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"Madame" a tout d'une grande dame

p3310282.jpg"Introduction à l'art de l'auto-stop : Pour arrêter les voitures, lever un doigt ! "Parce que c'est bien plus chouette de pédaler ensemble quelle que soit la direction" "L'amour, c'est comme les animaux, Monsieur, ça ne se dresse pas ça s'apprivoise"..."Les souvenirs, c'est comma la vieille moutarde si ça ne pique plus c'est que c'est périmé"...

C'est rue St Denis que j'ai croisé la première fois Madame il y a quelques mois sans savoir que je la reverrai, le minou qui est devenu, semble t-il, sa mascotte, m'ayant à l'époque un peu tapé dans l'oeil.

Depuis, j'ai trouvé d'autres citations et mes propres murs ont même fini par adopter ces conseils avisés. Des conseils, en tout genre donc, à suivre peut être pas, mais qui vous distingueront du commun des mortels et vous fera briller dans les dîners et autres petites sauteries (oops...). Madame est une sacrée bonne femme. Le verbe haut et piquant, le ciseau habile et le pinceau de colle qui ne l'est pas moins ; dans un cadavre exquis aussi littéraire que visuel, pratiqué en solitaire, Mademoiselle (pardon, Madame) s'essaye dans un succès qui ne fait que grandir, à distiller dans les rues de Paris des messages tel un corbeau à l'humour tant burlesque que potache et à mettre en scène tout un petit théâtre tiré tout droit des pages de vieux magazines dont les détails imbriqués dans un joyeux bric à brac bien pensé font surgir un monde imaginé par un esprit déluré. Ou comment faire du kitsch de bon goût et de bon ton....

Madame nous interpelle par ses billets doux mais aussi à coup de semonce de tête de chat et autres maquereaux bien frais (enfin, ça reste à vérifier), accompagnés parfois de donselles presque en chaleur malgré la froideur des murs contre lesquelles elles sont plaquées.

L'animalerie accompagne souvent les protagonistes, ainsi le chat (celui là même qui a déjà noircit quelquesp3310285.jpg lignes de ce blog, ce félin des rues parisiennes, jungle de notre environnement urbain actuel) côtoie la poiscaille ici, un cheval de bois par là, ou bien encore un poulet roti qui trône sur le devant de la scène. Les artifices en tout genre sont autorisés, au gré de l'humeur de la fauteuse de trouble, pourvu qu'ils fassent plus sourire que réfléchir : perceuse, couronne tout est bon à prendre.... le maquillage est tout aussi fantaisiste : lunettes, étoiles (dans les mirettes ou ailleurs) et bien souvent pour tout le monde une ostensible moustache fine et élégante sur les protagonistes de l'affaire, cette même moustache qui signe invariablement et tout aussi ostensblement le délit, dans un rouge vermillon qui ne pourra qu'attirer l'oeil du promeneur.

img-0006.jpgLes mots doux sont chez Madame trempés dans une verve acidulée (pour ne pas dire acide) qui fait tout le charme de la chose. Grivois ? peut être, léger, sûrement, absurde et hétéroclite assurément, à l'image de la technique utilisée qui marie un peu tout et n'importe quoi dans une alchimie unique, propre à la sensibilité de l'artiste. Ainsi surgissent sur les murs de notre quotidien des effigies des années 30, 40 ou 50 échappées des grandes heures de Jours de France, Marie Claire, ou Match, Madame Figaro ou encore ELLE. Madame libère ainsi complètement non seulement les femmes de ces magazine figées dans leur époque mais aussi celles à qui ces bonnes pages étaient dédiées. Et même si la démarche de la paire de moustaches rouge n'est pas exactement celle là, c'est aussi comme cela que je l’interprète.

En tout cas cette désinvolture vive et alerte me plait bien et il semblerait que je ne sois pas la seule à apprécier ces scènettes légères, témoignage d'une poésie hirsute et joyeuse. Détournement de la banalité des mots de la presse pour en faire de bons (que dis-je d'excellents) mots fabriqués de bouts de papiers oubliés, à l'heure du tout numérique, la matière reprend tout à coup de la valeur.....

L'objectif de Madame ? Faire un grand pied de nez général, une langue tirée en permanence à tous les emmedeurs...mais pas n'importe comment, avec l'élégance subtile et le langage indirect qu'offre la créativité artistique...le vecteur privilégié pour faire passer tous les messages même les plus subversifs. Ah oui, mieux que mes mots, voyez donc les photos sur le site perso de la rigolote.

Le jardin des poèmes : Le petit Eden du Vème arrondissement

img-0676.jpgAu cours de mes dernières promenades parisiennes, le hasard (enfin presque), m'a conduit vers un endroit chargé de souvenirs et d'émotions, aux pieds de la Grande Mosquée de Paris. Les quelques vers de Robert DESNOS qui suivent et que j'ai aussi trouvé un peu par hasard m'ont donné envie d' évoquer les jardins nichés derrière les grands murs blancs de la place du puits de l'ermite. C'est un havre de paix et de sérenité qui est préservé à l'ombre du minaret de 33 mètres de haut. Les couleurs froides de la végétation se mariant harmonieusement aux couleurs chaudes des matériaux utlisés procurent au visiteur une paix intérieure propice à ce lieu de culte.  Mais au delà de la prière symptomatique du pratiquant, c'est surtout une prière du coeur qui  nait spontanément de mon âme, un peu malgré moi, venant ainsi faire écho à la plainte du poète.

J’ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité
Est-il encore temps d’atteindre ce corps vivant
et de baiser sur cette bouche la naissance
de la voix qui m’est chère ?

J’ai tant rêvé de toi que mes bras habitués en étreignant ton ombre
à se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas
au contour de ton corps, peut-être.
Et que, devant l’apparence réelle de ce qui me hante
et me gouverne depuis des jours et des années
je deviendrais une ombre sans doute,
Ô balances sentimentales.

J’ai tant rêvé de toi qu’il n’est plus temps sans doute que je m’éveille.
Je dors debout, le corps exposé à toutes les apparences de la vie
et de l’amour et toi, la seule qui compte aujourd’hui pour moi,
je pourrais moins toucher ton front et tes lèvres que les premières lèvres
et le premier front venu.

J’ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé, couché avec ton fantôme
qu’il ne me reste plus peut-être, et pourtant,
qu’à être fantôme parmi les fantômes et plus ombre cent fois
que l’ombre qui se promène et se promènera allègrement
sur le cadran solaire de ta vie.

Robert DESNOS

Derrière les grilles de la Bastille, les secrets de la Cour Damoye

p1260027.jpgIl est des petits coins parisiens bien secrets, farouchement préservés et souvent placés tout près de lieux très fréquentés qu'on les ignore inconsciemment et involonairement. Il en va ainsi pour le havre de paix, sinon de tranquillité. La cours Damoye fait partie de ceux ci. C'est par ces quelques lignes que je vous emmène avec moi dans ce passage qui sommeille au coeur de Paris, et qui fait la joie de mon emploi du temps du samedi.

Si près de l'ébullition du coeur de Paris et en même temps si loin. Comme une parenthèse inattendue qu'il suffit d’ouvrir pour vivre le temps de parcourir moins de 200 mètres, longs ou rapides selon votre envie, un temps en dehors du temps, celui là même qui justement à cet endroit, comme par un fait étrange, n'a plus tout à fait son emprise habituelle.
Quand la place sort à peine de son sommeil et que la Cour dort encore un peu au point de ne pas laisserp1260023.jpg fouler son pavé par tout le tout venant, ainsi il n'ouvre ses grilles aux curieux qu'à certaines heures de la journée. Car il convient de préciser que cette ruelle qui porte le nom de son ancien père et propriétaire, M. André Pierre Damoye qui l'a loti en 1778, bénéficie du statut de passage privé. Ensemble architectural du XVIIIème siècle encore préservé de la folie foncière, impeccablement restauré pas tout à fait coupé du reste du monde car résoluement tourné vers la modernité.
Enraciné dans l'emblématique quartier de la Bastille, le passage débute au 12 de la dite place pour finir 124 mètres plus loin au 12 de la rue Daval. Quartier illustre des menuisiers, ébénistes et autres tapissiers,jusqu'à il y a encore quelques décennies, on s'attend presque à croiser le long des immeubles clairs que caresse ici une vigne vierge, là les branche d'une glycine, un gavroche ses outils à l'épaule, ou bien une de ces bouilles qui firent la gueule du "Ventre de Paris". Il suffit de fermer les yeux pour imaginer une p1260025.jpgscène des Rougon Macquart, ou bien du Père Goriot, dans ce Paris qui mêle petites et grandes destinées, drames et comédies, petites et grandes fortunes, à l'ombre d'une porte en bois et d'une enseigne en fer forgé. Dans un recoin, une petite fontaine que surplombe une niche que seul l'hiver met à découvert sous les branches d'une glycine qui prend ses aises sur le mur au printemps.

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La ruelle est couverte de pavés, parfois inégaux mais qui fleurent bon la vie de ces passages qui en ont vu et entendu, subit la foulée hier de l'ouvrier, aujourd'hui celle du touriste, qu'on excuse bien leur inégalité et l'inconfort qu'ils procurent à la promenade.
Non, décidément cette petite parenthèse n'a rien à voir avec le tumulte du reste du quartier de la Roquette mais il fait bon parfois l'ouvrir pour se laisser happer par un autre Paris, celui un peu plus calme, un peu plus secret dans lequel on peut à loisir s'évader, à l'image de ces quelques vers de Paul Verlaine à qui je laisse le soin de clore ce petit billet du week-end.

Paris n'a de bonté que sa légère 
Ivresse de désir et de plaisir, 
Sans rien de trop que le vague désir 
De voir son plaisir égayer son frère.

Paris n'a rien de triste et de cruel 
Que le poëte annuel ou chronique, 
Crevant d'ennui sous l'oeil d'une clinique 
Non loin du vieil ouvrier fraternel.

Vive Paris quand même et son histoire
Et son bagout et sa Fille, naïf
Produit d'un art pervers et primitif,
Et meure son poète expiatoire !
 
