Paris à cheval

Paris à cheval : "Sur le chemin du Ciel, le cheval de la pucelle"...

p4080339.jpgEt revoilà la Jeanne.....
Pour reprendre l'épopée de mes articles dominicaux au son du fer à cheval des statues équestres parisienne, je n’ai pu résister à la tentation de reparler ici ce soir de notre Jeanne nationale. Il faut dire qu'elle m'inspire la Jeanne...par trois fois déjà je l'ai rencontré à travers mes billets. C'est d’ailleurs qui ouvrait cette promenade, en partant de la place des Pyramides, sous son habit entièrement tissé et cousu d'or, c'était il y a déjà un an...puis en plein été sur la pointe de de l'allée des cygnes, chevauchant presque les ondes de la Seine, Enfin marquant le pas sur la place st Augustin, l'oeil hésitant levé vers le ciel, dans une moue enfantine qui m'avait laissé bien songeuse.....Car à chaque statue, son sculpteur, à chaque artiste sa sensibilité, à chaque époque son interprétation de celle qui reste notre symbole national. 
Alors encore aujourd’hui, je vais reparler de celle qui a laissé derrière elle un parfump4080341.jpg de mystique mystère, de jeunesse éternelle, l'image de la pureté, pétrie (ou sculptée devrais je plutôt dire) de confiance et de courage. De la place St Augustin où je l'ai laissé l'épée brandie vers le ciel, je la retrouve, un peu plus haut vers les cieux justement, sur la butte Montmartre. Là où elle est placée elle surplombe ce Paris qu'elle a traversé pour bouter les anglais. On lui a fait prendre bien de la hauteur sur ce piédestal que sont les dômes du Sacré Coeur.
Oeuvre d'Hippolyte Lefebvre (à qui l'on doit également bon nombre d'éléments sculptés de la Basilique), elle est placée là, aux côtés de St Louis (dont je reparlerai bientôt), en 1927. Une place d'honneur qui permet ainsi de marquer la réhabilitation de ce personnage historique (peu de temps après sa canonisation qui a lieu quelques 7 p4080343.jpgans plus tôt) mais néanmoins bien longtemps après la fin des travaux de la Basilique. Car ce colossal chantier du Sacré coeur commencé en 1875 à l'initiative de Napoléon III ne finit qu'en 1914 pour être inauguré en 1919 sous la IIIème République, après le grand tournant de 1905.... Alors, hommage de l'Etat ou hommage de l'Eglise ? Ce n'est pas la Jeanne qui soufflera la réponse, mais qu'importe ceci n'est qu'un détail. 
Mais revenons plutôt à notre héroïne du jour. Juchée sur son destrier, tenant toujours son épée pointée vers le ciel, la jeune femme est casquée, le regard toujours perdu bien au loin. Nous ne sommes plus ici dans la représentation d'un personnage pris dans sa mission mais dans la commémoration historique et solennelle.

L'action n'est pas de mise, seule la représentation pour la représentation est sensible.img-2850.jpg Comme le montre d'une part un visage et des traits impassibles, une posture posée, et un geste machinal, mécanique paraissant un peu emprunté et ne reflétant pas la réalité historique qui voudrait probablement que notre héroïne nationale ait un peu plus de coeur et de ténacité dans son geste....Pensez donc... pour avoir fait ce qu'elle a fait de Domrémy à Rouen en passant par Paris et Orléans il fallait que la jeune fille ait un peu plus de personnalité que ce masque qui apparaît ainsi sous nos yeux aujourd'hui.

Elle semble figée dans le rôle qu'on lui a attribué, rôle subi mais non choisi. Et puis cette attitude froide et impartiale marque une distance entre elle, placée si haut et le commun des mortels que sont les passants, les promeneurs et les fidèles qui se pressent sur le parvis de la Basilique.  
p4080340.jpgRigide, masculine, froide, sans affect donc, presque sans personnalité et sans vie, c'est le ressenti que donne cette Jeanne d'Arc, ni vraiment guerrière et encore moins humaine. Aucune sensibilité ne se lit ici, à l'inverse du visage doré de la petite place des Pyramides, ou encore sur le visage candide et innocent que l'on trouve sur le place St Augustin.  Non, là pucelle de 18 ans est bien représentée comme un être presque vide.
S'il ne se dégage rien de particulier de cette oeuvre on note que c'est plutôt la guerrière qui a été représentée et non la femme, comme cela a pu être ailleurs. Et ce n'est pas l'oeil affable de sa monture qui adoucira les traits de cette jeune femme qui semble un peu se perdre dans l'horizon parisien. Les éléments qui font son accoutrement et celui de son cheval nous rappellent vaguement que cette figure historique est rattachée au moyen-âge et non au début du XXème siècle.img-2851.jpg

Pourtant, il me semble que le sculpteur nous laisse davantage l'image d'une jeune femme contemporaine que celle d'un personnage de la guerre de Cent ans. Cette iconographie et ces traits utilisés pour représenter notre demoiselle reflètent parfaitement le style décoratif et l'air ambiant de ces années 20 pendant lesquelles on la hissée si haut au dessus des toits de Paris. En effet, ces années dites "folles" durant lesquelles les femmes s'affranchissent de leurs cheveux longs et des robes pas plus courtes pour adopter un style plus masculin semblent se retrouver à travers cette représentation de Jeanne d'Arc ici totalement masculinisée. 
Mais comme je ne peux lire dans les yeux de cette représentation dénuée d'humanité, je redescend sur terre en dévalant les longs escaliers du Sacré Coeur, avant de poursuivre avec d'autres montures cette promenade parisienne à dos de cheval....

p4080342.jpg

Paris à cheval : Sur la place du Trocadéro, honneur, gloire et victoire.

img-3674.jpgLa statue équestre est décidément un vecteur privilégié pour rendre hommage aux héros de notre histoire...après la jeune fille de Domrémy les rois de France et les grands de ce monde, nous passons à une autre époque, un autre héros, une autre page de l'Histoire et de fait à un autre quartier parisien....

