statue équestre

Paris à cheval : "Sur le chemin du Ciel, le cheval de la pucelle"...

p4080339.jpgEt revoilà la Jeanne.....
Pour reprendre l'épopée de mes articles dominicaux au son du fer à cheval des statues équestres parisienne, je n’ai pu résister à la tentation de reparler ici ce soir de notre Jeanne nationale. Il faut dire qu'elle m'inspire la Jeanne...par trois fois déjà je l'ai rencontré à travers mes billets. C'est d’ailleurs qui ouvrait cette promenade, en partant de la place des Pyramides, sous son habit entièrement tissé et cousu d'or, c'était il y a déjà un an...puis en plein été sur la pointe de de l'allée des cygnes, chevauchant presque les ondes de la Seine, Enfin marquant le pas sur la place st Augustin, l'oeil hésitant levé vers le ciel, dans une moue enfantine qui m'avait laissé bien songeuse.....Car à chaque statue, son sculpteur, à chaque artiste sa sensibilité, à chaque époque son interprétation de celle qui reste notre symbole national. 
Alors encore aujourd’hui, je vais reparler de celle qui a laissé derrière elle un parfump4080341.jpg de mystique mystère, de jeunesse éternelle, l'image de la pureté, pétrie (ou sculptée devrais je plutôt dire) de confiance et de courage. De la place St Augustin où je l'ai laissé l'épée brandie vers le ciel, je la retrouve, un peu plus haut vers les cieux justement, sur la butte Montmartre. Là où elle est placée elle surplombe ce Paris qu'elle a traversé pour bouter les anglais. On lui a fait prendre bien de la hauteur sur ce piédestal que sont les dômes du Sacré Coeur.
Oeuvre d'Hippolyte Lefebvre (à qui l'on doit également bon nombre d'éléments sculptés de la Basilique), elle est placée là, aux côtés de St Louis (dont je reparlerai bientôt), en 1927. Une place d'honneur qui permet ainsi de marquer la réhabilitation de ce personnage historique (peu de temps après sa canonisation qui a lieu quelques 7 p4080343.jpgans plus tôt) mais néanmoins bien longtemps après la fin des travaux de la Basilique. Car ce colossal chantier du Sacré coeur commencé en 1875 à l'initiative de Napoléon III ne finit qu'en 1914 pour être inauguré en 1919 sous la IIIème République, après le grand tournant de 1905.... Alors, hommage de l'Etat ou hommage de l'Eglise ? Ce n'est pas la Jeanne qui soufflera la réponse, mais qu'importe ceci n'est qu'un détail. 
Mais revenons plutôt à notre héroïne du jour. Juchée sur son destrier, tenant toujours son épée pointée vers le ciel, la jeune femme est casquée, le regard toujours perdu bien au loin. Nous ne sommes plus ici dans la représentation d'un personnage pris dans sa mission mais dans la commémoration historique et solennelle.

L'action n'est pas de mise, seule la représentation pour la représentation est sensible.img-2850.jpg Comme le montre d'une part un visage et des traits impassibles, une posture posée, et un geste machinal, mécanique paraissant un peu emprunté et ne reflétant pas la réalité historique qui voudrait probablement que notre héroïne nationale ait un peu plus de coeur et de ténacité dans son geste....Pensez donc... pour avoir fait ce qu'elle a fait de Domrémy à Rouen en passant par Paris et Orléans il fallait que la jeune fille ait un peu plus de personnalité que ce masque qui apparaît ainsi sous nos yeux aujourd'hui.

Elle semble figée dans le rôle qu'on lui a attribué, rôle subi mais non choisi. Et puis cette attitude froide et impartiale marque une distance entre elle, placée si haut et le commun des mortels que sont les passants, les promeneurs et les fidèles qui se pressent sur le parvis de la Basilique.  
p4080340.jpgRigide, masculine, froide, sans affect donc, presque sans personnalité et sans vie, c'est le ressenti que donne cette Jeanne d'Arc, ni vraiment guerrière et encore moins humaine. Aucune sensibilité ne se lit ici, à l'inverse du visage doré de la petite place des Pyramides, ou encore sur le visage candide et innocent que l'on trouve sur le place St Augustin.  Non, là pucelle de 18 ans est bien représentée comme un être presque vide.
S'il ne se dégage rien de particulier de cette oeuvre on note que c'est plutôt la guerrière qui a été représentée et non la femme, comme cela a pu être ailleurs. Et ce n'est pas l'oeil affable de sa monture qui adoucira les traits de cette jeune femme qui semble un peu se perdre dans l'horizon parisien. Les éléments qui font son accoutrement et celui de son cheval nous rappellent vaguement que cette figure historique est rattachée au moyen-âge et non au début du XXème siècle.img-2851.jpg