Paul VERLAINE "Paris"
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Paris sur un piédestal : "C'est Voltaire qu'on assassine"

img-1696.jpgC'est Voltaire qu'on assassine ! Oui, je sais en principe on ne parle pas du grand philosophe en ces termes et le titre du roman de Gilbert Cesbron qui s'applique à l'origine au génial Mozart,  se trouve ainsi dénaturalisé dans cette introduction. 

J'ai croisé le dit Voltaire dans le minuscule square Honoré Champion que longe la rue de Seine, un jour de grand beau temps, au coeur du très littéraire St Germain des Près. Ce qui m'a intrigué ce n'est pas en soi la présence de l'homme de lettre, mais bien la couverture sanguinolante dont on l'avait affublé par l'entremise de quelques giclures pugnaces de peinture rouge. Et c'est cette néo expression qui m'est spontanément venue à l'esprit : "C'est Voltaire qu'on assassine".....
Mais passons par dessus le délit criminel et regardons d'un peu plus près le bonhomme. Nous devons la figure du père de "Candide" à Léon-Ernest Drivier qui a réalisé plus d'une sculpture dans Paris. Sculpteur des années 30, il laisse dans la capitale un certains nombre d'oeuvres dont je reparlerai plus tard, toutes empreintes d'une certaine douceur et d'une grande sérénité, qui respire de chaque visage, même sur celui de Voltaire qui reste impassible sous les coulées rouge vif. C'est là que nait la magie de l'art : voyez ce visage serein et calme du philosophe qui reste imperturbable, comme si rien ne pouvait l'atteindre, même pas le second degré et l'absurdité de coulées rouge sur cette figure de pierre, qui, par association d'idée suggère le crime.
Je suppute l'amusement d'un étudiant des beaux arts dont l'école n'est situé qu'à quelques pas du piédestal... le Jackson Pollock en herbe n'a pas signé son oeuvre ni expliqué son crime mais il aura en tout cas eu le mérite de bien me faire sourire.

Art contemporain et patrimoine : Consigne éternelle

p8080574.jpgComme le froid a du bon de temps en temps....c'est sans doute à lui que je dois ce retour à mon clavier et mes clichés...souhaitons non pas que le froid polaire perdure mais bien que ce regain rédactionnel persiste le plus longtemps possible. Pour reprendre le fil des lignes et des photos en ce début d'année, je pars du coté de St Lazare. Au coeur des allées et venues des milliers de voyageurs qui transitent quotidiennement dans ce quartier animé, commercial et si bouillonnant d'activités en tout genre, il reste imperturbable depuis une trentaine d'année que l'on les y a là érigées, les deux compositions d'Arman : "l'heure pour tous" qui trône dans la Cour du Havre et qui avait d'ailleurs en son temps (!) inspiré la rédactrice herbe que je suis ; et "consignes à vie" qui se dresse sous le gros horloge de la cour de Rome. Ces deux oeuvres dans leur genre imposantes, ont toutefois su se fondre dans le décor à tel point que si on les décriait au moment de leur installation, elles sont presque aujourd'hui oubliées, tant les passants semblent les avoir intégré dans leur quotidien. 

Mais revenons à nos bagages. L'accumulation commandée et installée en 1985 s'élève sur plusieurs mètres dans le p8080573.jpgciel parisien. Aux heures ensoleillées sous les auspices de cieux bleutés les valises qui s'enchevêtrent dans une savante composition bien caractéristique du sculpteur prennent une jolie teinte brillante qui fait ressortir le teint naturel du bronze. Mais sous la pluie et les nuages bas, l'ensemble donne une impression triste, plus que mélancolique et dont la patine sombre évoque presque les heures troubles de la SNCF.

Une invitation au voyage ou bien celle de rester à quai ? Là où la toile, le cuir, le plastique ou le composite des bagages de nos petits et grands voyages ont fait place à un imputrescible bronze dont l'immortalité pérennise ce qui fait nos trajets divers et variés, les allées et venues de notre routine quotidienne comme celles des grands évènements, le temps poursuit toujours sa course, que l'on soit resté ou bien parti. L'artiste n'indique pas s'il s'agit de la consigne de départ, ou bien celle de l'arrivée, à chacun d'imaginer la vie de ces bagages en transit ou bien oubliés.

L'extrême précision propre aux oeuvres du maitre du Nouveau Réalisme en est même un peu énigmatique. On est presque tenté de grimper sur l'amoncellement pour tenter d'ouvrir les bagages qui semblent tenir les uns avec les autres dans une savante composition défiant les lois de l'équilibre et de l'apsesanteur, pour tenter d'en savoir un peu plus sur les propriétaires de ces valises abandonnées à la postérité.

p8080578.jpgMais qu'est ce qui a bien inspirer Arman à baptiser son érection métallique "Consignes à vie" ?

Ici la définition de consigne sera forcément celle relative aux dépôts de nos biens dans les gares. Pas de dépôt temporaire comme l'indique le dictionnaire mais ici c'est bien à vie...et il faut dire que la consigne de ces valises géantes qui a débuté dans les années 80 ne semble effectivement pas être transitoire, enracinée comme elle est sur le parvis de la gare.

Le titre gravé dans le bronze indique "Dépôt de l'Etat", mais l'histoire ne dit pas si les présidents se transmettent le ticket de la dite consigne lors de leur transmission de pouvoirs...et ce n'est pas M. Arman qui repose quelques pieds sous terre au Père Lachaise qui pourra répondre à cette question...



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Où Joséphine Baker reprend du service...

p9160583.jpgAh comme la paresse peut vous envahir parfois....Alors que j'avais pris la (mauvaise) habitude de délaisser mes habitudes rédactionnelles, le froid me rappelle à mes activités du coin du feu....(enfin plutôt du radiateur...). Alors pour reprendre le chemin des balades, des photos et des articles parfois sortis de pas grand chose, je publie ce soir un entrefilet qui attend que son auteur veuille bien le terminer (il convient tout de même de préciser que le dit article attend depuis la fin de l'été). Posté sur les ondes à cette époque il aurait été encore d'actualité, excusez donc cette légère péremption....

Pour reprendre le fil de mes pérégrinations parisiennes, je souhaite honorer et rendre hommage ce soir à un bâtiment que je connais bien pour la simple et bonne raison qu'il jouxta mes pénates durant quelques 12 années, durant lesquelles sa petite vie anima, à sa façon, la mienne et dont la danseuse qui prend la pose sur sa façade, croisa mon chemin plusieurs fois par jour, jusqu'à encore il y a peu. C'est en effet des nouveaux feux des Folies Bergère dont il s'agira ici.

Sans doute avez vous entendu parler des travaux de réfection dont le théâtre a fait l'objet, peut-p9160585.jpgêtre êtes vous même passé, par hasard ou pas, aux alentours et ainsi admiré le résultat. Après plusieurs semaines de travail patient, de bruits de marteau et autres perceuses, les murs et le toit (surtout le toit...) des Folies Bergères s’effeuillent et délaissent enfin les échaffaudages qui couvraient pudiquement l'illustre théâtre, pour laisser apparaître son nouveau visage aux parisiens du quartier qui aiment l'animation que le music-hall apporte à ces pâtés d'immeubles du coeur de Paris. Et je dois dire que le spectacle  de cette façade rutilante valait vraiment la peine de supporter la poussière extérieure et le bruit du labeur des ouvriers dès potron-minet à 8h00 en plein mois d’août....J'ai presque du mal à trouver l’adjectif adéquat pour décrire la finalité de cette entreprise de longue haleine : lumineuses, authentiques, nostalgiques, rutilantes, précieuses, immaculées, mais surtout parisiennes !  Oui, elles sont un peut tout cela à la fois. A l'image de cette apparition qui luisait sous le soleil des derniers jours de l'été, lorsque cette photo a été prise : cette danseuse qui est peut-être la résurgence d'une Joséphine Baker dont je vous livre avec plaisir les paroles d'une chanson que la dame aussi audacieuse que généreuse a peut-être freudonnée sur les planches des Folies Bergères qui resteront un peu dans la mémoire de ma petite vie parisienne...

"Paris... reine du monde
Paris... c'est une blonde
Le nez retroussé, l'air moqueur
Les yeux toujours rieurs
Tous ceux qui te connaissent
Grisés par tes caresses
S'en vont mais revienn'nt toujours
Paris... à tes amours !

La p'tit' femme de Paris
Malgré ce qu'on en dit
A les mêmes attraits
Que les autres oui, mais
Ell' possède à ravir
La manière d' s'en servir
Elle a perfectionné 
La façon de s' donner
Ça, c'est Paris ! 
Ça, c'est Paris !

Ce n'est pas la beauté
Dans un peplum drapé
Ell' s'habille d'un rien
Mais ce rien lui va bien.
Quand elle a dix-sept ans,
C'est un bouton d'printemps,
Mais l'bouton s'ouvrira
Et tout l'monde s'écriera...

Elle a des boniments
Tout à fait surprenants:
Vous lui dit's: Ma mignonn'
Viens danser l'charleston.
Quand elle est dans vos bras,
Ell' vous murmur' tout bas:
Qu'est-c'qu'y a sous ton veston?
Dis-le moi, Charles, est-c't'on.

Mesdam's, quand vos maris
Vienn'nt visiter Paris,
Laissez les venir seuls,
Vous tromper tant qu'ils veul'nt
Lorsqu'ils vous reviendront,
J'vous promets qu'ils sauront
Ce qu'un homm' doit savoir
Pour bien faire son devoir"

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Paris au fil de l'eau : Les lions de la place Daumesnil garderont mes secrets...

p9160588.jpgEn passant hier par la Place Félix Eboué, j'ai une nouvelle fois souri aux lions qui pendant plusieurs mois d'affilée ont été couverts d'échaffaudages, pour mieux réapparaitre dans leur teinte et leur pose initiales, celle, un peu stupide certes, du fauve accroupi sur ses pattes arrière : la pose hiératique du roi des animaux. Comme je les connais bien ces félins..."La fontaine au lions", ou "Fontaine du Château d'eau", a été réalisée par Charles Davioud, à qui l'on doit de nombreuses réalisations du même acabit dans Paris. Initialement prévue pour la Place de la République, elle échoit finalement à son emplacement actuel en 1880, lorsque la place s'appellait encore Place Daumesnil. Mais plutôt que de m'appesantir, peut-être un peu inutilement, sur l'histoire de ces fauves, je vous livre les quelques vers qu'ils m'ont inspiré.