Au grand carrefour qui marque la place St Augustin, là où l'on a logé Jeanne d'Arc brandissant son épée, à la petite place louis Jouvet qui cache un petit rêve mythologique à travers les traits de Pégase et de Bellérophon, nous passons à un autre centre névralgique de la circulation parisienne (une animation moderne qui doit d'ailleurs amuser ces chevaux à jamais immobilisés dans le bronze),  puisque il s'agit ici d'évoquer à travers cette balade parisienne "à cheval", celui qui loge sur les hauteurs du rond point de la place du Trocadéro.
img-3679.jpg
Là, au centre du terre plein circulaire, très haut perché, juché sur un piédestal qui ne fait que refléter la grandeur et la bravoure de ce soldat au destin exceptionnel (48 ans de bons et loyaux services pour l'armée française tout de même, comprenant deux conflits importants à son palmarès...), se tient, droit dans ses étriers et le regard perdu très très loin derrière la tour Eiffel, le Maréchal Foch. Surplombant ce coin de la capitale, c'est un hommage militaire que l'on rend, sur concours en 1938, au commandant des armées françaises.

Ce sont les sculpteurs Wlérick et Martin qui se voient attribuer la tâche de donner une image du maréchal à la postérité. Une oeuvre réalisée à l'aube de la seconde guerre mondiale quand on cherchait déjà à installer dans Paris le devoir de mémoire. Et les années qui suivront donneront encore davantage d'occasion d'effecteur ce devoir de mémoire citoyen. Une sculpture qui sera suivie par bon nombre d'autres réalisations (plaques, statues...), servant ainsi à ne pas oublier ceux qui se sont donnés pour leur patrie, au péril de leur vie. 
img-3676.jpg
Une statue équestre de commémoration donc et tout l'indique. La rigidité voulue par les sculpteurs répond au socle dont les lignes droites et acérées correspondent tout à fait aussi bien à la nature de l'oeuvre militaire, mais aussi à l'époque (Art déco) durant laquelle cette statue a été réalisée. 

Le socle d'une sévérité et d'une austérité implacables, rend l'homme représenté d'autant plus distant qu'il est vraiment haut placé....sur ce socle de pierre seuls ont été rappelés l'identité du personnage, son titre de maréchal de France, de Grande Bretagne et de Pologne et ces sept étoiles illustrant son rang militaire.

Il ne s'agit donc pas là d'une oeuvre en tant qu'oeuvre d'art évidemment....je dois dire qu'il n'y a guère d'explication de texte, poétique, artistique ou littéraire à formuler avec cette réalisation des plus rigides et des moins personnelles, se devant être à portée universelle ; une reconnaissance militaire à un militaire....img-3680.jpg
Cette personnalité assez éloignée, dans notre mémoire comme dans la réalité (le voit on vraiment ce militaire si haut perché ? Lever la tête et tendre le regard vers au delà du piédestal de pierre n'est pas si aisé...) ne présente d'ailleurs guère de signes distinctifs excepté ce bâton de maréchal dans la main droite et ses moustahces. Si lointain, tant dans notre mémoire collective que dans dans le ciel parisien qu'il regarde d'un oeil presque morne et éteint ? Au point que les auteurs n'ont pas cherché non plus à s'attacher à la physionomie du personnage comme de sa monture. Les traits et le modelé ne sont guère appuyés et recherchés...

Cette représentation du maréchal sous les traits d'un vieil homme à la moustache bien soignée, le costume de militaire bien coupé et les décorations épinglées...de l'apparat que je vous disais...preuve qu'on est bien loin des sculptures romantiques, symbolique et poétique de la fin du XIXème siècle ou de l'art nouveau, mais dans la réalité de la modernité de notre XXème siècle tumultueux...

Paris à cheval : foulant le pavé et déjà en route vers le ciel...Pégase.

pa150034.jpgPégase, héros de bien des tribulations et épopées mythologiques ; Pégase, image fantastique d'un équidé surnaturel ; Pégase, le cheval doué de toutes les qualités au service du dieu des dieux : Zeus ; Pégase, l'ami et le fidèle compagnon d'aventure de Béllérophon.... Deux destins finalement opposés.

C'est de cet animal mythique dont il sera question ce soir, à travers une petite promenade dans un quartier tranquille de Paris, où il surgit, telle une apparition, les ailes déployées, prêt à s'envoler pour rejoindre le panthéon des dieux grecs, là où Zeus finira par le transformer en constellation et à le placer dans le ciel.

Dans une cour un peu retirée de l'animation du 9ème arrondissement qui en fait son écrin, non loin de "Bertie" précédemment évoqué, à savoir Edouard VII sur sa monture d'apparat trottant dans la cour et veillant sur le Théâtre qui porte son nom ; à deux pas du roi d'Angleterre donc, non pas trottant mais plutôt prêt à s'envoler dans sa mission épique, poétique et mythologique, Pégase monté par le jeune mais non moins ambitieux Bélléphoron.