Pourtant, il me semble que le sculpteur nous laisse davantage l'image d'une jeune femme contemporaine que celle d'un personnage de la guerre de Cent ans. Cette iconographie et ces traits utilisés pour représenter notre demoiselle reflètent parfaitement le style décoratif et l'air ambiant de ces années 20 pendant lesquelles on la hissée si haut au dessus des toits de Paris. En effet, ces années dites "folles" durant lesquelles les femmes s'affranchissent de leurs cheveux longs et des robes pas plus courtes pour adopter un style plus masculin semblent se retrouver à travers cette représentation de Jeanne d'Arc ici totalement masculinisée. 
Mais comme je ne peux lire dans les yeux de cette représentation dénuée d'humanité, je redescend sur terre en dévalant les longs escaliers du Sacré Coeur, avant de poursuivre avec d'autres montures cette promenade parisienne à dos de cheval....

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Paris à cheval : Sur la place du Trocadéro, honneur, gloire et victoire.

img-3674.jpgLa statue équestre est décidément un vecteur privilégié pour rendre hommage aux héros de notre histoire...après la jeune fille de Domrémy les rois de France et les grands de ce monde, nous passons à une autre époque, un autre héros, une autre page de l'Histoire et de fait à un autre quartier parisien....

Au grand carrefour qui marque la place St Augustin, là où l'on a logé Jeanne d'Arc brandissant son épée, à la petite place louis Jouvet qui cache un petit rêve mythologique à travers les traits de Pégase et de Bellérophon, nous passons à un autre centre névralgique de la circulation parisienne (une animation moderne qui doit d'ailleurs amuser ces chevaux à jamais immobilisés dans le bronze),  puisque il s'agit ici d'évoquer à travers cette balade parisienne "à cheval", celui qui loge sur les hauteurs du rond point de la place du Trocadéro.
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Là, au centre du terre plein circulaire, très haut perché, juché sur un piédestal qui ne fait que refléter la grandeur et la bravoure de ce soldat au destin exceptionnel (48 ans de bons et loyaux services pour l'armée française tout de même, comprenant deux conflits importants à son palmarès...), se tient, droit dans ses étriers et le regard perdu très très loin derrière la tour Eiffel, le Maréchal Foch. Surplombant ce coin de la capitale, c'est un hommage militaire que l'on rend, sur concours en 1938, au commandant des armées françaises.

Ce sont les sculpteurs Wlérick et Martin qui se voient attribuer la tâche de donner une image du maréchal à la postérité. Une oeuvre réalisée à l'aube de la seconde guerre mondiale quand on cherchait déjà à installer dans Paris le devoir de mémoire. Et les années qui suivront donneront encore davantage d'occasion d'effecteur ce devoir de mémoire citoyen. Une sculpture qui sera suivie par bon nombre d'autres réalisations (plaques, statues...), servant ainsi à ne pas oublier ceux qui se sont donnés pour leur patrie, au péril de leur vie. 
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Une statue équestre de commémoration donc et tout l'indique. La rigidité voulue par les sculpteurs répond au socle dont les lignes droites et acérées correspondent tout à fait aussi bien à la nature de l'oeuvre militaire, mais aussi à l'époque (Art déco) durant laquelle cette statue a été réalisée. 

Le socle d'une sévérité et d'une austérité implacables, rend l'homme représenté d'autant plus distant qu'il est vraiment haut placé....sur ce socle de pierre seuls ont été rappelés l'identité du personnage, son titre de maréchal de France, de Grande Bretagne et de Pologne et ces sept étoiles illustrant son rang militaire.

Il ne s'agit donc pas là d'une oeuvre en tant qu'oeuvre d'art évidemment....je dois dire qu'il n'y a guère d'explication de texte, poétique, artistique ou littéraire à formuler avec cette réalisation des plus rigides et des moins personnelles, se devant être à portée universelle ; une reconnaissance militaire à un militaire....img-3680.jpg
Cette personnalité assez éloignée, dans notre mémoire comme dans la réalité (le voit on vraiment ce militaire si haut perché ? Lever la tête et tendre le regard vers au delà du piédestal de pierre n'est pas si aisé...) ne présente d'ailleurs guère de signes distinctifs excepté ce bâton de maréchal dans la main droite et ses moustahces. Si lointain, tant dans notre mémoire collective que dans dans le ciel parisien qu'il regarde d'un oeil presque morne et éteint ? Au point que les auteurs n'ont pas cherché non plus à s'attacher à la physionomie du personnage comme de sa monture. Les traits et le modelé ne sont guère appuyés et recherchés...