Tu me parle du Général Daumesnil,
Je te réponds en évoquant Félix Ebouée,
Deux figures de l'histoire de France pour une place,
Et une fontaine majestueuse en son centre, telle une île.

Les lions qui la gardent prennent la pose depuis longtemps,
Je les ai d'ailleurs croisés bien souvent, 
Juchée, cheveux au vent, sur mon vélo,
Comme au sortir d'une bouche de métro.

Place Daumesnil je ne vous oublierai,
Place Félix Ebouée je ne saurai vous abandonner.

Par tous les temps, ils m'observent, taciturnes,
Impassibles et immobiles crachant leur eau,
Selon la saison et les caprices de la météo,
Ils m'épient moi et mes parisiennes turpitudes.

Car non loin de ces fauves verdâtres,
Il arrive que tu m'attendes encore, imperturbable,
Derrière la porte qui s'ouvre alors pour moi,
Surprise de me retrouver à nouveau si près de toi.

Place Daumesnil je ne vous quitterai,
Place Félix Ebouée je ne saurai vous délaisser.

Dans la nuit noire du Paris amoureux,
Comme aux premières heures du petit matin,
Sous le ciel orageux comme sous les derniers feux ,
D'un ciel d'été qui fuit déjà à brûle pourpoint.

Quoi qu'il advienne de nos coeurs, les lions de la place, 
Me font et me feront encore et toujours face,
Me laissant toujours à mes humeurs : le soir mutine,
Le matin, la peau encore si câline.

Place Daumesnil je ne vous oublierai,
Place Félix Ebouée je ne saurai vous délaisser.

Ils sont là, écoutant le bruit fuyant des talons, 
Rapides et mesurés sur le bitume citadin,
Féminine expression d'une douce joie, 
Comme d'une pointe de mélancolie parfois.

Et si d'aventure il me venait à nouveau de les croiser,
Certainement, le sourire aux lèvres et les yeux fermés,
Je me souviendrai de tes traits à la lueur d'une bougie allumée,
Une voix, un parfum, que ma mémoire ne peut complètement effacer.

Place Daumesnil vous me manquerai,
Place Félix Ebouée je ne peux vraiment vous déserter.

Alinéa

Où "l'esclave mourant" veille sur la paix civile...

dscn3646.jpg"L'esclave mourant". C'est ainsi que Michel Ange a appelé cette célèbre statue figurant un jeune homme asservi, connue pour sa posture très étudiée et sans doute guère naturelle, témoignage d'un maniérisme exacerbé alors très en vogue à l’époque à laquelle vivait le génial sculpteur italien. Mais pourquoi évoquer Michel Ange aujourd'hui ? Il y a déjà de nombreux mois, du haut de la Coulée verte, cette jolie promenade bien prisée des parisiens, j'ai croisé presque nez à nez, douze "esclaves mourants", à l'image de l'original qui se meure pour l'éternité dans la grande galerie de sculptures italiennes du Louvre. Alors que dans le grand musée parisien nous croisons deux esclaves (l'autre étant "l'eclave rebelle"), il ne s'agit  pas ici d'un seul homme mais bien d'une ribambelle accoudés lascivement sur le faite d'un immeuble parisien.

Accoudés au toit du commissariat du 12ème arrondissement qui fait l'angle de la rue de Rambouillet avec l'avenue Daumesnil, les douze exclaves agonisent ainsi depuis 1991, date à laquelle l'architecte espagnol Manuel Nuñez-Yanowski (que l'on connait surtout pour des réalisations publiques à Paris comme en région parisienne) les a accolé à la pierre blanche de l'immeuble. Pastiche étrange que cette réalisation gigantesque qui mêle surréalisme, classicisme et modernisme.

En effet,dscn3647.jpg drôle d'association que celle de la sculpture italienne du 16ème siècle à la vie d'un commissariat de quartier parisien.... Ces jeunes hommes semblent rester néanmoins bien indifférents et paraissent perdus dans cet émoi qui les laissent à jamais figés dans cette pose de contorsion un peu effeminée. Ils n'aparaissent guère émus par les turpitudes de la vie parisienne  qui bouillonne derrière les murs qu'ils épousent (et Dieu sait pourtant qu'un commissariat entend des histoires diverses et variées, parfois à dormir debout, comme cela semble être le cas pour ces messieurs dont les visages semblent exprimer une vie intérieure onirique plus que tragique, sentiment que pourrait laisser supposer le titre de l'oeuvre). D'ailleurs ils ne daignent pas baisser les yeux vers nos petites affaires terrestres...
Que peuvent évoquer ces éphèbes lascivement accoudés sur les toits de Paris ? Ces messieurs adopteraient ils cette pose du fait de leur coeur transpercé laissant voir le jour ? Une percée apportée par l'architecte et qui justifierait plus alors le terme de" mourant".
Mais qu'ils soient mourants, agoninsants, ou rêvants, si vous souhaitez faire cette rencontre décalée, totalement insolite qui surprend réellement,  je vous conseille de grimper sur la  promenade plantée qui court de la Bastille à la Gare de Reuilly, vous verrez alors cette quirielle de messieurs, parfaitement alignés qui vous laisseront dans une impression un peu déconnectée de la réalité . D'en bas, ils semblent suspendus dans les airs, une vision pour le moins étrange......

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Humeurs : "Vous avez des bleues ?"

IMG_0632.jpgJ'avais évoqué il y a plus d'un an à présent le cas des musiciens du métropolitain qui n'avaient pas laissé mes doigts engourdis d'ennui devant mon clavier ...Le sujet me paraissait inspirant, au regard des innombrables expériences en la matière subies par nos oreilles durant le récurrent supplice d'un concert (?) improvisé comme imposé au cours d'un simple voyage dans le Paris intra muros souterrain.

Ce soir il en sera presque de même (enfin je l’espère) avec ce billet d'humeur consacré à ce qui fait le charme de la capitale mais aussi à ses petites turpitudes finalement bien légères. Vous serez immanquablement intéressé par l'article du jour si, comme moi vous êtes un(e) célibataire parisien, ou que vous sortez fréquemment en couple (légitime ou pas, l'amour n'est pas regardant sur la disponibilité des annulaires). Lorsque vous prenez un verre ou dînez en compagnie d'une personne du sexe opposé, vous avez inévitablement droit (en fonction tout de même du lieu que vous avez choisi pour votre soirée), à l'inévitable passage d'un vendeur de rose (enfin ce qui peut y ressembler) qui accostera (ou du moins tentera), votre table, dans l'espoir de vous vendre un exemplaire de la soit disant « reine des fleurs » de l'amour qui semble toutefois se flétrir déjà dans son enveloppe de plastique. En cette saison estivale, propice aux rencontres et aux amours (d'un jour ou pour toujours ?) je souhaitais évoquer et creuser à travers quelques lignes ce sujet qui fleurit aussi bien sur les blogs parisiens comme sur les pages de vidéos du net ou encore celles des journaux nationaux : celui des vendeurs de roses à la sauvette. Le sujet serait il sérieux, voire sensible ? 

Lecteur, vous avez forcément votre petite expérience personnelle avec ces vendeurs qui suscitent diverses réactions lorsqu'ilsIMG_0632.jpg passent, une brassée de roses rouges et blanches dans les bras espérant séduire les couples, jeunes ou moins jeunes. Qui sont ils ces colporteurs de romantisme bon marché pour effectuer cette tâche, sinon ingrate du moins fatigante et assurément très peu rémunératrice ? 

Et bien la plupart d'entre eux sont de simples réfugiés politiques, pakistanais ou assimilés. Et il faut bien avouer que ces malheureux fleuristes de la dernière heure, qui font de leur tournée de roses une activité de fortune (pas au sens propre, puisqu'ils n'empochent pas plus de quelques euros sur la soirée contre une poignées de fleurs vendues après avoir acheter celles ci à vil prix à Rungis, bref un autre Eldorado que le Paris chic et romantique qu'ils essaient tant bien que mal de vendre), n'ont pas peur du refus.

Car s'ils peuvent encore trouver un petit succès auprès des tables investies en été par les couples de touristes qui peuvent être plus facilement conquis par le cliché romantique "so parisien", il n’en va certainement pas de même en hiver quand ce sont les parisiens eux même, pour certains excédés, qui rendent la vie plus difficile encore à ces expatriés malgré eux. 

IMG_0632.jpgPassant de terrasses en terrasses, ils se glissent discrètement dans les cafés et restaurants de la capitale, tendent des roses, parfois déjà en fin de vie, en souriant et essuient bien souvent les regards condescendants des parisiens au parisianisme exacerbé qui n'hésitent plus pour certains, en plus d'adopter un mépris assumé, d'accompagner celui ci par quelques sorties du style :  "On n'est pas ensemble", "C'est un rendez vous professionnel, merci" (une justification qui cacherait quelque chose ?), "Ben, on a déjà couché c'est bon..." (réplique piquée à Alain Chabat et que beaucoup se sont ensuite approprié afin de ne pas plomber l'ambiance, ou au contraire la plomber, en fonction de l’identité et de la sensibilité de leur interlocuteur/trice), ou bien un peu plus pervers : "Vous avez des bleues ? S'il n'y a pas de bleues, je ne prends pas", quand ce n'est pas une indifférence notoire et affichée pour faire fuir ceux qui malgré toutes ces marques de non affection et de manque de compassion profond, continuent leur circuit (invariablement toujours le même, parfois plusieurs fois de suite, et ce du lundi au lundi....).