Réalisé par Alexandre Falguière, celui là même à qui l'on doit le grand Balzac, tout vêtu de blanc qui trône à l'ombre des hôtels particuliers haussmannien sur l'avenue de Friedland, ce couple étrange fait de bronze attire un peu l'oeil du promeneur, dans cette cour où les parisiens passent, quand ils ne se retrouvent pas à une terrasse de café ou à gravir les marches du perron du théatre Louis Jouvet dont il marque presque l'entrée.

pa150037.jpg

Le regard tendu vers le ciel qu'ils espèrent sans doute rapidement rejoindre, les deux protagonistes figés dans la position qu'a voulu leur donner le sculpteur sont pourtant animés d'une véritable expression artistique, mais surtout d'une grande poésie : perdu au loin vers un idéal, une idée, un objectif, une quête, le jeune homme est tout occupé par la mission qu'on lui a confié : celle de vaincre les forces obscures de l'Iliade, alors que sa monture, dans une position en soi surnaturelle, semble braver tous les dangers que la terre peut encore lui réserver.

Si l'oeil de Pégase est vif et alerte, le regard de son cavalier est quand à lui davantage perdu dans sa quête. Laquelle d'ailleurs ? Il suffit de prendre le plus grand récit de mythologie grecque pour y trouver la réponse. C'est en effet l'Iliade qui nous conte les exploits de ce couple étrange : le roi Iobatès donne à Belléphoron l'ordre de tuer un monstre terrible, « lion par devant, serpent par derrière et chèvre entre les deux », capable de cracher le feu, j'ai nommé la Chimère. C'est donc cette créature étrange mais aussi les diaboliques Amazones et les non moins  cruelles Solymes qui incarnent le belliqueux objectif de notre couple immobile, figé dans sa position épique.

pa150038.jpg
Des combats qui font de nos deux protagonistes deux héros et des victoires qui rendent le jeune Bélléphoron un brin orgueilleux. Une suffisance qui finira par le perdre : s'estimant digne de rejoindre le séjour des Dieux, l'Olympe, avec son fidèle compagnon, le jeune homme, alors qu'il tentait de voler jusqu'au ciel et l'avait presque atteint, s'effraie en regardant la terre, tombe et meurt sur le coup (une version finale bien funeste qui diffère d'un auteur à l'autre...).

Une fin que le grand Horace interprète de la façon suivante : « Par un terrible exemple, Pégase, l'animal ailé qui ne pût supporter Bellérophon, son cavalier terrestre, t'enseigne à rechercher toujours des objets à ta mesure, et, tenant pour sacrilège d'espérer au-delà des limites permises, à éviter un compagnon mal assorti » et une morale dont l'essence et la portée ont été parfaitement traduites par Falguière à travers ce regard aussi ingénu que sûr de lui... Et si Bélléphoron était l'incarnation de l'adolescence, cette période mêlée de convictions et de peurs, d'envies et de réticences, cet âge où tout semble possible ?

Cette apparition ailée devant le théâtre Louis Jouvet peut en tout cas inspirer chacun de nos actes épiques et héroïques à l'échelle de nos petites vies...qui n'ont bien souvent rien de mythique mais que l'on peut à l'envie illustrer de poésie...

 

pa150031.jpg

Paris à cheval : A droite, l'épée pointée vers le ciel parisien...

"A l'âge de dix sept ans, j'entreprends de chasser les ennemis hors de France. Je fais lever le siège d'Orléans, détruits l'armée anglaise à Patay, conduits Charles VII (ce lâche...), à Reims, et le fait sacrer roi (j'aurais p'têtre pas du...). Blessée en voulant délivrer Paris (elle le méritait pourtant bien), je suis prise devant Compiègne et brûlée vive par les "english", à Rouen. J'avais dix neuf ans...Qui suis je ?"

