maison. Ainsi, au One Two Two, voici comment se déroulait un "entretien d'embauche".....

La jeune fille était en premier lieu amenée devant la gouvernante de la maison, qui réalisait un premier "écrémage"...pour ce faire, elle passait en revue l'ensemble des critères qui étaient en soi des conditions sine qua non pour faire partie des pensionnaires de la maison. Il faut déjà savoir que les jeunes femmes n'étaient acceptées que si elles étaient majeures et qu'elles n'avait pas encore atteint la trentaine, en effet passé cet âge, la fraicheur n'était malheureusmenet souvent plus là, ce qui n'était pas un atout pour l'établissement....il fallait également que la jeune femme n'ait aucun "fil à la patte", ni souteneur, ni enfant qui l'empêcheraient de se consacrer entièrement à son travail....à la limite un fiancé...Il était  encore demandé que la recrue n'ait été aperçue dans un autre établissement avant celui pour lequel elle postulait, la notion d'exclusivité, était importante. On pourrait dire que la notion de virginité l'était encore plus mais comme celle ci par définition éphémère...difficile de pouvoir présenter une jeune fille vierge à chaque passe....
  La jeune femme devait également pouvoir présenter un corps parfait, sans traces de maladie, de cicatrice ou d'opérations malheureuses, il fallait pouvoir présenter des corps et des organismes sains à une clientèle qui venait là pour rencontrer la fine fleur parisienne....la fleur devait donc être fraîche, sans tache et sans épine.... Enfin, la fleur ne devait pas non plus avoir eu des démélés avec le justice, ce qui serait du plus mauvais effet dans une maison où venait la meilleure société, et les plus puissants et les personnalités...
Si la postulante parvenait à répondre à tous ces criètres, elle pouvait alors rencontrer la patronne pour un véritable entretien....et la patronne savait faire... La gouvernante faisait déshabiller la jeune fille dans une petite pièce, lui indiquant que quelqu'un allait venir. La jeune fille attendait, parfois longtemps, le temps que la patronne se fasse une première opinion derrière une glace sans tain qui donnait sur le boudoir en question.....il fallait observer la jeune fille à son insu, pour la voir au naturel et déceler chez elle, une impatience, une mauvais posture, une tenue qui ne pourrait convenir à la maison pour laquelle elle voulait travailler....si la candidate semblait correspondre aux attentes de la tenancière celle ci venait alors la rencontrer et poursuivre l'entretien en quelques questions.
Il fallait encore que la jeune fille ait de beaux seins, et un joli timbre de voix. Pas de voix rauque oui grave qui trahairait une consommation poussée de tabac ou d'alcool, il fallait un ton clair et franc, et pouvoir tenir une discussion avec un minimum de vocabulaire puisque les clients venaient aussi bien souvent pour discuter et être en bonne compagnie, compagnie qui devait donc avoir de l'éducation et de la conversation...A cela il fallait encore ajouter l'inspection de quelques détails supplémentaitres : le port de tête, la gorge et le décolleté, la dentition et la peau, les mains et les ongles.....tout devait être impeccable.....puisqui'il fallait faire rêver le client, le divertir, l'étoutdir, et le surtout le faire revenir.....
La jeune femme une fois tout ceci vérifiée devait ensuite satsfaire à la visite médicale, visite qui deviedrait alors pour elle obligatoire, et ce deux fois par semaines, ainsi qu'une prise de sang mensuelles....surveillance sanitaire indispensable dans un établissement où  200 passes avaient lieu chaque jour...pour environ 300 visiteurs.
A propos de chiffres et de règlements d'ailleurs.... Le contingent du One Two Two s’élevait à une soixantaine de filles environ qui vivaient à l'extérieur et venaient travailler dans la maison de 14h00 à 5h00 du matin. Elle avaient droit à une journée de repos par semaine et un jour férié par an, le 25 décembre. Elles arrivaient vers midi et en sortaient à la fermeture, à l'aube.... Sur place, leur étaient offerts les services d'un coiffeur, d'une manucure, d'une pédicure et d'une lingère. Ce qui représentait un personnel de 40 employés et auxiliaires de maison.....Tous ces chiffres additionnés on arrivait à une véritable petite entreprise....et qui visiblement ne connaissait pas la crise !!!!!!! Là encore, mais dans le sens opposé au "Panier fleuri", on est bien loin de la Maison Tellier....et de ses trois filles de joie pour quelques messieurs endimanchés...Sur ces 7 étages de plaisir, le 7ème ciel (euh je veux dire le 7ème étage) étant néanmoins réservé aux proproétaires.....
Voilà donc un aperçu de l'organisation de cette maison, enfin cette entreprise effectivement, dirigée de mains de maîtres, mais surtout d'entrepreneurs et de commerçants avisés, qui ont réussi en quelques années à faire de ces trois chiffres "122", un numéro magique de la nuit parisienne des années folles.....

Paris à fleur de peau : Partie 4 : Le train de vie du "One tchou tchou"

Les sept étages que comptait le "One two two" aux meilleures années de son activité étaient partagés en 20 chambres, 10 salons, 12 douches, sans compter l'entrée, les corridors, les antichambres, le restaurant situé au 6ème étag et enfin l'appartement personnel des propriétaires au sommet de l'immeuble.