Mais cette situation peut tout de même laisser planer un certain embarras quand vous êtes,IMG_0632.jpg non pas dans un speed dating mais néanmoins en galante compagnie, sans heureusement complètement griller un rendez vous.  Car aux yeux d'une sensibilité un peu trop romantique, voire kistch, (que je n'ai pas), la dame ou la demoiselle peut mal prendre ce refus de marquer un signe de déférence et de galanterie vis à vis d'elle (u_u..... cette dernière pouvant en profiter pour étiqueter son vis à vis de goujat fini ou de rat près de ses sous-sous.....). Même si Monsieur comme Madame ou Mademoiselle ne sont plus vraiment attirés aujourd'hui par ces clichés kitsh qui sont définitivement réservés aux touristes (encore que...), il reste en chacune de nous un sursaut de besoin de constater que l’on plait…

Pour ma part, afin de ne mettre personne mal à l'aise en voyant arriver "Mister Rose" je décoche le plus séduisant des sourires à mon interlocuteur comme au malheureux vendeur qui ressortira une poignée de secondes plus tard du restaurant avec le même nombre de fleurs qu'en arrivant, en déclinant poliment. Attitude un peu forcée certes, mais qui a le mérite de ne froisser personne et de rester un peu glamour en toute occasion....

Dans le tumulte parisien "un ange passe"... et reste

dscn3610.jpgIls habitent le silence qui caractérisent leur passage et pourtant bon nombre d'entre eux sont immobiles. Vous ne les entendez pas et pourtant ils murmurent sur les murs...vous les ignorez dans tous votre trajets et pourtant eux vous regardent passer avec cet air mutin dans lequel on les a figé. Derrière leur regard de pierre que l'on pourrait croire éteint, ils observent la vie de Paris qui leur est un peu étrangère (eux qui appartiennent à un autre monde, celui que les mythologies leur a créé), mais que pourtant ils vivent un peu malgré eux, puisqu'ils sont là, dans la pose que le ciseau du sculpteur a imaginé pour eux. S'ils ne chantent pas le chant des cieux, il semblent tout de même parler un doux langage des bribes enfantines et coquines qu'on peut entendre en tendant bien l'oreille, en fermant les yeux et en laissant l'imaginaire vous envahir....

On ne peut pas vraiment les ignorer puisqu'ils sont un peu partout dans Paris, parfois dotésimg-0972.jpg d'ailes qui pourraient bien leur servir pour s'échapper de ce qui pourrait être à leur yeux un enfer, mais pas toujours. Ils sont aussi parfois, les traits poupins à l'image de l'âge juvénile dont ils symbolisent également l'innocence ; ou bien encore l'étrange interprète et ambassadeur du monde célèste pour les pauvres mortels que nous sommes (je ne développe pas davantage de peur de tomber dans une interprétation pseudo thélogique de comptoir...). Chastement vêtus d'une robe ou bien simplement représenté par ces chérubins dont on ne connait de l'anatomie que ce visage joufflu si caractéristique, ils sont appliqués en guise de décoration sur de nombreux éléments architecturaux : portes d'entrée, linteau, embrasure, bow Windows, partout où peuvent se loger ces êtres malicieux et pourtant si doux et si innocents.

pb260179.jpgMais qui sont ils à la fin me direz vous ? Vous trouverez ces apparitions sacrées comme profanes sur les façades de bâtiments laïcs, publics comme sur les frontons ou les portes des églises. C'est dans un bruissement d'ailes et un léger courant d'air de pierre que j'évoquerai ici ce soir tout ce que Paris peut compter de figures angéliques :  les angelots, les angelets, les putti, ces amours, ces bellots, Cupidon par ci, Eros par là, apparitions androgynes ailées qui n'appartiennent pas à une époque précise et qui ne sont rattachées à aucune contrée particulière puisque cette iconographie appartient à une imagerie universelle et intemporelle.....
Ils sont ici et là : entourant des cartouches au dessus de portes cochères, décorant les hôtels particuliers, une chapelle, au faite d'une tour, sur un parvis d'église comme à la Trinité, apparaissent encore dans les cimetières, comme au Père Lachaise où ils forment une bien innocente légion ; bref un peu partout si l'on regarde bien. Ils jouent à cache cache avec nous ces témoins de siècles d'ornementation pour lesquels les sculpteurs parisiens on fait appel à leur douce (et angélique !) figure.
Qu'ils soient sacrés ou profanes ils accompagnent notre paysage urbain ancien et apportentp9180110-1.jpg une note désuète, quelque fois surannée, pour ne pas dire kistch dans certains cas, mais surtout douce et poétique.  Ils participent aux turpitudes de nos petites vies qu'ils doivent trouver bien courtes eux qui appartiennet à l’immortalité. 
Inspirant poésie et réverie, ils expriment par les traits qu'on a bien voulu leur attribuer les différents visages de la vie : joie, innocence, tristesse, dans un regard pas si absent, pas si éteint, si l'on regarde bien...Image lyrique d'un monde planant entre le ciel et la terre, médian entre les imperfections humaines et la perfection céleste, esprits sans âme ni sens, ces apparitions qu'elle soient rattachées à des croyances et peut être des conviction religieuses pour certains d'entre nous, comme à un registre simplement décoratif, ne peuvent totalement nous laisser dans l'indifférence.  Car qui peut rester insensible devant l'incarnation, quand bien même si celle doit être de pierre, d'un ange ?
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Le Jardin des poèmes : "Au Palais Royal, on versifie à l'envie"

p6020534.jpgCe sont les mots de Paul Marie Lapointe qui feront de cet article un collier de vers en hommage à ces jardins que j'affectionne tout particulièrement, ceux du Palais Royal, où entre les pierres qui hier appartenaient à la monarchie et qui reviennent à la République aujourd'gui, je trouve bien souvent ce calme et cette tranquillité à l'ombre des allées de tilleul et au coeur des bosquets. 

Silence dans la pierre poussière et jardin ici règne un passé faste, 
Silence entre les murs dans la cour sans Cour où momentanément se pose le calme ciel de mai. 

Un siècle retombe dans l’autre loin des agitations verbeuses, 
et consommations sublimes dorures falbalas cuisses hautes.

Silence pause rectangulaire dans la fureur marchande 
silence où l’on repose repus de bruits et discours loin des musiques mitraillées. 

Silence où quatre allées sont disposées d’arbres ombrées, 
de tilleuls quatre cent soixante arbres sur huit rangées? 

Au cordeau tirées longuement s’allongent formant allées en allées. 

Feuillages de tilleuls feuillages taillés dociles domestiqués, 
bougeant à peine au souffle de mai ce matin. 

Quatre allées voûtes vertes sont ainsi faites d’ombre ou de soleil, 
selon le mouvement d’une feuille et d’autres constamment. 

Quatre allées d’arbres encloses au pied de chaque tronc, 
coiffé de verts divers près du sol émerge une feuille, 
une tige parfois de tendre vert chacune ayant foré, 
minuscule sous l’écorce le bois printanier, 
poussant vers le ciel une sève impatiente. 

p6020539.jpgAu pied de chaque tronc dans la poussière moulées, 
cent pattes en étoiles de pigeons envolés. 

Papiers souillés mégots quelques brindilles. 

Des bancs épars sous les arbres où rêvent lisent, 
s’abandonnent des hommes des femmes de tous âges. 

Vieillards sortis un moment du noir de l’oubli l’anonyme vie, 
savourant les premiers ébats des corps les derniers éclats du parc, 
avant la fin de tout des palais royaux de l’Histoire. 

Vieilles dames solitaires abandonnées de tous jeunes gens oisifs, 
dans la ville inutile jeunes filles du printemps paradant douces proies, 
dévorées de regards de soifs enfants poussés dans des carrosses, 
par des mères trop jeunes trop fraîches toujours prisonnières,
déjà d’écoliers absents qui s’échappent là-bas, 
derrière les ballons vers les nuages infestés les miasmes de l’être, 
bureaux commerces ateliers prisons où se tue le temps. 

Cour du Palais-Royal crissement des pas dans la poussière sablée des allées, 
la rumeur diffuse de la ville tout autour s’étouffant promenade sans bruit, 
glissement momentané des passants soulevant quelque peu cette poussière, 
qui retombe aussitôt dans l’ordre des choses.

Au centre de tout cela qui n’est agité d’aucune guerre, 
apparente loin des massacres et de la faim,
loin de la vie courante une vasque généreuse et fraîche, 
où des fontaines richesse de cristal orgueilleusement, 
déploient leurs eaux eaux d’artifices, 
plus que parfaites se pavanant perruques et poudres,
jetées là pour la mort des rois jetées là,
dans le silence hurlé de mai.

 Paul-Marie Lapointe

Paris sur un piédestal : "Derrière le temple, l'amiral se tache de sang"...

p6020548.jpgAvant d'arriver au Square du vert galant qui a fait l'objet de l'un de mes derniers billets, j'ai longuement longé la rue de Rivoli, sous ces arcades qui font le bonheur des touristes et par la même occasion celui des tiroirs caisses des boutiques qui empiètent allègrement sur le dallage patiné par les allées et venue des visiteurs tout au long de l'année.
Au niveau de la rue de l'Oratoire, je me suis arrêtée, comme tant d'autres, pour jeter un oeil curieux et un peu rêveur devant le grand groupe statutaire blanc, posé dans le dos du temple. La présence du dit temple ainsi que celle de ces personnages figés pou l'éternité dans la pierre n'est pas là par hasard, mais est directement liée à une page de notre histoire, loin d'être la plus calme, la plus pure, la plus blanche justement, non celle dont il sera question ce soir étant largement entachée de sang, puisqu'il s'agit des épisodes sanglants des guerres de religions qui ont émaillés les règnes successifs des fils de François Ier jusqu'à leur fin, avec celui d'Henri IV. Et plus précisément encore de cette terrible nuit de la St Barthélémy pendant laquelle Paris et notamment ce quartier du Louvre s'est empourpré dans un bain de sang.p6020549.jpg

On ne peut malheureusement occulter cet épisode car le sujet ici représenté y est directement lié puisqu'il s'agit de l’amiral Gaspard II de Coligny, l'un des membres les plus illustres de la maison de Coligny, qui connut une fin tragique lors du massacre du 24 août 1572. L'ensemble sculptural réalisé et édifié en l'honneur de l'amiral est inaugurée le 24 juillet 1889. Oeuvre de Gustave Crauk, elle est accolée au chevet de l'Oratoire du Louvre donc, ancienne église catholique romaine mise à la disposition du culte réformé par Napoléon le 23 février 1811.
Issu de la noblesse française, fis de Gaspard Ier de Coligny, maréchal de France sous François Ier, Gaspard II a la destiné d'un grand homme. Après une enfance provinciale et une p6020544.jpgadolescence à la cour de François Ier, il fait ses premières armes dans les années 1542-1546. Témoin des nombreuses intrigues familiales entre les clans de Guise et Montmorrency qui animent le règne d'Henri II, il poursuit une  brillante carrière de militaire et devient amiral. Il pousse plus tard Catherine de Médicis à adopter une politique de conciliation à l'égard des réformés, refusant la voie de la violence, lui même convertit au protestantisme sous l'influence de sa femme. 

