Fontaine

Histoire et Patrimoine : Quand le cimetière devient square... royal...

pb260172.jpgGuère éloigné de l'euphorie du "tout commercial" et des temples de notre société de consommation, j'ai nommé les grands magasins, se dresse dans son petit écrin de verdure du 29, rue Pasquier, ce qui fut le tombeau pendant 21 ans des derniers Bourbon, derniers souverains de l'ancien régime, Louis XVI et Marie Antoinette. 

Si j'évoque aujourd'hui ce lieu, témoignage de notre histoire nationale, c'est pour contribuer à faire un peu mieux connaitre ce bâtiment bien méconnu des parisiens eux mêmes, à l'image de ce vieux monsieur croisé hier au bord du square ceinturant la chapelle, me demandant quel était "ce bâtiment qu'on voyait là". J'ai répondu à cette oreille déjà bien âgée et bien dure qu'il s'agissait de la Chapelle expiatoire.... que le bonhomme, autochtone ou pas, semblait découvrir. Cette anecdote me pousse donc aujourd'hui à honorer ce bâtiment singulier, hommage de celui qu'on surnomma "roi des français" à son frère et sa belle soeur, tragiquement défunts, morts sous la vindicte populaire et l'aveuglement barbare de la Terreur. 

Les petites grilles du square poussées, nous voici dans les alléespb260169.jpg sablonnées pour remonter le passé... Au lendemain du régicide, les dépouilles royales sont inhumées dans le cimetière de la Madeleine (charnier révolutionnaire où on été enterrées beaucoup de victimes de la Terreur, dont Charlotte Corday), à l'emplacement de l'actuel espace vert. C'est louis XVIII, qui en 1816, décide de faire élever cette chapelle en mémoire des souverains. Il fait alors appel à Pierre-François Léonard Fontaine (à qui l'on doit également la réunion des Palais du Louvre et des Tuileries ainsi que l'arc de triomphe du Carrosuel et dont une rue de Pigalle porte désormais le nom) pour concrétiser ce projet. Un hommage, une reconnaissance assez atypique (dans une contexte historique assez atypique lui même), car en effet, la physionomie de bâtiment est assez originale. 

pb260171.jpgL'implantation du bâtiment en lui même est marqué par l'emplacement du corps de Louis XVI inhumé entre 1793 et 1815 contre le mur du cimetière coté rue d'Anjou. Contrairement aux autres édifices religieux catholiques, l'orientation est inversé avec l'autel situé vers le soleil couchant. Jusqu'au milieu du XIXème siècle, cet édifice était environné d'un paisible jardin, clos de hautes murailles auquel on accédait par un longue allée bordée d'ifs et de quelques saules.

Édifiée selon les principes néoclassiques, la chapelle est également inspirée de l'architecture du Moyen Age. Le bâtiment, quand bien même est officiellement dénommé "chapelle", donc à caractère religieux, prend presque les allures d'un bâtiment civil et dont l'architecture exalte le souvenir, dans une envolée au vocabulaire antiquisant. Fontaine parvient à donner l'impression que l'édifice est au centre d'un espace protégé et consacré ; sur un jardin élevé de deux mètres une cour d'honneur bordée de cénotaphes dédiés aux gardes suisses tués en 1792,pb260166.jpg lors de l'arrestation du roi, mène au fond à la chapelle. 
 Le plan est en croix grecque, les volumes équilibrés nés de la coupole et des demi-coupoles entourant le massif cubique adouci par le péristyle apportent calmes et sérénité. Les trois voûtes à caissons sont éclairées par un oculus, qui donne à cet endroit un éclairage particulier, rappellent directement celui du Panthéon. L'autel marque l'endroit précis de l'inhumation du roi.

L'ensemble achevé en 1826 est ainsi massif, carré, droit, presque militaire (le néoclassique napoléonien flotte encore dans les esprits marqués par les campagnes impériales), Mais la chapelle a également un message particulier à transmettre : l'architecture y est en effet "parlante" : elle doit toucher le fidèle et le faire progresser dans une ascension rituelle depuis la porte d'entrée et son vestibule jusqu'au maitre d'autel. L'endroit le plus sacré étant l'autel de la crypte, en forme de tombeau, situé à l'emplacement même où le corps de Louis XVI a été retrouvé en 1815. La simplicité des lignes s'oppose à la richesse des décors intérieurs : sur les murs extérieurs sont notament visibles une évocation du temps et la mort, avec notamment les sabliers gravés sur les façades et les couronnes de fleurs et de fruits ans lesquelles tronent les chiffres des défunts.
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La controverse nait en 1830 à  la fin de la Restauration, lorsque la révolution gronde de nouveau....et que l'on considère ce bâtiment comme un symbole ostensible de l'ancien régime. Plusieurs fois la chapelle est menacée de démolition, pourtant elle est sauvegardée, et le Second Empire la dote même de ce square qu'on baptisera du nom du défunt roi, étayant ainsi le côté commémoratif.