Je vais donc ici évoquer les intérieurs de ce petit palais dédié aux plaisirs et à la vie nocturne, pour lesquels les époux Jamet avaient fait faire de grands travaux afin de répondre, avec exigence, à une clientèle elle même exigeante puisque triée sur le volet....Et le moins que l'on puisse dire c'est qu'ils avaient du goût et de l'imagination....Pour leur clients ils avaient donc créé un monde à part, répondant exactement à ce que pouvaient souhaiter leur hôte d'un soir..La réplique de tous les univers imaginables dans lesquels le visiteur pouvaient choisir au gré de ses désirs et de ses rêves le décor dans lequel il souhaitait passer quelques heures en charmante compagnie...Voici une petite visite, discrète, un bref aperçu de ce qui devait être à l'époque un monde parallèle...organisé et régenté selon un protocole très particulier :
Dès l'entrée, le client était accueilli par une gouvernante qui le menait à une des quatre guérites dans laquelle il exprimait ses choix pour la soirée, choix pour lequel il sortait quelques billets, en échange desquels il recevait quelques jetons qu'il distribuerait comme bon lui semblerait, et qui représentaient à eux seuls le salaire de ces demoiselles...

Une fois le règlement achevé, le client prenait le petit ascenseur de bois et montait au premier étage où s'effectuait le choix de la compagne : un véritable rituel qui se déroulait dans un salon circulaire décoré à l'antique....pour la suite de la visite, je laisse le soin à Fabienne Jamet de décrire les lieux qu'elle a elle même bien connu, pour y avoir "officié" dans un premier temps, puis gouverné.....

Imaginez un gigantesque salon circulaire dont le parquet était recouvert d'un tapis vert imitant la mousse, entouré de colonnades montant vers un vélum, ébauche de temple grec. Dans chaque intervalle, un socle éclairé par un projecteur. Sur chacun des supports, une femme, mince ou bien en chair, grande, parée, en robe du soir, figée comme une statue, épaules nues, un sein parfois totalement à découvert. D'autres jeunes personnes étaient assises sur la mousse, leurs jupes gracieusement étalées en corolle. Tissus rouges, roses, bleus, jaunes. Lumières. Peaux blanches. Bras nus. Maquillages éclatants. Longue jambe gainée de soie que découvrait une jupe fendue. Seins dressés. Merveilleux déjeuner de campagne. Il en venait à l'homme une moiteur aux mains et une excitation soudaine. (...) Après un long regard pour la fresque champêtre, peinte tout au long des murs, qui encerclait ces étranges et délicieuses bergères sans troupeaux - des feuillages, tombant artistiquement du plafond, accentuaient le caractère bucolique de l'ensemble -, sa main se tendait vers l'un des corps offerts. 
La gouvernante faisait un signe à la jeune femme qui immédiatement s'avançait, le sourire aux lèvres, sa robe longue détaillant dans sa marche des rondeurs appétissantes. Les autres pensionnaires gardaient la pose jusqu'au départ du couple, ballet immuable, protocole qui s'effectuait pour chaque client.
Le choix fait donc, l'heureux bonhomme partait avec la jeune felle, escortés par une gouvernante qui les amenaient vers la chambre choisie au préalable....il serait difficile de décrire précisément les vingt chambres mais voici tout de même un aperçu de quelques unes, témoignant du souci de satisfaire le client, de rendre les lieux tant luxueux qu'étonnants, fournis de détails alimentant les fantasmes et le dépaysement, les plus originales étaient évidemment les plus demandées...toutes ces pièces étaient réparties sur l'ensemble des étages de l'immeuble.
Fabienne Jamet décrit ainsi dans ses mémoire la chambre romaine :

"Tout au long des murs, des colonnes droites et pures, surmontées d'arceaux, entouraient un lit bas posé sur un tapis d'un vert délicat. Peints en trompe-l'oeil sur les vides de cette architecture, un temple sévère dédié à quelque déesse, les collines de Rome, des statues antiques au nu provocant, des personnages au péplum".

Mais aussi la chambre africaine :

"Il n'y avait qu'une porte à pousser. Des masques africains grimaçaient leur éternel sourire bariolé. Au-dessus d'un grand lit recouvert d'une étoffe à boubou, des lances de guerriers s'entrecroisaient sur les murs tendus de jute où nageait un crocodile. Une tête de sorcier à corne de rhinocéris, couverte des signes rituels, était accrochée comme un trophée de chasse. Un haut tam-tam faisait office de table. [...] une peau de lion, gueule ouverte sur des crocs menaçants, observait de ses yeux de verre. Pour parfaire l'illusion ou compléter la réalité, le rideau de la fenêtre dessinait un palmier sur le fond d'un désert. Et, ne vous y trompez pas, totems, armes et lion n'étaient pas du toc". En effet, lances, arcs, flèches, masques massaï et ce lion gisant en descente de lit étaient des étaient autant de trophées acquis de Marcel Jamet au cours d'expéditions et rapportés pour apporter le dépaysement et l'exotisme aux nuits parisiennes...