Chef de file dans les différentes guerres de religion, et pendant un tmps éloigné de France enp6020547.jpg étant ambassadeur à Londres il rentre à la cour du roi Charles IX en 1571. Haï par les grandes familles qui entourent le roi (dont il n'est pour autant pas detesté), il fait l'objet d'un attentat le 22 août 1572 lorsqu'un calviniste tire sur lui (le commanditaire de cet acte ne fut d'ailleurs jamais clairement identifié par les historiens). Cet assassinat précède de très peu la nuit de la Saint Barthélémy durant laquelle Coligny, après une longue agonie, fut achevé par un coup de dague.
Mais revenons au groupe blanc qui avec un peu d'imagination pourrait être maculé de part et d'autre de rouge tant il est lié aux bains de sang aussi absurdes que violents de cet épisode. On peut d'ailleurs imaginer que le sculpteur Crauk a voulu marquer justement ce recul face aux évènements passés en conférant à cette statuaire un caractère particulier : celui de la mort p6020543.jpgprovoquée violemment par une simple différence de croyance et de forme du culte religieux, à travers cette blancheur éclatante s'opposant à la noirceur de l'époque et de ses évènements. Où quand l’obscurantisme alors plus qu'en vigueur à cette période, plus qu'obscurcir, fait rougir (au sens propre comme au sens figuré) certaines destinés.

Notre héros du jour se tient debout dans une niche sur le fronton de laquelle figure son identité ainsi que ses dates de vie et de mort. Il porte l'habit que lui doivent son rang et sa naissance, propre à la mode du XVIème siècle. Sa posture témoigne de celle d'un chef de clan, d'un homme d'action comme le rappelle son épée évoquant les faits d'arme dont il a fait preuve, mais aussi son pouvoir et son ambition. 

La statuaire ici représentée reflète parfaitement l'esprit de l'époque à laquelle elle a étép6020550.jpg réalisé, c'est à dire cette fin de XIXème siècle encore bercée par un certain éclectisme mais aussi de romantisme : on tend à commémorer, à comprendre l'importance que prend l’histoire de France dans la société, la résurgence du passé que l'on cherche à appréhender. Le style plastique est typique également : académique et frisant l'allégorie, comme en témoignent ces deux femmes aux pieds de notre bonhomme. Les yeux tournés vers le ciel, elles évoquent bien des choses, des idées, des concepts qui peuvent être formulés par chacun à l'envie : la vie, la mort, la destinée, la religion, la réforme; la croyance.... Chacun peut y voir ce qu'il veut en rapport avec l'histoire de Gaspard de Colligny. Au bas de l'ensemble, plusieurs plaques viennent retranscrire par quelques mots ce que les statues posées juste au dessus d'elles ne peuvent formuler dans le silence que l'artiste leur a conféré.

Ainsi dans le silence de la tragédie sanglante et au delà du temps qui passe inéluctablement, reste écrite noir sur blanc et en suffisamment grand, la mémoire de ceux qui ont voulu faire évoluer les idées et la perception de la liberté de penser et de culte.

Histoire et patrimoine : Quand l'histoire se retrouve dos au mur...

dscn2930.jpgPour rompre le silence et le vide de ces pages virtuelles qui se tournent au fil des jours, si vite sans même que je m'aperçoive des dates qui défilent sur le calendrier, laissant ainsi cet espace sans mots ni photos, voilà ce soir une petite étincelle rédactionnelle qui ravivera un peu la flamme de l'écriture parisienne et rallumant par là même, plus précisément, la flamme du souvenir .
Et il sera une fois de plus ici encore, question du temps, celui que l'on tente de ne pas publier en le fixant et en le gravant par l'entremise de dates sur la pierre de la capitale.

Elles sont parfois, à une date précise qui n'appartiennent qu'à elles et qui fait leur raisondscn2996.jpg d'être, accompagnées d'un petit bouquet de fleurs souvent aux couleurs de la patrie, ou bien seules, nues posées sur le murs qu'elles sont censés marquer. Je veux parler ici dans un accent qui je l'espère n'est pas trop mélancolique, de ces plaques qui jalonnent les rues de Paris (et pas que d'ailleurs !) et dont l'unique utilité est de commémorer un lieu, une date, ou tout simplement le passage d'un grand homme, qu'il soit, de lettre ou d'état, ou bien encore un fait historique, parfois tragique, lié à un fait d'arme ou de guerre, rappelant ainsi qu’ici et là le fantôme de l'Histoire est passé, à travers les vies de nos anciens et les évènements auxquels ils ont participé.

Ainsi, par ces quelques centimètres carrés de pierre gravée et apposée sur les façades, ou parfois dressée dans un jardin ou sur une place presque agencée à cet effet, vous pouvez faire d'une simple promenade, un petit cours d'histoire et éveiller votre esprit à des écrivains, des artistes, des compositeurs que vous connaissiez à peine et qui en lisant ces quelques lignes sur un mur vous paraissent déjà beaucoup moins étrangers. Quant aux faits tragiques (en général et bien malheureusement d'ailleurs ce sont eux qui sont ainsi indiqués, on ne
p5010390.jpgcommémore pas les faits comiques...), ils sont de la même façon discrètement rappelés à tous pour que ces tristes lignes, souvent sanglantes, de notre histoire ne s'échappent pas de notre mémoire et restent imprimées, quelque part dans notre esprit, nous permettant en quelques instants de nous souvenir que sans ces héros de notre histoire, la face de notre patrie serait sans doute un peu différente.

Ces plaques ont donc un rôle bien plus important qu'on ne l'imagine et les murs qui les supportent tout autant car ils sont direcement marqués par cette étrange présence qui est ainsi désignée : passage d'un être qualifié "d'illustre" par le temps, celui là même qui est passé et qui poursuit sa course vers de nouvelles destinées humaines etdscn2891.jpg des faits plus ou moins marquants ;  ou événements que le temps ne pourra pas (mais surtout ne doit pas) effacer. Elles nous indiquent encore et toujours que le travail de mémoire et d'instruction ne doit être occulté pour que chacun d'entre nous puisse se construire et se trouver à l'ombre du passé.
Alors même si les fleurs que l'on accroche à certaines de ces plaques le jour anniversaire de l’évènement quelles signalent, finissent par se flétrir, par être jetées et finalement oubliées, la plaque reste, défiant ainsi la mémoire et le temps. Il nous suffit donc de lever un  peu la tête et de nous laisser guider par ces noms et ces dates qui ponctuent nos trajets divers et variés pour vous cultiver et nous remémorer...

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Le jardin des poèmes : Square du vert Galant, un pourpoint brodé de galanterie

p6020564.jpgPar une fin de matinée déjà très estivale je suis partie à la recherche d'un petit havre de fraîcheur et de paix que j'ai trouvé au bout de l'ile de la Cité. Là où bon nombre de touristes montent dans les bateaux mouches et prennent un peu le large, laissant les autochtones à leurs stress habituel le temps d'une petite croisière sur la Seine, j'ai atteint le bout du square du Vert Galant pour observer la vie de la capitale de ce point de vue pittoresque qui reste finalement pour moi assez méconnu.

Au milieu du Pont Neuf, derrière la statue d'Henri IV qui reste impassible sous le soleil dep6020558.jpg plomb comme devant les défilés de touristes qui passent et repassent dans ce coeur de Paris si animé, se cache le square du Vert Galant qui doit son nom au roi précité qui comptait, comme chacun le sait moult maîtresses malgré son âge vénérable et déjà avancé.
Hormis ce clin d'oeil au Père de notre poule au pot française, ce jardin est néanmoins chargé d'histoire.... Ce lopin de terre du premier arrondissement situé 7 mètres plus bas que le reste de l'ile (indiquant que celle-ci était autrefois à ce niveau là), est issu de la réunification de plusieurs îlots. Il fut le théâtre de bien des exactions au cours des siècles passés, dont les exécutons des derniers templiers que furent Jacques de Molay et Geoffroy de Charnay. Au XVIIIème siècle, on décide de vouer cet espace aux bains, puis à un café concert.
p6020562.jpgCe n'est qu'encore un peu plus tard que ces 2665 m² disponibles sont dévolus à la promenade et à la flânerie verdoyante pour le plus grand plaisir des parisiens. Il faut dire que c'est à cette période la mode des squares, venue de grande Bretagne, fait fureur dans la capitale. Dans les années 1960, il fut curieusement choisi comme point de ralliement par les beatniks.

p6020563.jpg
Depuis, il fait partie des lieux assez populaires de Paris, bien qu'il reste exigu et assez reculé. Sans doute est ce du au charme de cette parcelle de terre, prise entre deux eaux, offrant un paysage atypique en plein Paris et une parenthèse de quiétude pour ceux qui viennent se reposer sur ses bancs entourés, entre autres, de marronniers, d'ifs, de prunus, de pommiers à fleurs et de saules pleureurs...
Par ses petites allées romantiques agrémentées de quelques touche de couleurs, le square du Vert Galant, même si le grand roi ne l'a pas connu, peut laisser imaginer à la simple évocation de ce surnom grivois, l'image d'un monarque par dessus tout amoureux de la gent féminine et de la vie.
Quand bien même je n'ai croisé ni barbe fleurie ni vertugadins, je me suis laissée emporter dans un peu de rêverie au bord de la Seine qui, dans son langage particulier, sait si bien parler à mon âme....
p6020557.jpg"Je me promène la tête vide

Admirant les toiles encore humides
Des artistes apprentis
Qui peignent les moments de la vie.