Voilà qu'une plaque commémorative, ici détournée par mes soins, me sert de devinette introductrice flirtant avec humour et dérision.. Une entrée de jeu pas vraiment habituelle pour moi, mais pourquoi pas....Quoi qu'il en soit, vous aurez sans doute compris qu'il s'agira de nouveau ce soir, dans notre chevauchée parisienne, de Miss d'Arc. Non pas l'actrice blonde....mais bel et bien notre héroïne historique nationale. Car c'est bien encore elle, la pucelle d'Orléans, certes, mais ce n'est pas tout à fait la même ... et si "Paris vaut bien une messe", la bravoure et la personnalité de Jeanne d'Arc valent certainement bien quelques statues parisiennes ...
Je le reconnais, ce n'est pas la première fois que la donzelle de Domrémy vient s'inviter dans ce "roman-photos" dominical, parcouru à cheval...Après la petite place des Pyramides où elle brandit l'étendard sous une quasi mystique feuille d'or et "la France renaissante" sensée camoufler ses traits comme sa féminité (ce qui entre nous est un peu raté...), elle revient encore aujourd'hui, toujours accompagnée de sa monture, de son armure et de sa stature de libératrice de la France. Mais surtout de ce charisme qu'à chaque fois le sculpteur, choisi pour incarner ses traits, a su imaginer, avec plus ou moins de justesse et de perspicacité .
Au pied de Saint Augustin (comprenez là l'église...pas le saint directement...), au milieu de cette place du même nom dans le 8ème arrondissement, se trouve, une nouvelle fois, la sainte patronne de la France. Nous devons cette autre version de la jeune guerrière à Paul Dubois. Le sculpteur réalise un premier modèle en plâtre qu'il présente au Salon des artistes en 1889, dans le cadre d'une souscription publique lancée en 1888 par l'académie nationale de Reims. La représentation de notre Jeanne nationale ayant visiblement plu, l'Etat en commande alors un exemplaire de bronze qui est finalement installé à Strasbourg. Dubois réalise par la suite trois autres exemplaires à la cire perdue, dont un est érigé place Saint Augustin.
Outre le nom ainsi que les dates de naissance et de mort du personnage représenté, le socle de pierre comporte des inscriptions, dont une version (certes un peu moins décalée)  du texte  m'ayant servi d'introduction, correspondant à une volonté didactique, conforme à la politique éducative de l'Etat républicain de l'époque, soucieux de transmettre l'enseignement et les valeurs de notre histoire nationale. On ne parle pas bien sûr de l'Etat laïc (nous sommes en 1900), mais la séparation de l'Eglise et de l'Etat n'est tout de même plus très loin.
Difficile pour un sculpteur de se démarquer d'une autre interprétation de Jeanne d'Arc (pensez donc il existe environ 20 000 statues de notre héroïne ...),, pourtant il me semble que Dubois ait particulièrement bien réussi à se distinguer des quelques 19 996 autres pucelles de Domrémy qui peuplent la France...
Juchée sur son piédestal, la statue de bronze, dans un beau vert clair n'est pas très haute. L’héroïne, à califourchon sur son destrier, toute crinière au vent, tient son épée brandie vers le ciel. Le visage n'est pas vindicatif comme dans la "France renaissante" (peut être est ce d'ailleurs pour cette raison que la Commission chargée d'accepter les statues commémoratives a refusé le cadeau danois, ne reconnaissant pas dans les traits du personnage représenté la jeune libératrice). 
Casque, armure, cheval harnaché, épée, éperons, tout y est, c'est la guerrière qui est bel et bien représentée. Nous avons ici l'expression d'un personnage qui semble prêt au combat, à la guerre et pourtant....
Que signifie ce visage levé vers les cieux ? A l'écoute du Ciel (et le mot est bien pesé pour quelqu'un qui a entendu la voix divine...), attendant le signe ou le conseil d'un être suprême la guidant sur son chemin, Jeanne d'Arc parait ici, même si tout peut laisser penser le contraire, ne pas être vraiment de ce monde, encore moins dans celui de la guerre, dans lequel "on" l'a projetée.
Ce visage juvénile, empreint d'une pureté qu'on ne pourra pas lui retirer, indique bien que la jeune fille ne semble pas agir sous son propre chef, le cheval ne semble t-il pas presque plus décidé et plus vindicatif que sa cavalière ? Pour utiliser un langage figuré, on aurait presque l'impression que l'armure qu'on lui a donné est quasiment trop grande pour elle. Il y a un tel décalage entre le rôle attribué ainsi que les faits décrits sur le socle gravé et ce regard innocent, appuyé par une tête légèrement penchée de côté, qui évoque à lui seul une physionomie enfantine. Comment imaginer cette jeune demoiselle délivrant Paris ?
Et cette épée levée vers le Ciel, comme le signe que rien ne s'accomplit sans l'aval de ce dernier, indique bien une soumission à l'autorité divine, sans qui rien n'aurait été gagné.... Cette posture, cette attitude, la façon de monter sur ce cheval de combat et ce geste de la main, si novice, presque imprudent, montrent bien que la jeune fille n'était pas faite pour ce rôle de guerrière qu'elle a assumé, car dicté par un être divin...Quels seraient les soldats qui suivraient un tel chef de combat si ce dernier n'était pas habité par une force et une conviction inoxydables ? Voilà bien l'image d'une femme qui s'en remet totalement à celui qui la guide dans cette étrange mission.
D'ailleurs ce geste que l'on sent bien inexpérimenté est accompli par la main droite, un choix symbolique de la part du sculpteur ? peut-être bien, car, l'éthymologie du mot, comme toutes les références religieuses, indiquent bien que la gauche ("sinistra"), ne présage rien de bon, reste néfaste, voire impur et que la droite ("dextre"), annonce la droiture, la bravoure, la justice et la pureté. Ainsi, ce bras droit levé vers le ciel indiquerait il le signe de don de soi, mais aussi de pureté ? 
On peut en tout cas supposer un certain nombre de symboles à travers ce choix de l'artiste qui a ainsi fait de ce modèle, la seule représentation parisienne de Jeanne d'Arc tenant son arme du bras droit.
Décidément, en regardant bien cette statue, cette Jeanne d'Arc là n'a vraiment rien à voir avec les autres....Ah oui, j'allais presque oublier, ce n'est pas la dernière fois que l'on parle de mademoiselle d'Arc dans Paris...

Paris à cheval : Hommage équestre à notre "Robin des bois" parisien...

Comment faire un voyage dans l'histoire de France et dans l'histoire de Paris ? C'est très simple, en enfourchant un cheval ! Enfin presque....Il suffit néanmoins pour cela de trouver l'équidé qui correspond à la page du livre d'histoire dans laquelle souhaitez voyager....Ce soir en tout cas, celui qui nous permettra de remonter siècles et époques se trouve juste à côté de l'Hôtel de ville (vous comprendrez pourquoi d'ici la fin du voyage). Ce Bucéphal du Moyen-Age nous fait empreinter les couloirs du temps pour nous emmener dans le Paris de la guerre de Cent ans...J'entends déjà les fers sur les pavés et les cris des parisiens au passage du prévôt des marchands de Paris venant siéger aux Etats Généraux... Il s'agit bien sûr d'Etienne Marcel.