Et que dire de la "chambre du corsaire" qui était la réplique d'une cabine de capitaine au long cours, les bois des parquets, murs et plafonds avaient un parfum aussi subtil que rassurant, mêlé de pin et de cire...Sur la table se trouvait des cartes de navigation, des sextants et des jumelles de cuivre. Au pied du lit, un minuscule canon comme sur les bateaux des pirates... et ce lit...insensé... Une sirène aux seins fermes captive à l'un des montants du grand lit à baldaquin. Une échelle pour grimper sur le pont au cri de "Voile à l'horizon !" mais sa particularité tenait surtout à son mécanisme ingénieux : le matelas reposait sur une structure qui basculait selon le mouvement des corps qui s'ébattaient, reproduisant ainsi le roulis des vagues, à mesure que la tension et la température montaient.....un voyage assuré....

Quant à "la transatlantique" , elle était toute blancheur, avec ses armoires d'acajou et  de .glaces. Des hublots de lumière électrique. Lit profond beige sur moquette beige, tout évoquait les croisières de luxe."..pont supérieur avec un horizon peint au mur, rien n'avait été oublié, bastingages, bouées de sauvetage, transats, mouettes, et monsieur avait même à sa disposition un costume blanc de commandant casquette assorti, faisant de lui le pacha de ce navire immobile.

"Pour les délicats, il y avait  encore "la Caravelle" : vitraux, angelots soufflant dans des conques marines, meubles de haute époque, armoiries et, au-dessus du lit, une rose des vents pour indiquer le cap du bonheur"....

"Au port, il restait à prendre le train : le P.L.M. Paris-Lyon-Méditerranée. La voyageuse était peu farouche. Les inconnus lui plaisaient. Et, vous n'aviez très vite plus aucun doute, elle adorait faire l'amour dans un sleeping. Au-dessus de l'étroite couchette, le mini-éclairage d'un wagon-lit mettait en lumière vos ébats, bercés par le bruit régulier d'un train en marche. Derrière la vitre du compartiment, le paysage - campagne et gares - défilait de toute sa longueur de toile montée sur déroulant. Il avait suffi pour déclencher le double mécanisme d'appuyer à l'entrée sur un bouton". Cette chambre incroyable directement inspirée de l'Orient Express était très prisée des clients, et parfois longtemps réservée à l'avance. C'était là la possibilité de réaliser un fantasme les plus courants de ces messieurs, l'occasion d'une relation dans un compartiment avec une belle inconnue....et comme l'explique effectivement Fabienne Jamet, aucun détail n'avait été oublié....ni le bruit lancinant du chemin de fer, ni le paysage défilant derrière la vitre des régions traversées....

"Mais les âmes vagabondes pouvaient descendre à la première station où la Chambre des foins leur tendait les bras. Au mur, des grands arbres, une petite route départementale, des prés verdoyants à perte de vue. Un moulin à vent qui battait des ailes sur sa colline. Au plafond, un faux grenier débordait de foin. Un dessus-de-lit vert, parsemé de petites marguerites en relief, qu'on aurait dit posé sur une couche de paille dorée. Couchés dans le foin avec le soleil pour témoin..." Et puis, au pied du lit, de l'autre côté d'une petite barrière blanche, une brouette attendait que le fermier achève de culbuter la bergère".

"La Provençale avait ses cuivres scintillants. Le Drap d'Or, ses drapés qui enrobaient le lit du plafond au sol. L'Igloo, ses peaux d'ours blanc et ses bois de rennes. La François Ier avec tapisseries d'époque et des murs couverts de fleurs de lys d'or. On y accédait par un couloir où de fausses bombardes engagées dans des sabords menaçaient un invisible ennemi"...

Il y avait encore la chambre "igloo" dans laquelle on pénétrait à genoux par une porte minuscule, ici pas de lit mais un immense tapis, des cubes de verre imitant la glace, des canoës et des pagaies, des peaux de caribous et de phoques, les jeunes compagnes pour ce voyage vers le grand nord étaient apprêtées comme des esquimaudes...

"Mais, ce périple achevé, tout restait à voir. Vous ne connaissiez encore ni le féérique ni l'inquiétant... Vous ne connaissiez pas la magie de la chambre des glaces. Il y en avait deux dans la maison. Leurs plafonds et leurs murs étaient couverts de glaces biseautées. Allongée sur le grand lit, seul meuble de la pièce, l'amie de l'heure, cent fois, mille fois semblable à elle-même, était reflétée sur toutes les facettes de cet étrange diamant. Chacun de ses gestes devenait le nombre infini d'une même caresse.

Plus on allait vers le ciel, plus on se rapprochait de l'enfer. L'inquiétant, le blasphématoire étaient à un autre étage : la Chambre des Supplices. Une grande croix de bois, semblable à celle du Christ, faisait face à l'entrée. Des bracelets d'acier tenaient lieu de clous.

Sur un ordre, la jeune femme vous enserrait chevilles et poignets et vous écartelait. Libre à vous de recevoir le fouet, d'entendre siffler la longue et fine lanière de cuir sur vos épaules, votre poitrine, d'ajouter enfin des chaînes au plaisir raffiné de votre supplice."