Cette représentation du maréchal sous les traits d'un vieil homme à la moustache bien soignée, le costume de militaire bien coupé et les décorations épinglées...de l'apparat que je vous disais...preuve qu'on est bien loin des sculptures romantiques, symbolique et poétique de la fin du XIXème siècle ou de l'art nouveau, mais dans la réalité de la modernité de notre XXème siècle tumultueux...

Paris à cheval : foulant le pavé et déjà en route vers le ciel...Pégase.

pa150034.jpgPégase, héros de bien des tribulations et épopées mythologiques ; Pégase, image fantastique d'un équidé surnaturel ; Pégase, le cheval doué de toutes les qualités au service du dieu des dieux : Zeus ; Pégase, l'ami et le fidèle compagnon d'aventure de Béllérophon.... Deux destins finalement opposés.

C'est de cet animal mythique dont il sera question ce soir, à travers une petite promenade dans un quartier tranquille de Paris, où il surgit, telle une apparition, les ailes déployées, prêt à s'envoler pour rejoindre le panthéon des dieux grecs, là où Zeus finira par le transformer en constellation et à le placer dans le ciel.

Dans une cour un peu retirée de l'animation du 9ème arrondissement qui en fait son écrin, non loin de "Bertie" précédemment évoqué, à savoir Edouard VII sur sa monture d'apparat trottant dans la cour et veillant sur le Théâtre qui porte son nom ; à deux pas du roi d'Angleterre donc, non pas trottant mais plutôt prêt à s'envoler dans sa mission épique, poétique et mythologique, Pégase monté par le jeune mais non moins ambitieux Bélléphoron.

Réalisé par Alexandre Falguière, celui là même à qui l'on doit le grand Balzac, tout vêtu de blanc qui trône à l'ombre des hôtels particuliers haussmannien sur l'avenue de Friedland, ce couple étrange fait de bronze attire un peu l'oeil du promeneur, dans cette cour où les parisiens passent, quand ils ne se retrouvent pas à une terrasse de café ou à gravir les marches du perron du théatre Louis Jouvet dont il marque presque l'entrée.

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Le regard tendu vers le ciel qu'ils espèrent sans doute rapidement rejoindre, les deux protagonistes figés dans la position qu'a voulu leur donner le sculpteur sont pourtant animés d'une véritable expression artistique, mais surtout d'une grande poésie : perdu au loin vers un idéal, une idée, un objectif, une quête, le jeune homme est tout occupé par la mission qu'on lui a confié : celle de vaincre les forces obscures de l'Iliade, alors que sa monture, dans une position en soi surnaturelle, semble braver tous les dangers que la terre peut encore lui réserver.

Si l'oeil de Pégase est vif et alerte, le regard de son cavalier est quand à lui davantage perdu dans sa quête. Laquelle d'ailleurs ? Il suffit de prendre le plus grand récit de mythologie grecque pour y trouver la réponse. C'est en effet l'Iliade qui nous conte les exploits de ce couple étrange : le roi Iobatès donne à Belléphoron l'ordre de tuer un monstre terrible, « lion par devant, serpent par derrière et chèvre entre les deux », capable de cracher le feu, j'ai nommé la Chimère. C'est donc cette créature étrange mais aussi les diaboliques Amazones et les non moins  cruelles Solymes qui incarnent le belliqueux objectif de notre couple immobile, figé dans sa position épique.

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Des combats qui font de nos deux protagonistes deux héros et des victoires qui rendent le jeune Bélléphoron un brin orgueilleux. Une suffisance qui finira par le perdre : s'estimant digne de rejoindre le séjour des Dieux, l'Olympe, avec son fidèle compagnon, le jeune homme, alors qu'il tentait de voler jusqu'au ciel et l'avait presque atteint, s'effraie en regardant la terre, tombe et meurt sur le coup (une version finale bien funeste qui diffère d'un auteur à l'autre...).

Une fin que le grand Horace interprète de la façon suivante : « Par un terrible exemple, Pégase, l'animal ailé qui ne pût supporter Bellérophon, son cavalier terrestre, t'enseigne à rechercher toujours des objets à ta mesure, et, tenant pour sacrilège d'espérer au-delà des limites permises, à éviter un compagnon mal assorti » et une morale dont l'essence et la portée ont été parfaitement traduites par Falguière à travers ce regard aussi ingénu que sûr de lui... Et si Bélléphoron était l'incarnation de l'adolescence, cette période mêlée de convictions et de peurs, d'envies et de réticences, cet âge où tout semble possible ?

Cette apparition ailée devant le théâtre Louis Jouvet peut en tout cas inspirer chacun de nos actes épiques et héroïques à l'échelle de nos petites vies...qui n'ont bien souvent rien de mythique mais que l'on peut à l'envie illustrer de poésie...

 

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