Une brise légère
Dans les pommiers aux fleurs fières.
Une feuille de dessin
Tombe entre mes mains.

Comme une apparition
Tu nais d’un coup de crayon.
Vaporeuses formes dans un fond brumeux
Tu te bats, te déformes, pour revenir des cieux.

Demoiselle aux jupes décousues
Jeune fille au visage déchu
Tu as dû être belle
Dans un passé immortel.

Dans le square que tu hantes
Tu m’attires dans ton antre
Tu joues à te cacher
Derrière les grands marronniers

Tes longs cheveux au vent
Dansent dans le temps.
Assise sur le banc
Les minutes défilent lentement.

De ton corsage défait
Sortent tes petits seins émoustillés
De ton jupon relevé
J’aperçois ta jarretière décrochée

Il est parti, a disparu
Depuis longtemps il n’est plu.
Mais toi ici qu’as tu fait ?
Petite pimprenelle décharnée 

Lancinante musique du vieux Paris
Ton corps suit le rythme ravi
Le long du quai de Seine
Tu apparais comme une reine.

Ancienne maîtresse
Tu cherches la tendresse
Tu envies tous ces amants
Tu les guettes, tu les sens.

Fantomatique présence
Tu joues, tu danses
Tu veux les posséder
Spectre au coeur léger.

Assise sous l’Olivier de Bohème
Tu attends qu’ils se promènent
Voleuse du temps présent
Tu enfermes les baisers des amants".
(...) 

SLM

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Derrière les portes cochères...

dscn3004.jpgUn clin d'oeil...coquin, malicieux, parisien ..... Un clin d'oeil que seul mon complice, si par hasard passe sur cette page, comprendra... Voilà ce soir un entrefilet sur les portes cochères de Paris, celles là même devant lesquelles on passe le long des boulevard, des avenues comme des petites rues, au point souvent d'en oublier leur histoire, leur caractéristique et leur utilité. Pourtant il y a bien à dire sur ces ensembles architecturaux indissociables des hôtels particuliers qu'elles protègent de l'extérieur, indissociables de l'histoire urbaine de Paris et de la vie quotidienne de ses habitants. Que ce soit durant les siècles précédents, comme encore aujourd'hui, ces portes sous lesquelles nous passons, que nous longeons et parfois nous nous abritons, ne sont pas des éléments anodins de notre paysage mais bien des éléments chargés d'une certaine intensité.

Elles sont dans tous les arrondissements mais plus souvent et plus précisément ceux qui ont encore la chance de compter de beaux et d'anciensdscn4024.jpg immeubles, ceux où les propriétaires d'antan avaient les moyens de commander à des architectes aussi intelligents qu'imaginatifs et créatifs, des hôtels particuliers d'envergure parfois aujourd'hui devenus bâtiments publics (ministères, ambassades...... ). Mais "Haussmann oblige", on les trouve partout où le baron parisien est passé, dans les faubourgs d’autrefois devenus aujourd'hui nos arrondissements, dits "périphériques".
Baie dans la façade de l’hôtel particulier qu'elle protège de la vie de la cité, la porte cochère est composée de deux battants de bois, pour la quasi totalité, ouvragés et décorés au moins de moulures. Elles offrent une diversité et une originalité dans les rues de Paris, même si elles ont toutes la même fonction. En bois naturel ou peintes, bleu ciel pour certaines, lie de vin ou vert sapin pour d'autres, elles témoignent de la diversité qui fait aussi un peu l'originalité de style français.

dscn2668.jpgElles sont bien souvent 
coiffées sur le linteau par un mascaron, élément architectural décoratif de pierre dont j'ai déjà parlé et qui est à lui seul (quand il existe) l'âme de la porte mais surtout du bâtiment qu'ils garde derrière son sourire de pierre....La porte cochère comporte également la plupart du temps un chasse roue, métallique ou en pierre, placé à ses pieds empêchant les roues des voitures à cheval de détériorer le mur lors de leur passage. 

Sa taille dépend du gabarit de la voiture qu'elle devait laisser passer jadis, marquant peut-être ainsi le niveau social du propriétaire de la maison ; propriétaire qui, pour être en mesure de "tenir équipage" appartenait bel et bien à un certain rang social. A minima ses dimensions sont de 2,60 mètres de large sur 3,50 mètres de haut. Enfin, l'un des battant est généralement muni d'un guichet, petite porte découpée dans l'un des deux battant pour permettre l'entrée des piétons dans la cour. Voilà pour les caractéristiques quasi techniques de ces portes à secrets....
Élément architectural qui rassure et protège (sans doute car elle indique dansdscn2923.jpg un inconscient l'entrée d'une maison rassurante, bourgeoise, protégée), elle annonce l'arrivée, le retour, le départ, les allées et venues des habitants de la maison, tout comme ceux des visiteurs. En hiver, elle coupe du vent et du froid de la rue, en été elle offre un havre de fraîcheur sous sa voûte de pierre derrière ses deux lourds battants.

Quand elle est ouverte, elle permet aux parisiens surpris par l'orage ou l'averse, de se protéger, le temps de quelques gouttes de pluie. Et puis, elle est aussi un incontournable recoin pour des amoureux transis empressés de se retrouver (presque) seuls au monde pour des baisers et des gestes que seule la porte se permet d'observer...
Témoins discrets de l'histoire de Paris mais aussi encore et toujours de l’histoire de nos vies, les portes cochères gardent tous les secrets qu'elles ont nécessairement entendu.... Combien de rendez vous n'ont ils pas été fixés sous une porte ? Bien des générations ont poussés ces lourds battant de bois qui s'ouvrent sur nos vies, sur des jours heureux comme des plus malheureux et ont passé sous les voûtes de pierre où résonnaient le sabots de chevaux hier et les talons des parisiennes aujourd'hui. Point de rencontre, lieux de passage, point de chute, elles ont été et restent sur le passage de bien des destinées...

"Sous la porte cochère, dans le noir, il attend.
Sa vie est aux enchères, alors il a le temps.
La rue, il la connaît. Marcher, et puis après ?
Où devrait-il aller ? Que devrait-il chercher ?

Les portes de la vie se ferment à chaque pas.
Un jour on a envie, un autre c’est l’effroi,
Devant tous ces visages aux sillons implacables
Qui s’attachent à l’image et vous jugent coupables.

Une erreur de jeunesse, un défaut de bon sens,
Une indélicatesse aux couleurs de nuisance,
Vous voilà recelé au rang de malfaiteur
Et bientôt condamné au rayon arpenteur.

Le ciel est votre toit, la rue votre salon,
Si chance vous échoit, vous découvrez un pont.
S’il fait humide et froid, vous avez vos cartons.
On réussit parfois, à dormir pour de bon.

Le pire, ce n’est pas d’avoir peur, d’avoir froid,
De traîner ça et là, sans savoir où on va.
C’est de voir dans les yeux des passants bien pensants
Un reflet dédaigneux, un éclair méprisant. 

Pourtant, quand un regard vous descend jusqu’au coeur
Qu’un sourire vous amarre à la rive douceur,
Quand une main se tend vers votre main glacée,
Que d’un mot on vous rend honneur et dignité,

Tout redevient possible et vivant et précieux
Et la porte invisible sous le toit des cieux
S’entrouvre doucement et peut donner des ailes
Au p’tit gars tout tremblant qui dort sur la margelle".

Sylvie.

Paris sur un piédestal : Sous les ors de l'Opéra, l'architecte "Napoléon III"...

p5190493.jpgSous les ors qu'il a instauré pour célébrer les arts et dont les noms parent désormais le fronton de ce qui reste "son" palais, trône, du côté ouest, celui qui fut une figure majeure de l'ubanisme parisien du XIXème sicèle, j'ai nommé le grand Charles Garnier. L'objet de cet article ne sera pas de faire un historique ou une explication de texte architecturale de l'opéra qui porte depuis son nom ; non, mais je dédie cet entrefilet à celui qui reste discret malgré le talent qu'on lui a, à juste titre, reconnu.
En contournant l'opéra du côté de la rue Scribe et de la rue des Mathurins, on croise sur notre chemin dans l'enceinte du bâtiment un piédestal celui qui fit du haut de la belle avenue de l'Opéra une des plus belles vues de Paris, mettant à l'honneur tant l'architecture que la culture au service des arts musicaux et chorégraphiques.
Je passe souvent devant M. Charles lorsque moi et mon vélo nous décidons de vivre Paris un peu autrement, sur deux roues et les cheveux (presque) aup5190487.jpg vent... Je longe toujours le flanc ouest du bâtiment et salue amicalement l'homme bien inspiré qui nous permet encore aujourd'hui de profiter des fastes de ce qu'il avait lui même qualifié en son temps de "style Napoléon III".

Et je dois dire que je ne suis pas la seule à saluer le monsieur de l'Opéra, oh que non, car bien qu'il se fasse discret, il voit tous les jours bon nombre de touristes s'attrouper et parfois même des cortèges défiler.  
Hissé sur un piédestal monumental, il admire la frénésie de ce quartier animé par l'ébullition permanente des grands magasins si proches. C'est par une souscription publique que l'on a pu faire ériger en 1903 ce petit monument à la gloire et à la reconnaissance de notre homme du jour,  
p5190494.jpgArborant une tignasse bouclée et une fine moustache, la cravate légèrement détachée, cet homme d'une grande intelligence, aux multiples talents nous apparaît ici bien fidèlement à ce qu'il était à l'époque de cet épique entreprise initiée par l'empereur, que représentait ce projet ambitieux mais surtout long et fastidieux. Entamé en 1862 l'opéra n'est achevé qu'en 1874 pour être inauguré le 5 janvier 1875.