Ainsi donc voilà ce que cachaient les murs du 122, austères de l'extérieur, mais derrière lesquels on batifolait allègrement.... A suivre...

Sources : "Le roman des Maisons closes" (Nicolas Charbonneau et Laurent Guimier - Editions du rocher - 2010)
 "One two two" : Fabienne Jamet - (par l'intermédiaire de "Chimères, les plaisirs et les femmes au tournant du siècle").

Paris à fleur de peau : Partie 4 : Le train de vie du "One tchou tchou"

Ce calembour me permet d'introduire de façon légère et amusante ce nouvel article, en deux volets (c'est approprié..u_u) sur les maisons closes parisiennes... Si le dernier billet sur le sujet revêtait un caractère sinistre et sordide, je tiens à metttre celui-ci sous de meilleurs auspices, sous le regard coquin d'Eros et les yeux de velours de Vénus....en vous décrivant la vie d'une des maisons les plus recherchées de Paris. Maison devant laquelle je suis passée de bien nombreuses fois, sans jamais imaginer qu'elle avait été le théâtre de drôles d'histoires, abrité des décors fabuleux, des visites mondaines et un train de vie luxueux....Ce premier volet permettra d'établir un bref historique des lieux, alors qu'un second sera orienté sur son intérieur même.

Si vous n'aviez pas saisi l'allusion de l'en-tête au "One two two", je confirme qu'il s'agit bien du célèbre établissement situé au 122 rue de Provence, à deux pas de la Gare Saint Lazare (le train annoncé en titre n'était donc pas si loin, un train en partance sinon pour le bonheur, du moins pour quelques instants de plaisir et de luxure), qui a attiré un grand nombre de personnalités de la première moitié du XXème siècle. S'il fallait classer cette "maison de société" dans la hiérarchie des maisons closes, elle correspondrait certainement à la noblesse du genre : le lieu en lui même prenant l’apparence d'un petit château, les filles y résidant étant considérées comme des princesses... alors que sa clientèle constituée d'aristocrates, d'hommes d'affaires et de la haute bourgeoisie ne l'était pas moins...
Remanié en 1924, à une époque où l'établissement est encore mal fréquenté, par Marcel Jamet qui veut en faire un concurrent direct du Chabanais, il devient durant la période de l'entre deux guerre le lieu le plus chic et le plus élégant, animé par des jeunes femmes au corps parfait qui ne sont que grâce, distinction, gaieté et sourire .... On va au "One" comme on va au club, pour passer un moment heureux, insouciant, les habitués ayant leurs rituels et leur coutumes....
La maison était tenue par un couple, Marcel et Doriane Jamet (c'est cette dernière qui en était officiellement propriétaire, répondant ainsi à l'exigence légale, elle sera en 1939 remplacée par une certaine Fabienne...) couple chic et élégant à tous les sens du terme. Mondains et commerçants en même temps, faisant en quelques années du 122 un haut lieu de divertissement et de plaisir. S'ils étaient avisés et attirés par l'appât du gain que propose le monde de la nuit, ils n'en étaient pas moins intransigeants, imposant un règlement strict et procédant à un recrutement sans faille (dont je reparlerai également).
Située à la jonction du 9è et du 8ème arrondissement, le 122 est un immeuble massif, sans extravagance extérieure, comportant 4 étages au départ, puis 7 après les grands travaux que Marcel Jamet fait effectuer en 1934, entendant bien rester ainsi "en haut de l'affiche" et ne pas se faire trop distancer par la concurrence du Chabanais et du Sphinx, qui ouvre en 1931, rive gauche, sur le boulevard Quinet.  
Des chambres en veux tu en voilà, toutes différentes, à l'image de l'imaginaire, de l'audace et de l'extravagance des propriétaires (que j'évoquerai la prochaine fois de façon détaillé), des salons à thèmes, agréablement meublés, et enfin un restaurant au dernier étage, "Le boeuf à la ficelle", table étoilée de la restauration parisienne de l'époque : Le menu était identique tous les jours de l'année : du boeuf à la ficelle accompagné en toute circonstance de caviar et arrosé de champagne. La table-bar en forme et de fer à cheval y restera célèbre, de même que les serveuses en tenue d'Eve agrémentée d'un simple et unique tablier blanc, sur talons hauts, coiffée d'une fleur de camélia dans les cheveux...adresse culinaire où les clients se rendaient parfois uniquement pour se retrouver et diner, sans passer par les chambres situées juste en dessous. Au 122, les conversations étaient douces, comme les moeurs, "le tout Paris venait pour être vu, mais aussi surtout pour voir (..) au son d'un fox trott, d'un tango ou d'un slow. Célibataires, couples légitimes ou illégitimes, personnalités ou inconnus buvaient, riaient et dansaient", comme l'aime à le rappeler Fabienne (qui devient la seconde épouse de Marcel Jamet en grande pompe et en pleine occupation en 1942....), dans ses passionnantes mémoires.
Si l'établissement a vécu son âge d'or entre 1931 et 1939 environ, elle restera néanmoins ouverte pendant la seconde guerre mondiale, pour devenir pendant l'occupation, comme les autres maisons closes parisiennes, un haut lieu de divertissement prisé par les gradés allemands. Les tenanciers s’accommodant facilement de cette nouvelle clientèle permettant aux affaires de marcher mieux que jamais...On est bien loin de toute forme de résistance et les propriétaires des lieux ne semblent pas s'offusquer de ce que l'on appellera plus tard "la collaboration horizontale".... Situation qui a valu au couple Jamet de porter pendant bien longtemps l'étiquette de collabos....difficile de porter un jugement après tant d'années. Le couple ayant sans doute préféré accueillir cette nouvelle clientèle aux poches bien remplies, plutôt que de fermer la boutique...Ce qui arrivera néanmoins quelques années plus tard un certain 6 octobre 1946...après le vote de la loi Marthe Richard. L'établissement est alors vendu pour 32 millions de francs, de l'époque, au Syndicat des cuirs et peaux de France (ironie du sort.....qui me fait bien sourire quand on pense à la façon dont bien des filles ont été considérées pendant toutes ces années, comme du simple cuir et de la peau....).