L'ensemble est classé monument historique en 1914 et chaque 21 janvier, une messe est dite en mémoire du roi guillotiné. le lieu de mémoire est aussi bien visité par les touristes que par les passionnés d'histoire et qu'un petit lot de royalistes dont les esquisses fleurdelisées illustrent le ivre d'or des visiteurs.

Sur le fronton de l'entrée, ont peut encore lire la commémoration expliquant la raison d'être de cette sépulture royale :

"Le roi Louis XVIII a élevé ce bâtiment pour consacrer le lieu où les dépouilles mortelles du roi louis XVI et de la reine Marie Antoinette, transférées le 21 janvier 1815 dans la sépulture royale de Saint Denis ont reposé pendant 21 ans. Il a été achevé la deuxième année de l'an de grâce 1826".

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Paris au fil de l'eau : Des fontaines...."ayant Dieu pour objet"

pb110029.jpgLe square de l'église de la Trinité connait depuis plusieurs années maintenant un remue ménage qui gâche une partie de ce lieu parisien propice au repos et à la tranquillité. Mais malgré les échafaudages et les grillages, mon apppareil a pu débusquer ce qui doit être l'objet de ce roman photos du jour, à savoir les fontaines de cette église, incontournable dans le paysage parisien.

J’avais en effet pour objectif de tenter d'apercevoir malgré ce rideaux métallique ajouré, la fontaines surplombant le square auquel elles apportent un peu de fraîcheur en été. Il ne sera donc pas question ce soir d'évoquer l'église en elle même, mais simplement cet élément architectural qui vient achever, que dis je, parachever la décoration foisonnante, que certains qualifieront certainement d'excessive, de cette église du Second Empire.

Les trois fontaines, tout comme l'église qui les surplombe, sont l'oeuvre de notre ami Théodore Ballu dont j'ai déjà parlé, une première fois pour évoquer son adresse personnelle, nichée non loin de l'oeuvre de sa vie, rue Blanche et une seconde fois à l'occasion des journées du patrimoine, en citant le Beffroi de l'église St Germain l'Auxerrois.pb110027.jpg

Mais revenons à nos fontaines.....elles se situent entre le parvis de l'église et le square qui sépare le lieu de culte de la rue, mettant ainsi comme un peu de distance entre l’agitation de la vie de la cité et le calme de la vie spirituelle qui règne sous l'édifice religieux. 

Et cette sérénité propre à tous les lieux de prière est bien gardé par les trois statues couronnant le bassin. Comme l'ensemble du bâtiment, les trois fontaines sont chargées de symbolique. Conçue en 1867, elles sont réalisées par les sculpteurs Duret, Lequesne et Alphand et représentent les trois vertus théologales (vertus "ayant Dieu pour objet"), à savoir la foi (disposition à croire en aux vérités révélées), la charité (l'amour de Dieu et de son prochain pour l'amour de dieu) et l’espérance (c'et à dire la disposition à espérer la Béatitude.

pb110026.jpgCes trois piliers de la foi chrétienne sont ici incarnés par un groupe composé d'une femme et de trois enfants, évoquant la charité et de deux anges évoquant la foi pour l'un et l'espérance pour l'autre. Situées dans l'axe des trois arcades en plein cintre, elles viennent achever harmonieusement l'ensemble, certes éclectiques, mais néanmoins équilibré.