Architecte connu, Charles Garnier est également un scientifique reconnu et fait montre d'une plume alerte et prolixe. Ainsi, il publie régulièrement des articles dans la presse artistique. Ses travaux d'écrivain sont officiellement appréciés au point de le faire entrer à l'Académie française en 1874 et à la Société des gens de lettres en 1881.
Outre cette activité intellectuelle intense, notre ami n'en délaisse pas pour autant sa vie sociale qui n'est pas moins riche. On dit de l'architecte qu'il est un homme chaleureux, altruiste, empathique et il compte de nombreux amis. Une ouverture d'esprit et une simplicité qui lui serviront notamment lors de l'inauguration de son chef d'oeuvre, lorsqu'il lui sera demandé de payer sa propre place.....Le menton relevé, prêt à faire face à un nouveau chantier d'envergure, comme il les appréciait. D'ailleurs dans quel chantier pharaonique s'imagine t il déjà oeuvrer ?
Si le piédestal élevant aux nues (enfin presque) M. Garnier est imposant, la p5190490.jpgreprésentation de l'architecte au fort caractère est quelque peu cantonnée à son unique buste. Mais pas n'importe lequel, un buste dorée mettant en valeur l'image d'un homme d'idée, d'innovations, d'ingénuosité, de défis mais aussi d'indépendance d'esprit et c'est bien ce dernier trait de caractère qui me semble transparaître le plus dans cette apparition rutilante sous le soleil parisien, sculpture que nous devons au grand Jean-Baptiste Carpeaux qui découpa dans la pierre ces apparitions toutes plus gracieuses et touchantes les unes que les autres qui font le succès et la beauté de la façade de l'Opéra. 

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L'homme est entouré de deux muses alanguies devant lui pour ses beaux yeux qui restent malgré tout bel et bien figés, totalement indifférents à ces deux apparitions dénudées et ostensiblement détournés de cette sensuelle raideur. 

Les deux donzelles en questions ne sont autres que Mesdemoiselles Etude et Renommée réalisées par le sculpteur Gabriel Jules Thomas.  
Au dessous, dans un esprit transpirant encore l'éclectisme du XIXème siècle, ont été apposées les armes de Paris (Garnier était parisien d'origine, mais nous devons ce flambant "Nec fluctuat mergitur" au fait que le mausolée soit une souscription publique), ainsi que le plan du Palais sur lequel veille désormais monsieur Charles Garnier...

Ô temps, suspends ton vol...

p5200495.jpgAvez vous déjà remarqué combien Paris peut compter d'horloges ? Du gros cadran de la gare de Lyon, à celui bleu nuit cerclé d'or du beffroi de St Germain l'Auxerrois, en passant par le discret mais bien présent cadran de notre hôtel de ville, l'image du temps qui passe ne peut nous échapper dans la capitale. Dans chaque quartier, sur bien des bâtiments publics comme privés, la fuite du temps est mis en avant et se rappelle encore et toujours à nous....comme si nous pouvions l'oublier... Alors ce soir il sera une nouvelle fois question de temps, celui là même qui permet à chacun qui sait attendre et qui sait prendre son temps justement, de tout voir venir à point, comme le disait justement Clément Marot.

Sur les façades anciennes comme modernes, les banques,les églises, sous les passages couverts et biendscn0528.jpg sûr les halls de gare, bien des architectes ont choisi d'inclure la notion de temps dans leurs réalisations, à l'image de l'énorme cadran du 61-63 de la rue Réaumur, où là tout n'est que référence au temps qui fuit, au temps qui passe, au temps qui ne sait pas marquer le pas. Et dans une ville comme Paris où tout va toujours très vite, il est encore plus difficile de ralentir la course du temps.....Et pourtant, pour(temps)....

Témoins de nos tranches de vie, des bons comme des mauvais moments, des réussites comme des ratés (qui peut oublier la date et l'heure d'un fait marquant et important), les cadrans jalonnent nos trajets pour invariablement se rappeler à nous.

dscn2626.jpgDes aiguilles ouvragées aux horloges administratives noires et blanches, sans âme et sans âge que l'on croise dans les rues de Paris, le temps se rappelle partout à notre bon souvenir.
Mais quelques fois, les cadrans se rebellent, nous jouent des tours, n’indiquant que des heures erronées pour mieux nous perturber dans notre organisation quotidienne. Le temps aurait il  donc de l'humour ? 

Oui, de temps en temps (tiens, voilà donc que le temps s'invite même dans monp5200498.jpg style rédactionnel....), ces mêmes cadrans prennent leur temps et retardent les heures, comme pour nous obliger à nous dépêcher encore un peu plus, ou bien ils prennent un peu d'avance, comme pour calmer notre hyperactivité et notre désir de ne pas perdre de temps, ce dernier qui finira malgré tout par nous rattraper.... Parfois, ils ont tout simplement cessé de fonctionner, auraient ils donc démissionné ? Préférant laisser à chacun sa propre liberté face au temps qui de toutes les façons continuera toujours sa fuite un peu plus en avant, cette grève des cadrans est un peu comme un arrêt dans cette ébullition des heures et des minutes pour éviter que tout ne finisse par s'évaporer... Et puis, de temps à autre, l'heure s'est tout simplement arrêtée, comme anesthésiée, à l'image de "l'heure pour tous" qui trône au coeur de la Cour du Havre. Tantôt encore, les cadrans se font doubles, comme dans la rue du Louvre, sous l'admirable voûte des bâtiments de la Poste, où, telles deux jumelles un peu pernicieuses, elles vous rappellent imperturbablement dans un quasi parfait alignement l'heure de la dernière levée pour votre courrier...
DSCN0381.jpgLe temps nous pousse parfois d'un pas mal assuré vers un futur qui n'est jamais certain et heureusement, un demain qui nous fait découvrir, les joies et les plaisirs comme les aléas et les imprévus sur lequel nous n'avons de toutes les façons aucun contrôle.
Que tirons nous de cette accumulation de rappels à l'ordre sur nos horaires quotidiens, personnels, souvent si formels ? Fort souvent du temps que nous consacrons sans doute à ce qui n'est pas si important, à des choses futiles alors que celles qui le sont moins et encore plus les êtres qui nous sont chers mériteraient sans doute davantage que nous leur accordions un peu de notre précieux temps. Car le temps a un défaut insurmontable, il emporte la vie et nous coupe de ceux dont l'existence à nos yeux ont du prix. Puissions nous prendre un peu plus conscienceIMG_1365.jpg que le temps emporte ceux que nous aimons, ceux auprès desquels la vie n'est pas un fardeau mais bien un cadeau. Il nous indique encore qu'à trop vouloir courir derrière lui, on ne voit plus le présent, cet instant à chérir pour ce qu'il a de meilleur à nous offrir....
Quand bien même le temps ne pourra jamais suspendre son vol comme l'aurait souhaité Lamartine, heureux serions nous si nous étions capable d'en profiter à sa juste valeur, au bon moment...
Attelons nous donc à faire de ce temps qui passe invariablement et qui permet un perpétuel renouvellement, une nouvelle chance à chaque instant, une accumulation de souvenirs, qui, lorsque le temps n'aura plus d'emprise sur nos vies qui s'achèveront alors, apporteront la certitude d'avoir mis à profit durant toute une vie la course du temps.
Voilà que pendant l'écriture de ce simple billet, les aiguilles n'ont cessé de tourner.....Espérons que pendant cette course elles m'auront aidé à vous apporter un agréable moment et ne vous aura pas fait perdre votre temps !

dscn2667.jpg"Ô temps ! Suspends ton vol, et vous, heures propices ! 
Suspendez votre cours : 
Laissez-nous savourer les rapides délices 
Des plus beaux de nos jours !
 
Assez de malheureux ici-bas vous implorent, 
Coulez, coulez pour eux ; 
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent, 
Oubliez les heureux.
 
Mais je demande en vain quelques moments encore, 
Le temps m’échappe et fuit ; 
Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l’aurore 
Va dissiper la nuit.
 
Aimons donc, aimons donc ! De l’heure fugitive, 
Hâtons-nous, jouissons ! 
L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ; 
Il coule, et nous passons"

Alphonse de Lamartine
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"Petits pieds de pierre sur piédestal"

p5170480.jpgDeux petits pieds de pierre sur un piédestal dans les allées vertes ceignant la place d'Italie. Le "Petit enfant nu" de Louis d'Ambrosio (1879-1946) réalisé en 1926 vient apporter un peu de douceur dans ce centre névralgique du sud est parisien, carrefour presque un peu brutal et source d'animations diverses et variées.

C'est donc dans les allées constituant le pourtour du rond point faisant le coeur de ce 13ème arrondissement que l'on trouve, caché pudiquement entre quelques arbustes et autres plantes vertes la statue d'un garçonnet qui se fait bien discret. Serait ce à cause de sa nudité que le sculpteur n'a pourtant pas occulté dans le titre de son oeuvre ?

Deux petits pieds de pierre bien innocents et un visage penché vers le sol, unep5170483.jpg expression figée dans la pierre exprimant un sentiment flou d'innocence et de candeur ponctué d'une douce mélancolie qui rien ne pourra désormais jamais atténuer ou modifier. La tête légèrement penchée sur un doigt soutenant son menton rond, l'enfant reste songeur perdu dans des idées qui ne semblent pas tout à fait lui appartenir, mais plutôt au sculpteur dont le ciseau a découpé dans la pierre des préoccupations presque adultes.
Une pose sage et posée, que vient pertuber un petit graffiti coquin laissé par un jeune artiste à l'humour potache, attribuant aux attributs du graçonnet que le temps semble avoir atrophié, une vigueur toute renouvelée.....Et pour ne pas laisser cet article dans la grivoiserie, je laisse les vers de Pierre de Marbeuf apporter un soupçon de poésie et de bons mots.

p5170481.jpg"Tu me dis que l’amour est toujours en enfance, 
Qu’il se plaît, comme enfant, à mille petits jeux, 
Et s’il blesse quelqu’un se jouant de ses feux, 
Que le mal qu’il lui fait vient de son ignorance.

Qu’aveugle est cet archer qui n’a pas connaissance 
Où frapperont ses traits qui sont si dangereux : 
Et si pour son sujet quelqu’un est malheureux, 
Tu m’assures que c’est une pure innocence.