Paris à fleur de peau : Partie 3 : au "Panier fleuri", les fleurs sont déjà flétries...

Si le titre de ce nouvel article évoquant la vie, un peu cachée, des maisons closes parisiennes peut suggérer l'image d'un journée printanière de deux joues roses et d'un regard mutin, de robes légères et de parfums....il n'en est malheureusement rien......le "Panier fleuri" fait tristement partie de la fine fleur (pas de jeux de mots ni d'association d'idée, hélas) des maisons d'abattage que comptait la capitale entre la fin du XIXème siècle et le XXème siècle....maison aux volets aussi clos que fatigués, pure et simple métaphore de l'état des jeunes femmes qui occupaient cet établissement, qui, s'il ne payait pas de mine avait néanmoins une activité florissante.

Une fois entrées dans ce genre de "claque" aux murs sales et à l'intérieur souvent insalubre, le destin des jeunes pensionnaire (ou devrais-je dire prisonnière ?) était en quelque sorte scellé. Ici point d'échappatoire envisageable, point de fuite possible (au risque de se faire reprendre et de subir les pires sévices de toute sorte). Les filles étaient vouées à accomplir leur tâche du matin au soir, du soir au matin, les sept jours de la semaine, sans que rien ne vienne troubler le rythme de passe pour ainsi dire industriel....
L'univers du "Panier fleuri", comme pour d'autres bouges, ne trouve pas de qualificatif suffisamment fort pour le décrire : infâme, sordide, cauchemardesque, les mots parfois ne suffisent plus pour transmettre les ambiances et le climat de certains lieux. Qui plus est lorsque ce sont des lieux de perdition....
Une fois débarquée à l'adresse qui deviendrait sa prison, la jeune recrue se voyait attribué un numéro inscrite sur une pencarte attachée autour du cou qui devait être son signe identitaire pour la clientèle... un uniforme anonyme qui n'avait rien d'affriolant ou de séduisant, mais ressemblant davantage à un habit de prisonnier, un endroit pour dormir (ou pour le peu de temps qu'elle devait avoir pour pallier à une fatigue écrasante). Aucun confort, aucune hygiène mais une malnutrition certaine, aucun objet personnel, pas de lien humain, rien que tu tapin, rien que du turbin. 
Mais qui étaient donc les clients frappant à la porte de ces clapiers ? Et bien déjà il n'étaient pas à frapper à la porte, mais tout simplement à faire la queue devant l'entrée du bordel, attendant leur tour pour quelques instants de plaisir purement anonyme, dans le cadre le plus crasseux, avec des filles qui n'exprimaient plus rien, devenues des poupées mécaniques, sans rien d'attrayant, vieillies avant l'âge, maltraitées par les tenanciers de la maison, à qui personne ne donnaient un sourire, un vrai regard, des filles dont on ne connaissait pas le nom mais dont on connaissait pourtant la peau et ce qui fait l'intimité d'un être humain.... Les clients constituaient la plupart du temps le contingent de la classe ouvrière parisienne, les immigrés ou les soldats dont le portefeuille et la condition ne pouvaient prétendre à meilleur standing et service plus luxueux....
Ainsi, au fond du "Panier fleuri" comme dans d'autres bordels se sont scellés des destins, se sont brisés des espoirs de "vie véritable", de liberté, d'amour, de tendresse, d'enfants aussi parfois....travailler dans ces endroits revenaient presque à être condamnée à mourir à la tâche, comme la jeune Suzon morte d'épuisement sous les élans de clients que n'avaient plus aucune considération pour son corps, meurtri par les passes incessantes, si amaigri mais néanmoins toujours autant demandé, les cheveux gris et le teint cireux, et dont le cadavre fut retrouvé après une énième passe.....elle avait 25 ans.... Et comment ne pas oublier la petite Valentine, venue de Normandie qu'elle avait fuit pour, pensait elle, une vie meilleure, séduite par un rabatteur lui promettant de la faire sortir de sa vie misérable d’orpheline provinciale.....et qui finit par se pendre dans sa chambre où passaient tout à tour des hommes en quête de plaisirs éphémères.....
Elle est bien loin la maison Tellier avec sa tenancière qui prenait parfois un air de mère poule avec ses trois filles de joie, elle est loin la petite lanterne rouge à l'aspect presque jovial en dessous de laquelle se croisaient les clients, qu'ils soient bourgeois ou étudiants, ouvriers ou retraités......mais venant passer un moment de distraction quand bien même payant, mais néanmoins dans un esprit de respect et de savoir vivre qu'a si bien décrit dans sa nouvelle, Guy de Maupassant. Elle est loin la maison Tellier avec ses pensionnaires aux robes de couleurs vives, aux yeux maquillés et aux lèvres carmin, les éclats de voix et les rires, le parfum sur le velours rouge ou le satin rose stigmatisant ainsi une maison où, si le plaisir était tarifé il n'en restait pas moins humain.....
Non, au Panier fleuri rien de tout cela, une seule palette de couleur allant du gris au gris en passant par le gris....tout est monotone, tout est lassant, tout est fatiguant, tout est épuisant.....il n'y a plus ni sourire, ni rire, ni couleur ni lumière, pas de liberté seules les clients à satisfaire, d'un nombre de passe dépassant tout entendement (jusqu'à 60 ou 80 par jour), ce n'est pas le bagne mais presque, pourtant nous ne sommes pas dans une colonie éloignée, juste en plein Paris il y a une centaine d'années... Au panier fleuri, les roses sont déjà flétries....

