"Au chien qui fume"....tout un style, toute une image, toute une ambiance qui resteront encore quelque temps dans ma mémoire, car il marque, outre l'esprit du bistrot typiquement parisien, une de ces pages de la vie que l'on tourne parfois lentement, mais dont le bruit du papier imaginaire fixe dans votre esprit la fin d'un petit chapitre de votre histoire et en même temps (et surtout heureusement) le début d'un autre.....le "Chien qui fume" aura donc eu en ce samedi ensoleillé, cette simple mais positive vocation.
Mais plutôt que de relater mes états d'âme de parisienne, autant vous conter l'histoire de ce Chien pas tout à fait comme les autres. Fondé en 1740, ce restaurant au nom estampillé en lettres d'or sur de longs stores rouges, reste depuis cette date une table dont l'accueil et la convivialité sont aussi importantes que la consistance de l'intitulé du menu.
Située entre le Centre Pompidou et le Musée du Louvre, à la croisée de la rue St Honoré et de la rue du Pont Neuf, au pied du jardin du forum des Halles, cette adresse reste une référence dans l’histoire du bistrot parisien, où, derrière les deux portes à battants patinées par les multiples passages des garçons de café au long tablier blanc amidonné, le chien, dans tous ses états, y est roi. Pourtant si je n'en ai surpris aucun en train de fumer, la décoration kistch à souhait laisse néanmoins la fantaisie de l'imaginer....
Sur les murs recouverts de lambris et de peintures mettant en scène canins et autres toutous, entre bouquets de fleurs artificielles et sculptures de canidés en plâtre, se dressent les tables aux nappes damassées immaculées ainsi que des bancs capitonnés et des chaises cannées invitant ainsi dans la chaleur du velours rouge, le visiteur affamé par une promenade dans ce quartier parisien si bouillonnant d'activité, le poussant ainsi spontanément à consulter le menu, qui, que l'on soit touriste ou autochtone noctambule, sera toujours prêt à vous satisfaire, quelle que soit l'heure du jour ou de la nuit.
C'est donc sous les tentures cramoisi, au son des bavardages et entourés de compagnons à quatre pattes que j'ai arrêté, le temps d'un déjeuner, ma promenade avec Désiré. Mais plus que de stopper au sens propre le déroulement d'une journée, ce déjeuner a également permis, au sens figuré, de mettre un terme à un autre chemin, plus abstrait celui là.
Le sourire d'un maitre d'hotel, le son des voix parvenant des tables voisines, le regard figé des chiens observant les va-et-vient des serveurs et la bonne humeur des clients défilant, ont subitement mis en lumière la froideur, les sarcasmes et l'indifférence de mon vis à vis. Comme si les lampadaires aux boules opaques égayant la salle du restaurant éclairaient tout à coup le tableau de cette relation indéfinissable, m'apparaissant soudainement détestable.
En croisant pour la dernière fois le regard du garçon de café, aimable et accueillant (d'aucuns diront tout simplement professionnel...) et en quittant la horde de caniches, de fox terriers et de bassets en faïence, j'ai compris que le souvenir du narcissique Désiré s'évanouirait comme les volutes de fumée du "Chien qui fume"....