S’il est vrai que l’amour ne t’est pas inconnu, 
Qu’il est un imbécile, et qu’il va toujours nu, 
Innocent, dépouillé de malice et de ruse :

N’ai-je point de raison, quand le mal que je sens 
Me fait dire, qu’Hérode aurait eu quelque excuse, 
S’il eut tué l’amour avec les Innocents".

Pierre de Marbeuf (1595-1645)

La piscine des briques aux Cailles

p5170472.jpgLe 13ème arrondissement fut l'objet d'une petite sortie en ce jour férié ensoleillé, avec pour objectif sportif en vue une petite escapade parisienne sur les bords du bassin de la piscine des "briques aux Cailles"....euh de la Butte aux Cailles,  située sur la place Paul Verlaine à l'issue de la rue Bobillot qui débouche directement sur la Place d'Italie. Une adresse bien connue des sportifs et amateurs d'histoire parisienne et qui m'est familière depuis la participation à un concours de dessin qui m'a permis il y a quelques années déjà, une première approche de ce curieux bâtiment à travers quelques coups de crayons, des aplats d'aquarelle et un prix....modestement gagné après quelques heures passées au soleil

p5170476.jpg à tenter de caputurer sur une page blanche les ondes ocres et rouges si caractéristiques de cette bâtisse de la fin de l'Art Nouveau.

Mais revenons un peu en arrière ; dès 1866, un puits artésien d'eau chaude est découvert dans ce quartier, justifiant la construction d'un établissement de bains-douches en 1909 puis d'une piscine. Ce second chantier entamé en 1922 est achevé en 1924, esquissant des lignes témoignant déjà des prémices d'un Art Déco qui ne saurait  plus tarder.....les voûtes et les angles acérés en étant la preuve comme par l'entremise de ce toit bas et des fenêtres en demi cercle donnant de plein pied sur la rue.
La présence en masse de briques rouges est un témoignage de l'utilisation assez rare en plein Paris de ce matériau. La palette de couleurs chaudes à l'intérieur comme à l'extérieure se découpe dans le ciel parisien et se mire dans l'eau... Avec ses trois bassins alimentés en permanence par une eau naturelle à 28° C issue des puits artésiens situés à plus de 580 m de profondeur, cette piscine présente des singularités qui font d'elle l'une des plus prisées de la capitale. Toutefois, même si le décorum et l'agencement intérieur, fidèles à l'époque de son installation, sont intéressantes, cette piscine n'est pas conseillée aux nageurs aficionados des configuations techniques d'un bassin sportif comme moi.... Parole de sirène !.....Néanmoins l'originalité architecturale vaut un petit détour "de courtoisie sportive parisienne"' et par là même d'un coup d'oeil culturel....

p5170477.jpgAh oui petit conseil d'une sirène, après votre bain n'oubliez pas de vous arrêter à une terrasse ensoleillée pour prendre un café et par la même occasion, apprendre-à prendre-le-temps-de-vivre......

Et comme il parait que mes articles sont bien meilleurs quand ils sont courts, je laisse le soin aux vers des poètes parisiens d'achever de façon originale cette petite promenade sur la Butte aux Cailles.....

Je suis un chasseur parisien
Et j’habite avec mon chien
Sur une colline sans semailles,
Là-haut sur la Butte aux Cailles.

Mais ici j’ai beau chercher,
Je ne trouve plus de gibier,
À part pigeons et moineaux,
Martinets et noirs corbeaux.

Très tôt levé, le matin
J’erre dans les rues, tout chagrin,
Sur la tête un vieux chapeau
À la recherche de perdreaux.

Mon fusil, ma gibecière,
Mes cartouches et ma visière
Ne me servent plus à rien
Dans le métropolitain.

Quand je pense à ma forêt,
À la cabane sous les futaies,
Et à mes bons potes chasseurs
Quand nous partions de bonne heure,

Avançant dans les fougères
Tout en humant le bon air,
Vêtus d’un treillis kaki,
À mille lieues de Paris !

C’est vrai, j’ai la nostalgie
D’être loin de mon maquis,
Et quand je passe par malheur
Devant « le Merle Moqueur »

Un petit bistro fréquenté
Par des écolos friqués,
Je fuis vers les Deux Moulins
Recherchant sur mon chemin

Tourterelles et passereaux,
Jolis faisans et gibiers d’eau.
Et dans les vignes, en automne,
De belles grives sauvageonnes,

Toutes saoules par le raisin,
S’offrent à moi, à mes copains.
Je me réveille dans le noir
Marchant seul sur le trottoir.

C’est sinistre pour un chasseur
D’être privé de son gibier
Et de vivre pour son malheur
Éloigné de sa forêt.

Je suis un chasseur parisien
En compagnie de mon chien
Habitant dans la grisaille
Là-haut, sur la Butte aux Cailles.

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Derrière les portes et les façades : "Où Mercure trône en en majesté"...

p5130447.jpgDepuis des années, je longe parfois la rue Bergère et comme tout le monde je passe devant l'imposante façade du n°14, dégoulinante du pompeux style pompier, cher à cette fin du XIXème siècle où les bouleversements successifs en tous genre empêchent de voir se distinguer un style plus qu'un autre, amenant ainsi à un curieux mélange artistique que l'on ne peut qualifier que des plus éclctiques. C'est donc de cette imposante bâtisse, mais néanmoins bien intéressante et ce à plus d'un titre, que je souhaite m'attarder aujourd'hui en consacrant un billet à ces quelques mètres de rue occupés par les locaux de la Banque Nationale de Paris. p5130448.jpg

Sous le regard impassible des cariatides qui posément font bonne figure sur le faite de l'établissement, de part et d'autre du clocheton rapellant que le temps c'est de l'argent et fixant un point imaginaire au loin dans la petite rue Rougemont qui monte vers les grands boulevards, il est impossible de ne pas être un peu interpellé par ce bâtiment qui a sa véritable histoire dans celle de Paris. Témoin non négligeable de l'architecture du XIXème siècle, le 14 de la rue Bergère reste un vestige de ce style architectural et décoratif que l'on retrouve à certaines adresses de la capitale. 
p5130450.jpgDétournons nous du cadran qui nous rappelle le temps qui passe et plongeons quelques instants le regard dans celui des allégories et de cette imposante figure qui garde l'entrée de l'établissement bancaire pour remonter le temps à l'époque où cette imposante façade est encore en chantier ...
A l'origine il s'agissait de l'immeuble de la CNEP (Comptoir National d'Escompte de Paris), l'ancêtre de la BNP....Au XIXème siècle le siège social de la CNEP est transféré au 14 de la rue Bergère, dans cet hôtel réalisé par Edouard Corroyer, ancien élève d'Eugène Viollet le Duc, qui pour ce faire se fait aider par de grands noms de l'époque : Aimé p5130453.jpgMillet pour la statuaire, Villeminot pour les ornements Charles Lameire et Gian Domenico pour les mosaïques représentant  avec finesse les cinq continents à l'extérieur ainsi qu' Edouard Didron pour les vitraux et Christofle pour les lanternes qui courent le long de la rue. Des noms qui laissent deviner le prestige que l'on veut alors conférer aux locaux de cette entreprise parisien.

En effet, si les volumes architecturaux sont imposants, le souci du détail et du raffinement intérieur prouvent que ce chantier était important pour les commanditaires qui souhaitaient sans doute faire de cette réalisation une vitrine de leur entreprise. La construction de l’hôtel du comptoir se déroule sur plusieurs décennies de 1851 date à laquelle la CNEP s'installe puis rachète le terrain pour p5130456.jpgengager les travaux de restructuration du bâtiment qu'elle occupe alors. Le chantier est un travail au long cours. En effet, le bâtiment tel qu'on le connait aujourd'hui est achevé en 1913, même si comme on peut le voir, l’architecte appose son estampille en 1882.....le temps que l'éclectisme puisse porter son nom glanant ainsi sur quelques décennies diverses caractristiques architecturales et artistiques.
Je ne m'attarderai qu'aux façades vermiculées et à l'extérieur du bâtiment mais sachez que l'intérieur (que je n'ai néanmoins pas visité) est parait il d'une grande beauté.
Apparaissant du haut de la petite rue Rougement (presque trop petite pour lui) le bâtiment se compose d'un ensemble architectural que j'ai qualifié en début d'article d’éclectique, et cela me semble être assez approprié.....référence à l'antique, mais aussi au classique et quelque part un peu au baroque également, tout y passe, les cariatides qui observe de part et d'autre d'un regard qui flirte entre l'ingénu et le candide, pour ne pas dire une certaine mièvrerie, le style pompier était assez fort pour ça, il faut bien le dire... 
Sous le clocheton et son cadran, quatre médaillons en mosaïque représentant les 5 continents s'alignent p5130454.jpgsur le fronton triangulaire. Des éléments décoratifs en veux tu en voilà surgissent de part et d'autre de l'ensemble qui reste néanmoins équilibré même si tout ne semble pas cohérent...la jolie couleur pâle de la pierre vient adoucir la statuaire principale un peu trop lourde représentée par les traits du dieu du Commerce, Mercure, que l'on reconnait facilement à sa couronne de laurier, le coq trenu dans la main  droite, et le caducée dans la main gauche. Le regard atone et vague propre à la statuaire figée dans l’éternité...... Les élégants "fluctuat" qui surgissent en haut des façades viennent rappeller discrètement l’origine parisienne de l’entreprise occupant les lieux.
Bref, ce bâtiment étonne et détonne dans cette petite rue tranquille. La majesté des volumes et le souci du détail contrastent presque avec le reste des immeubles.
En 2009 le bâtiment a subi quelques travaux de toilettage permettant de retrouver le faste et le décorum original. Après trois années de travaux le 14 est le premier immeuble réhabilité et inscrit a l'inventaire supplémentaire des monuments historiques à obtenir la certification Haute Qualité Environnementale (HQE), prouvant ainsi que l'on peut associer conservation du patrimoine et développement durable. Souhaitons que cet exemple soit suivi...
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