Paris à fleur de peau : Partie 2 : "La Fleur Blanche" de la rue des Moulins...

Dans cette nouvelle évocation du Paris secret, tabou, croustillant et sulfureux, je voudrais évoquer la vie, un peu parallèle, d'une maison close de la fin du XIX, siècle, comme celle de la "Fleur Blanche" qui avait pour hôte singulier, mais régulier (puisqu'il y résidait), Toulouse-Lautrec et qui fut le cadre de quelques uns de ses plus célèbres tableaux. 

C'est donc par le biais du pinceau et du fusain de l'albigeois que je retrace en quelques traits, le croquis de la vie de ces maisons aux yeux fermées, mais pour autant pas totalement endormies, dans ces lieux que l'on décrit alors en cette fin de XIXème siècle comme "des lieux de détente, aussi ordinaires et naturels que d'autres, où  tous les âges et toutes les classes de la société se rencontrent". C'est donc un lieu de vie, de société, comme l'indique d'ailleurs le terme de "maison de société". Dénomination qui serait comme une façon de rehausser et de dorer un blason dont la couleur varierait plutôt entre le rose clinquant et le gris crasseux...
Mais je m'éloigne encore.....donc à la "Fleur Blanche", plus précisément au 6, rue des Moulins (une petite rue ma fois toute calme et tranquille entre la rue de Richelieu et la rue des Petits champs, dans le 2ème arrondissement), se trouve un bel immeuble de quatre étages, dont la large porte cochère annonce déjà un accueil des plus ouverts (au sens figuré surtout). En 1875, Charles Lefeuve dit d'elle que ses salons "venaient en première ligne parmi ceux où un homme du monde entrait sans ôter son chapeau". Cet établissement décoré façon grand siècle était déjà réputé pour son entrée dans laquelle trônait des angelots aux formes féminines. Mais le centre névralgique de la maison était sans doute une des chambres où trônait le lit hérité de la Païva, célèbre courtisane du XIXème siècle, intriguante à  la vie mouvementée, et dont le grand lit d'acajou avait atterri dans cette "maison publique" plutôt jugée haut de gamme.
Au 9, rue de Navarin - 9ème ardt
Toulouse-Lautrec partageait donc la vie de l'établissement, décorant même le cabinet de toilette du deuxième palier : une fresque représentant une femme au visage masqué par un loup, allongée sur un sofa, devant un chat, une coupe de champagne à la main. Cette peinture reflétant si bien la vie menée entre ces murs. Dans cette maison, le peintre s'était habitué au rythme des pensionnaires, se levait tard, partageait le déjeuner des filles, se souciait des humeurs des unes, des soucis des autres, et confiait ses affaires aux lavandières. En échange de quoi, en riche héritier, il avait des largeses que ces dames appréciaient. Il avait gagné la confiance de toutes, qui acceptaient de poser pour lui, sans broncher, cette sensibilité artistique dans ce foyer donnant sans doute à la maison un climat différent, sa présence, son coup de crayon, ces séances de poses impromptues animaient cette vie faite de routine, mais surtout d'oisiveté, de vide et de lassitude. Les journées occupées par les visites du médecin, ou du vendeur de lingerie, robes et autres falbalas (payés par les deniers des demoiselles qui étaient poussées au maximum à toutes les dépenses possibles pour entretenir la dépendance à l'établissemnt qui les hebergeait), par la toilette et l'habillage (souvent esquissés par les artistes de l'époque), par la tenue de petit "livre de comptes d'amour" pour certaines (y étaient mentionnés les clients, non nommés mais décrits par leur particularité, ainsi que le montant versé pour chacune des passes). L'alcool et la cigarette étaient aussi en soi des occupations pour tuer le temps jusqu'aux premiers clients....les journées se suivaient et se ressemblaient, selon le règlement propre à chacune des maisons, les semaines étaient séparées (dans le meilleur des cas) par une journée de sortie.
Ainsi la vie de ces maisons au destin étriqué, au quotidien recroquevillé, étaient croquée, ici par Toulouse Lautrec, là par Degas ou Van Gogh, ici encore par la plume de Maupassant, tous saisis par ces filles que l'on pouvait acheter pour quelques sous. Des femmes offertes pour qui il fallait avoir, sinon quelques égards, du moins un certain regard...