Nous sommes en pleine guerre de Cent ans et la jeune pucelle d'Orléans n'a pas encore fait acte de bravoure pour bouter les anglais hors du Royaume de France ; elle croisera pourtant les mêmes personnages que notre héros du jour, notamment un certain Dauphin Charles, mais aussi des hommes soumis comme des rebelles, des lâches, des traîtres et des héros comme en a compté (au même titre que d'autres) cette période trouble de l'histoire de notre pays. Célèbre opposant au pouvoir en place, Etienne Marcel, fils de riche bourgeois qui réussit à gravir les échelons du pouvoir jusqu'à devenir prévôt des marchands de Paris (lui permettant ainsi de contrôler tout le commerce parisien mais aussi de représenter une véritable force politique), exerce une réelle influence au cours des états généraux de 1355 à 1358, date à laquelle il est finalement assassiné.
La statue qui nous intéresse aujourd'hui est réalisée en 1880 et 1882 par le sculpteur Jean-Antoine-Marie Idrac et est inaugurée le 14 juillet 1888. Elle dresse le portrait d'Etienne Marcel lorsque celui ci devient un mythe républicain, sous cette IIIème république qui recherche dans l'histoire nationale des chantres de la liberté et de la nation (d'où l'image récurrente de Jeanne d'Arc ou de Charlemagne, précédemment évoqués). Cette démarche républicaine reflète d'ailleurs parfaitement cette ambiance d'héroïsme romantique que cherche à promouvoir la IIIè République en exhumant ses héros parisiens des livres d’histoire et que l'on se plait à représenter en cette fin de XIXème siècle. Epoque qui a, elle aussi, connu ses troubles politiques et sociaux.
Il est vrai qu'à l'aune des bouleversements du XIXème siècle, Etienne Marcel incarne le parfait révolutionnaire, le destructeur de l'ordre établi, même si, il faut le reconnaître, le contexte politique et économique de son temps lui a pas mal favorisé la tâche... Mais si le romantisme du XIXème siècle a fait de ce bourgeois défenseur des petits artisans un héros, une image du vrai contre pouvoir, il faut également lui reconnaître un réel statut de visionnaire, un "démocrate" avant l'heure.
Mais revenons à notre cheval : la monture est apprêtée pour un homme de rang, ou tout au moins d'argent. C'est une bête de selle en tenue d’apparat que l'on a attribué ainsi au défenseur des petits commerçants moyen-âgeux. La stature, la posture, le geste et cet arnachement montrent qu'en plus d'être nanti, Etienne Marcel avait l'étoffe d'un chef de file, d'un chef de combat. 
Notre héros, dans une tenue qui évoque des relents du style "Troubadour" (que l'on apprécie tant au XIXème siècle et qui cintribue pleinement à donner ainsi à notre homme son caractère romanesque), tient dans sa main droite, outre une épée, un parchemin (où sont peut être inscrits les revendications des Etats Généraux, à moins que ce ne soit l'ordonnance de ré-formation visant à amenuiser le pouvoir royal, rédigée en 1357 ?). L'épée qui l'accompagne n'est pas anodine non plus, elle marque le symbole du combat, le prix du sang versé des maréchaux de Champagne et de Normandie, conseillers du Prince Charles éxécutés... Un meurtre commandité par Etienne Marcel et qui marque un tournant dans la vie publique de notre bonhomme. 
Le regard que le sculpteur a voulu donner à ce dernier dans cette interprétation romanesque marque un caractère, bien trempé certes qui fait toute la personnalité d'un héros courageux et visionnaire, mais également orgueilleux...car Etienne Marcel n'a pas craint de sacrifier la paix publique aux intérêts de sa personne et de son orgueil mais également de faire courir à la France les risques d'une guerre civile (entre une démocratie parisienne dont il était à la tête et royauté soutenue par les provinces), provoquée par rébellions diverses, petits meurtres et trahisons, sur fond de conflit avec l’Angleterre.
Ces actes de bravoure, ces idées inspirées pour une répartition du pouvoir plus juste et un équilibre entre les couches sociales se retrouvent dans ce regard, droit, intangible, où l'on sent également une colère et une révolte sous-jacentes qui peuvent aussi laisser présager une fin tragique à notre visionnaire...
Si la personnalité et les idées d’Étienne Marcel n'ont pas réussit à séduire et à changer véritablement le cours de l’histoire de France, elles ont toutefois permis à la capitale d'écrire une page épique de son histoire et de lui fournir son héros.... D'ailleurs, la ville de Paris a depuis dédié à cette personnalité devenue presque légendaire, ce "Robin des bois parisien" une rue du second arrondissement, une station de métro et cette statue de bronze qui surplombe la Seine, vers le Sud, tout près du pouvoir parisien : l'hôtel de ville, quelle plus belle place pouvait on lui accorder ?

Paris à cheval : Place d'Iéna, Georges Washington nous fait revivre "l'aventure américaine"..

Un drôle de titre me direz vous pour évoquer une statue équestre parisienne... Oui et non.....L'aventure américaine pour évoquer la place d'Iéna ? Et bien oui ! Il s'agira en effet ce soir d'évoquer la statue du grand Georges Washington, le père fondateur des Etats Unis, qui a d’ailleurs bien sa place (!) sur une de nos plus belle place parisienne...Et ce à plus d'un titre, pourquoi ? Suivez le guide...