La présence de ces trois statues correspondant à trois sorties d'eau vient respecter la symbolique du chiffre trois, correspondant au dogme de la Trinité, et omniprésent, forcément, de part et d'autre de cet édifice....Les fontaine sont donc au nombre de trois, composées de trois vasques d'où s'écoule par trois mascarons de bronze (pour la fontaine centrale), un jet d'eau venant finir sa course dans un large bassin. Il n'est guère étonnant de la part de Ballu compte tenu de son goût pour l’exubérance et la symbolique, d'avoir intégré ces trois fontaines au projet de l'église de la Trinitié, en effet, l'eau  est un élément important la foi catholique, qui marque le début de la vie chrétienne à travers l'eau du baptème.
Ce sont les mots de Charles Péguy qui termineront ce billet ce soir, évoquant ces trois mêmes vertus, de façon ici encore bien imagée.....
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Paris au fil de l'eau : "Le trèfle d'Aragon".. pour laisser une chance à l'Amour...

pa230115.jpgDans le jardin des Halles, aujourd'hui en pleine ébullition de restructuration et de modernisation, se trouve, nichée en contrebas, sous une allée suspendue, une des huit fontaines que compte cet espace vert parisien installé en 1984, espace urbain qui, depuis des décennies, semble en quête de son identité.....A travers une succession de portiques recouverts de végétation, d'arcades et de fontaines, cet espace de verdure et de pierre encadré de monuments remarquables fait du coeur de Paris, un intermède verdoyant et lieu d'échanges et de rencontres.

En parcourant récemment l'une des nombreuses traverses qui jalonnent le jardin des Halles, j'ai découvert la fontaine que j'appelle désormais "le trèfle d'Aragon" et que je fais aujourd'hui l'héroïne de ce bref roman photo du Paris "au fil de l'eau". Placée sous le patronage de "l'Allée Aragon", une allée bordée de roses (des fleurs chères au poète), il était difficile de la baptiser autrement...mais si rose il est question, pourquoi évoquer un trèfle ?

Simplement parce que dans la vasque chargée de recevoir l'eau s'écoulant d'un bec de bronze ouvragé, est dessiné un trèfle en mosaïque verte. Cette feuille déjà patinée par le temps et les caprices du ciel parisien m'a immédiatement évoqué la poésie et le romantisme de l'homme de lettres de notre XXème siècle bien mouvementé... Comment ne pas citer Aragon à travers l'évocation de cet édifice et ces quelques lignes qui suggèrent encore et toujours la fuite du temps.... Car aujourd'hui le trèfle est bien asséché, le cours de l'eau a définitivement cessé sa course et le temps semble comme avoir également marqué un arrêt, laissant les feuilles mortes recouvrir nonchalamment les carreaux de mosaïque clairsemés....pa230117.jpg

En s'arrêtant ne ce serait ce que quelques instants au pied des bosquets et des plates bandes fleuries, comment ne pas se remémorer la douceur et la mélancolie des vers du poète qui avait ouvert et offert son coeur à Elsa Triolet ? Et même si le "Trèfle d'Aragon" ne comporte que trois feuille et non quatre, je souhaite lire à travers ce dessin simple mais néanmoins poétique, le symbole d'une chance à venir : celle que chaque jour naissant apporte à chacun. 

Ce trèfle figé au fond de sa vasque vient presque faire écho à un vers du plus célèbre poème d'Aragon illustrant lui même parfaitement l'image (bien réelle) que je garderai de cette petite carte postale parisienne, celle de deux amoureux se retrouvant sur l'allée Aragon au milieu des roses et surplombant ce trèfle...en d'autres termes et comme le souligne la poète... laissons sa chance à l'Amour...

"Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre.
Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant.
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre.
Que serais-je sans toi que ce balbutiement.

J'ai tout appris de toi sur les choses humaines.
Et j'ai vu désormais le monde à ta façon.
J'ai tout appris de toi comme on boit aux fontaines
Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines.
Comme au passant qui chante, on reprend sa chanson.
J'ai tout appris de toi jusqu'au sens de frisson.

J'ai tout appris de toi pour ce qui me concerne.
Qu'il fait jour à midi, qu'un ciel peut être bleu
Que le bonheur n'est pas un quinquet de taverne.
Tu m'as pris par la main, dans cet enfer moderne
Où l'homme ne sait plus ce que c'est qu'être deux.
Tu m'as pris par la main comme un amant heureux.

Qui parle de bonheur a souvent les yeux tristes.
N'est-ce pas un sanglot que la déconvenue
Une corde brisée aux doigts du guitariste
Et pourtant je vous dis que le bonheur existe.
Ailleurs que dans le rêve, ailleurs que dans les nues.
Terre, terre, voici ses rades inconnues."
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