Au 13, rue St Augustin - 2ème ardt

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Paris à fleur de peau : Partie 1 : "L'inventaire de la Maison Tellier"

Rue Colbert - 1er ardt "La maison Tellier"....c'est en référence à la nouvelle de Guy de Maupassant décrivant la vie d'une maison close normande de la fin du XIXème siècle que je souhaiterais délivrer ce billet qui fait suite à l'introduction intitulée "Paris à fleur de peau". En effet difficile d'évoquer objectivement quelque chose aujourd'hui officiellement disparu, sans tomber dans le fantasme (pas d'associations d'idées, du tout, du tout...), l'erreur, la désinformation, l'exagération en tout sens. Dans ce premier article évoquant le sujet (qui après réflexion et recherches, s'avère vaste et foisonnant, mêlant société, féminisme, moralité, légalité, hygiènisme, enjeux politiques, économique et sanitaires...) je ferai un état des lieu, en somme, un inventaire (mais pas à la Prévert...) des maisons closes. L'illustration de ce billet ne peut passer que par l'évocation des adresses autrefois connues pour les services que l'on pouvait y trouver, par les façades d'immeubles où bons nombres d'histoires se sont nouées, des destins tragiques se graver dans la pierre, et où se mêlent splendeur et misère. Bref, le spectacle de la comédie humaine dans tout ce qu'elle a de plus vil et de plus bas.

Si les lupanars existent depuis que le monde est monde (le terme vient de la Rome antique où l’on qualifiait les prostituées de « lupa » pour "louves" évocatrice de la bestialité sexuelle mais aussi en référence aux vagissements de Romulus et Remus qui auraient été recueillis par une prostituée), c’est à partir du Moyen Age que naît véritablement une réglementation en France . Notre pays, après avoir adopté une position (sans association d’idée aucune…) de répression absolue sous le règne de Charlemagne, la tolère à partir du règne de Louis XI. Le roi met en place un véritable système permettant juguler le fléau, jugé alors nécessaire pour prévenir de plus grands désordres sociaux. Des "bordels publics" sont ainsi érigés, financés par les deniers municipaux et tenus par des abbesses ou des tenanciers. Ils sont parfois placés en bordure d'eau (d'où le terme de  "bordeau" pour le jargon, qui a ensuite laissé place au nom que nous connaissons davantage "bordel"...).

Mais c’est à partir du XVIIIè que ces établissements commencent à connaitre un éclat particulier et à entrer dans la vie publique à part entière, Rue des Moulins - 1er ardt
à travers les "clubs". Toutefois, "les maisons closes" à proprement parler, enregistrées et tolérées par les règlements de police, apparaissent sous le Directoire pour connaitre leur période faste entre la seconde moitié du XIXème siècle et la seconde guerre mondiale, ce qui correspond à peu près à la IIIème république. La fin des années 1930 et le conflit international voient le déclin des maisons closes, pour aboutir en 1946 à la loi Marthe Richard abolissant ce type de commerce. Toutefois personne n’ignore qu’aujourd’hui ces établissement, s’ils n’ont pas leur légitimité, existent toujours, sous d’autre forme, parfois maquillée, ou de façon détournée. Quoi qu'il en soit, la prostitution s'adapte depuis la nuit des temps aux évolutions de la société.

S'agissant des caractéristiques et de la façon dont été régies les maisons closes, il faut savoir que les "dispensatrices de plaisirs charnels" étaient recrutées par des "placeurs" qui sillonnaient la province en promettant monts et merveilles à celles qui les accompagneraient à la capitale. Les "maquerelles" ou "tenancières" (un homme n'avait pas le droit de tenir une maison close) devait faire une requête auprès de la préfecture de police de Paris pour pouvoir ouvrir un établissement. Une enquête était alors menée, la préférence étant donnée à des femmes de plus de trente ans, la plupart du temps elle même d'anciennes prostituées. Elles étaient tenues de faire respecter le règlement intérieur (propre à chacune des maisons closes) et de donner à chacune des filles tout le nécessaire pour les soins de propreté, et veiller à ce que leur ouailles soient suivies médicalement (2 visites obligatoires par semaine par un médecin qui passait, ou réalisées en dispensaire). En cas de maladies, les prostituées étaient immédiatement placées à l’hospice afin d’y recevoir les traitements adéquats. 

Rue de Navrin Il était exigé que les lupanars, soit signalés, et reconnaissables de l'extérieur, par une lanterne rouge (à partir du Moyen-Age), ou par le numéro de porte, qui devait être d'une taille plus importante que les autres. Au début du 19 siècle, quand le summum du racollage fut atteint (les femmes publiques avaient en effet pour habitude d'aguicher les passants en restant à leur fenêtre, racollant, souvent dénudées, dans des poses lubriques, et laissaient même parfois leurs fenêtre ouvertes pendant l'exercice de leur métier, à la vue des passants et du moindre vis à vis), on imposa de masquer et de fermer les fenêtres qui devaient être désormais en verre dépoli, ou bien de garder les volets clos. Par contre, les escaliers et les intérieurs devaient être éclairés en permanence. Cette façon de distinguer "les maisons closes" faisant partie du règlement.