L'ensemble de bronze occupe donc le terre-plein ovale, faisant par là même office de rond point de ce quartier chic de Paris, tournant le dos à l'avenue du Président Wilson et surplombant l'avenue Pierre 1er de Serbie. Réalisée en 1900 par l'artiste américain Daniel Chester French (forcément...), cette statue équestre juchée sur un piédestal de pierre est un hommage commémoratif, car comme l'indique une mention gravée sur l'un des côté de son socle, elle est offerte par un comité de femmes américaines de la haute société. Mais ce cadeau, signe d'amitié entre les deux nations, ne constitue qu'un lien supplémentaire entre les deux rives de l'Atlantique, entre le premier président américain dont les origines et l'action restent liées à la France et donc indirectement à ce coin de la capitale.

En effet, Georges Washington descend en droite ligne du premier émigré français en Virginie, un huguenot originaire de l'Ile de Ré, Nicolas Martiau, qui débarqua du "Francis Bonaventure" en mai 1620, soit cinq mois avant l'arrivée du célèbre "Mayflower"....voilà le premier lien avec la France...

Et puis, celui qui reste un peu l'effigie des Etats Unis (ne serait ce que sur le billet vert du symbolique "one dollar"...), et qui a mené la guerre d'indépendance américaine avait pour soutien efficace un certain Général Lafayette, notamment connu pour avoir brillé durant cette période trouble, outre Atlantique. Les deux hommes ayant noué des liens plus que politiques puisqu'ils étaient devenus véritablement amis. Voilà le deuxième lien important avec notre beau pays (un lien que l'on fut bien heureux de se remémorer le jour on l'on entendit le devenu célèbre "Lafayette nous voilà"....mais je m'égare encore dans mes pages d'histoires, revenons à notre cheval de bronze ....) Ainsi sont déjà les trois bonnes raisons d'accueillir cette figure de l'histoire américaine sur notre terre parisienne....

Mais pour ne pas faire de cette page un extrait de livre d'histoire,  je vais m'en tenir à cette référence historique et à présent évoquer cet édifice que nous avons hérité de cette amitié franco-américaine.

Le cheval marche au pas, tête baissée, pour mieux faire ressortir le port altier et victorieux de son illustre cavalier. Ce dernier, la tête haute, tient fermement en l'air de sa main droite un sabre levé. Le geste pas nécessairement  caractéristique d'un grand épéiste...mais néanmoins celle d'un grand meneur d'hommes et de commandant. Ces mêmes fonctions qu'on a spontanément et légitimement attribué à Washington et dont il semble plutôt fier conscient sur cette représentation à jamais figée... des qualités qui ont permis la victoire et l'indépendance d'un pays face à la métropole britannique.

Une stature de bronze qui reflète donc fidèlement celle que cet habile général avait naturellement. Ses contemporains le qualifiaient de "grand, noblement fait et très bien proportionné, à la physionomie douce et ouverte, d'un abord froid presque poli, à l'oeil pensif et au regard doux, noble et assuré".....des traits qui se lisent sur ce visage impassible et immuable, coulé dans le matériau...mais plus que le bronze, il s'agit ici aussi d'une personnalité coulée dans une autre matière, celle de la grande Histoire....Ces traits de caractère se lisent sur cette représentation comme sur tous les portraits que les artistes ont pu faire de lui.

A ces diverses qualités on lui attribue aussi "l'âme, le regard et la taille d'un héros. Né pour commander il ne parai jamais embarrassé des hommages qu'on lui rend"....alors de là où il est notre ami américain doit rester bien stoïque devant notre reconnaissance parisienne....

Cette statue m’apparaît en tout cas être LA statue commémorative par excellence, il n'y a pas d'envolée lyrique, pas de caractéristiques  particulière, hormis cette provenance gravée sur le piédestal. L'homme est droit dans ses étriers, le geste est clair, le regard est vide, le cheval ne bronche pas mais sa tête est d'une grande beauté. Ce détail m'a frappé car pour avoir déjà photographié quelques uns de ses congénères parisiens qui supportent nos grands hommes ils ne sont pas tous dignes de grandes écuries...Comme son maître, son oeil est pensif...Excepté ce sabre conquérant...(et vainqueur !) et ce tricorne presque porté de façon protocolaire, il n'y a pas d'éléments particulier qui définisse notre homme...hormis peut être cette perruque qui rappelle la mode de son époque. Ce détail vient d'ailleurs étayer la légende populaire qui raconte que Washington portait la perruque....les historiens rétorquent le contraire en expliquant qu'il se poudrait les cheveux, qui étaient parait il roux...mais ça le bronze ne le montre pas...

Voilà comment en tournant autour d'un rond point parisien (autrement qu'en fonçant en scooter ou en voiture) on peut voyager dans le temps et faire un (tout petit) saut outre Atlantique.....

Paris à cheval : Sous la "France renaissante", une jeune guerrière...

Oui il s'agira d'une renaissance ce soir dans cet article néanmoins placé sous le signe du cheval puisqu'une statue équestre sera donc ici évoquée, et pas n'importe laquelle. Je n'évoquerai en effet ni roi, ni empereur, ni héros, mais tout simplement une allégorie de notre pays, qui marque notre histoire moderne, celle de la "France renaissante". Symbole d'un pays qui sort triomphant de la bataille livrée à l'ennemi, symbole d'un pays qui garde son identité et sa liberté et qui renait de ses cendres.

Allégorie donc, située au centre du pont Bir Hakeim (charnière entre les 15ème et 16ème arrondissement), évoqué pas plus tard que dans l'un de mes derniers billets, sur un terre plein circulaire qui termine, en amont, l'allée des Cygnes. Face à la Seine, tournant le dos au viaduc, la statue semble presque prendre son envol..... Exécutée en 1930 par le sculpteur danois Holger Wenderkinch elle est offerte à la ville de Paris par la communauté danoise.
Alors qu'elle était censée représenter Jeanne d'Arc, sainte patronne de la France, la statue déplaît à la commission chargée de valider les édifices commémoratifs publics, qui ne reconnait pas dans les traits et la posture guerrière du personnage représenté l'image traditionnelle véhiculée par la pucelle d'Orléans. Pour éviter tout incident diplomatique avec le Danemark, il est finalement décidé de la rebaptiser "la France renaissante", de manière à lui retirer sa portée commémorative pour ne lui donner qu'un rôle décoratif (la commission n'ayant à donner son aval uniquement pour les éléments de commémoration). Elle est finalement installée en 1958.
Cet sculpture équestre représente donc un guerrier (à défaut d'une Jeanne d'Arc, je dirai guerrier mais le personnage m’apparaît plutôt androgyne, voire féminin...), sur son cheval, brandissant d'un bras une longue épée tendue vers l'avant, en plein assaut, de l'autre un étendard, tendis que le cheval est au galop.Si la statue a été dénigrée, la référence à Jeanne d'Arc est pourtant bien criante et relativement fidèle il me semble à l'image que l'on peut se faire de cette jeune femme qui était bel et bien une guerrière.....son armure (féminine !), mais aussi son étendard, son épée, et plus subtilement son auréole. Tout dans cette sculpture transpire l'allégorie et un grand lyrisme. Une vraie fusion semble régner entre le cavalier et sa monture, ils ne font presque plus qu'un dans l'élan de l'assaut, qui semble instinctivement, déjà victorieux....
Cette fusion se perçoit entre les deux éléments principaux, les deux protagonistes semblent en réalité ne plus faire qu'un (il faut dire qu'un cavalier sans sa monture ne gagne rien...), le corps du cavalier semble épouser la lignes et les formes de son cheval, pour à certains endroits, se confondre comme par exemple au niveau de sa jambe gauche.
L'artiste a sensiblement eu le souci de la symétrie qui contribue à l'équilibre et à la dynamique de l'ensemble. Le bras et le sabre tendus sont parallèles à la tête du cheval tendis qu'à l'autre extrémité de la statue, c'est l'étendard et la croupe de la monture qui sont en osmose, comme une réponse harmonieuse avec l'avant du groupe. De même à la base de l'édifice, le mouvement du galop apporte autant de symétrie qu'en l'air, ce que n'aurait pas évoqué un trot ou une marche au pas.
Le mouvement est intégralement tourné vers l'avant et surtout en quête de hauteur, la tête du cheval semble apporter à lui seul le signe d'une victoire et d'une renaissance que vient encore accentuer la représentation de la bête au galop. Par cette dynamique empreinte d'une grande fluidité cette statue semble presque avoir été faite pour cet emplacement précisément du fait de sa couleur vert d'eau qui fait presque écho à la Seine (même si cette dernière ne fait pas état d'une grande pureté....), mais aussi des lignes sinueuses qui m'évoquent instinctivement l'onde, une conquête presque fluviale, un emplacement pour un grand destin, une renaissance... 
Il ressort également une grande pureté qui correspond au personnage initialement représenté, mais aussi à l'idée que l'on peut se faire d'une naissance et donc d'une renaissance....cette pureté se traduit par les lignes, le mouvement et les volumes donnés à cet édifice.
Il est bien dommage que cette statue ne soit pas plus mise en valeur et ne soit pas plus connue, car elle mérite un intérêt, tant sur le plan artistique, que symbolique et même politique.....c'était à l’origine un cadeau...

Paris à cheval : Don Quichotte a trouvé ses moulins place Laurent Herr...

Ce soir il sera question d'une statue équestre un peu particulière.....une petite statue peu connue, dans un coin un peu à l'écart de l'animation du 5ème dans lequel elle est placée. Dans le petit jardin de la place Laurent Herr, à quelques dizaines de mètres à peine de la rue Mouffetard et de son ébulition en tout genre, sur un piedestal en pierre, à hauteur d'homme, se cabre une drôle d'apparition. Un statue équestre d'inspiration cubiste, sur laquelle est juché un cavalier.

Il m'est spontanément venue à l'esprit le personnage de Don Quichotte pourquoi, je ne sais pas vraiment...mais c'est en mémoire de cet aventurier touchant d'humanité et teinté d'un brin de romantisme que je souhaite rédiger ces quelques lignes en imaginant que c'est notre aventurier au grand coeur qui se dresse fièrement sur la place Laurent Herr.

Don Quichotte de la Manche est un personnage imaginaire tout droit sorti du roman à succès de Miguel de Cervantès : El Ingenioso Hidalgo Don Quijote de la Mancha. Ce roman a été publié en deux volumes, le premier en 1605 et le second en 1615.

Ce roman retrace les voyages et les aventures de Don Quichotte et Sancho Panza. Don Quichotte est un Hidalgo (gentilhomme de la noblesse) obsédé par la chevalerie et Sancho Panza, un paysan obsédé par la nourriture, est son écuyer. Le premier est un chevalier errant et illuminé qui part combattre le mal à travers l’Espagne sur son cheval : Rossinante. Le second, tout en se remplissant la panse, sait que son maître est fou mais décide de l’aider à protéger les opprimés et à retrouver sa Dulcinée.