 Dès 1820, les jeunes femmes sont enregistrées à la Préfecture de Police où leur est délivrée pour chacune soit une carte ("les filles en carte" sont celles à laquelle la police impose une carte de fille soumise) ou un numéro, pour les résidentes des maisons closes (dans les deux cas, celles dérogeant au règlement, sont des "insoumises").

Si l’Etat règlemente autant ce commerce c’est qu’il y trouve aussi son compte, fiscalement parlant. En effet, le prélèvement au XIX ème siècle est fixé entre 50 et 60 % des bénéfices.

Enfin, on distingue quatre types d'établissements, allant des "maisons d'abattage", ouvertes à toutes, aux prix modiques et où la Rue Chabanais - 2ème ardt notion "d'abattage" sous entend bien que le rendement journalier revêt un caractère industriel... jusqu'aux "maisons de grande classe", réservées à la clientèle huppée et fortunée qui présentaient des jeunes femmes triées sur le volet, dans des salons luxueux. Lieux de mondanités, les personnalités y défilaient dans des décors dignes des mille et une nuit. La plus célèbre restant le Chabanais. Entre les deux se trouvent "les maisons de rendez-vous", soit des appartements privés où les jeunes femmes se présentaient à heures fixes (nombre d'entre elles étaient bourgeoisement mariées), et où elles touchaient 50 % du prix demandé par la maîtresse de maison. Les clients ne s'y croisaient pas, deux ascenseurs étant ainsi construits pour éviter toute rencontre. Et enfin, "les maisons ouvertes" où les filles ne venaient que pendant les heures de travail et payaient une redevance au propriétaire. 

Pour les étrangers les maisons closes parisiennes avaient aussi au XIXème siècle la réputation de rivaliser entre eux pour offrir des spécialités dans toutes les sortes de perversions que l'on pouvait imaginer, en présentant dans tous les cas des lieux de raffinement et de plaisir érotique.

Quant aux chiffres eux-mêmes, il est parfois difficile de rendre des statistiques exactes…..surtout si l’on doit faire la part entre ces différents types d'établissements. On estime toutefois qu’environ 200 maisons closes sont répertoriés par la police vers 1850 à Paris, contre une soixantaine vers la fin du siècle, les bordels clandestins comptabilisant tout de même 15 000 filles. Certains chiffres sont même édifiants : entre 1870 et 1900 155 000 femmes sont officiellement déclarées prostituées et durant cette même période la police en arrêtera plusieurs centaines de milliers d’autres, pour prostitution clandestine. 

Les prochains articles évoqueront les maisons closes à des périodes plus précises.

Rue d'Hauteville - 9ème ardt

Paris à fleur de peau : Introduction

Derrière les volets du 30, rue Lepic... L'automne voit la réouverture des volets et des portes.....des maisons closes......ce qui appartenait au caché, au tabou et au privé revient aujourd'hui dans la vie publique. Déjà au printemps le sujet suscitait le débat quand une parlementaire proposait la réouverture de ces établissements. Mais c'est à la rentrée que l'actualité l'a le plus évoqué : par la diffusion de la série télévisée sur une célèbre chaine cryptée et par la parution de l'ouvrage "Maison closes parisiennes, architectures immorales des années 1930" . C'est ce dernier élément qui m'a donné envie de me pencher sur le sujet remis ici et là sur le tapis (non non pas la descente de lit, ça viendra plus tard).... dans plusieurs blogs et dans des tribunes de grands quotidiens, car tout ce qui est tabou, transgressif et sulfureux est curieux, voire attirant....

Ainsi, après quelques recherches, et quelques balades, j'ai eu envie de créer une rubrique sur ce blog consacrée au Paris charnel, en l'intitulant "Paris à fleur de peau". Une succession de quelques billets suivra cette introduction Les murs du 9, rue de Navarin... mettant un peu plus de lumière sur cette facette de la vie parisienne, occultée, secrète  où la limite entre vie et mort, plaisir et souffrance, ombre et lumière, rire et larmes, richesse et pauvreté, argent et misère, grandeur et décadence..... est souvent ténue. Si ces façades où ne filtrent jamais la lumière du jour évoquent à elles seules le monde de la nuit, du répressible et du honteux, elles n'en reflètent pas moins un univers et un commerce bien existants. S'il prend d'autres formes aujourd'hui ce monde "parallèle" a encore, d'une façon ou d'une autre, sa place dans Paris.
Cette facette particulière de Paris me permet d'évoquer la capitale à travers un autre prisme qui, selon les angles, peut aussi bien être fastueux comme un brillant, ou bien crasseux comme une vitre laissée aux aléas de la météo. Le premier article portera sur les maisons closes en elles mêmes et les suivants, plus ancrés dans la vie parisienne actuelle, permettront d'élargir la thématique vers des sujets plus contemporains.