Il faut dire que cette vision de Rossinante est assez approximative et la taille de l'oeuvre semble refléter les ambitons de notre héros (malgré lui ?...). Quelques angles, des lignes plutôt abruptes mais l'idée de l'équidé est là. Pour achever cette parenthèse "Cervantesque", voici un des extraits les plus célèbres de cette oeuvre à portée universellement et intemporellement symbolique.

"Là-dessus ils découvrirent trente ou quarante moulins à vent qu'il y a en cette plaine, et, dès que don Quichotte les vit, il dit à son écuyer: "La fortune conduit nos affaires mieux que nous n'eussions su désirer, car voilà, ami Sancho Pança, où se découvrent trente ou quelque peu plus de démesurés géants, avec lesquels je pense avoir combat et leur ôter la vie à tous, et de leurs dépouilles nous commencerons à nous enrichir : car c'est ici une bonne guerre, et c'est faire grand service à Dieu d'ôter une si mauvaise semence de dessus la face de la terre. —Quels géants ? dit Sancho. — Ceux que tu vois là, répondit son maître, aux longs bras, et d'aucuns les ont quelquefois de deux lieues. —Regardez, monsieur, répondit Sancho, que ceux qui paraissent là ne sont pas des géants, mais des moulins à vent et ce qui semble des bras sont les ailes, lesquelles, tournées par le vent, font mouvoir la pierre du moulin. —II paraît bien, répondit don Quichotte, que tu n'es pas fort versé en ce qui est des aventures : ce sont des géants, et, si tu as peur, ôte-toi de là et te mets en oraison, tandis que je vais entrer avec eux en une furieuse et inégale bataille. " Et, disant cela, il donna des éperons à son cheval Rossinante, sans s'amuser aux cris que son écuyer Sancho faisait, l'avertissant que sans aucun doute c'étaient des moulins à vent, et non pas des géants, qu'il allait attaquer. Mais il était tellement aheurté à cela que c'etaient des géants qu'il n'entendait pas les cris de son écuyer Sancho, ni ne s'apercevait pas de ce que c'était, encore qu'il en fut bien près, au contraire, il disait à haute voix : "Ne fuyez pas couardes et viles créatures, car c'est un seul chevalier qui vous attaque." Sur cela il se leva un peu de vent et les grandes ailes de ces moulins commencèrent à se mouvoir, ce que voyant don Quichotte, il dit: " Vous pourriez mouvoir pllus de bras que ceux du géant Briarée: vous allez me le payer " Et, disant cela, il se recommanda de tout son coeur a sa dame Dulcinée, lui demandant qu'elle le secourut en ce danger, puis, bien couvert de sa rondache, et la lance en l'arrêt, il accourut, au grand galop de Rossinante, donner dans le premier moulin qui était devant lui, et lui porta un coup de lance en l'aile : le vent la fit tourner avec une telle violence qu'elle mit la lance en pièces, emmenant apres soi le cheval et le chevalier, qui s'en furent rouler un bon espace parmi la plaine".

Paris à cheval : Epopée classique au Cirque d'hiver...

 Il y a quelques mois j'évoquais le cirque d'hiver pour l'ensemble de son bâtiment, son histoire et sa place dans Paris, si j'y reviens aujourd'hui c'est simplement pour évoquer un détail de décoration qui rentre dans ma promenade dominicale à quatre pattes ou plutôt huit...Car ce sont en effet des deux chevaux qui surplombent l'entrée de la salle de spectacle dont il s'agira ici.

Si deux montures encadrent l'entrée du cirque, ce n'est pas par hasard, puisque la vocation première de ce lieu de divertissement était l'art équestre (d'où ce répertoire décoratif), il fut néanmoins un temps utilisé pour promouvoir les débuts du cinéma pour ensuite revenir aux activités de spectacle vivant, au cours du XXème siècle. Egalement loué pour diverses manifestations de variétés, il revient définitivement au domaine du cirque en 1999. 

A l'heure des grands travaux parisiens, le Cirque d'Hiver est construit en 1852 par Jacques Ignace Hittorff
à la commande de Louis Dejean, déjà propriétaire du Cirque d'Eté (aujourd'hui disparu, il se situait à l'emplacement de l'actuelle rue du Cirque (8ème)). Il est construit dans la rue Amelot  qui longe le boulevard Beaumarchais, reliant la Place de la République à la Place de la Bastille.  Les bas reliefs sont directement issus du registre néoclassique de James Pradier, et les deux statues équestres sont ont été réalisées par les sculpteurs Duret et Bosio.  

Le bâtiment est tout d'abord baptisé "Cirque Napoléon"du nom du Prince qui l'inaugure le 11 décembre 1852, puis"Cirque National" en 1907, pour adopter son nom actuel en 1973. De forme polygonale (20 pans précisément), il peut contenir jusqu'à 5000 personnes, toutefois, lees normes de sécurité actuelles en restreignent l'entrée à 1650 spectateurs aujourd'hui.  Il est classé au registre des monuments historiques depuis 1975. Le bâtiment a fait l'objet d'une récente rénovation en 2007 permettant notamment un rafraîchissement des façades.

Mais penchons nous un peu plus sur ces deux cavaliers que l'on doit aux sculpteurs Duret et Bosio, chefs de file du style néo classique alors très en vogue au début du XIXème siècle. Les deux artistes se sont ici véritablement attachés à rendre l'animal dans sa réalité et dans le mouvement : ainsi l'anatomie a été véritablement étudiée par les artistes, les muscles saillants, les nerfs et les tendons le montrent et rappellent combien les artistes de cette époque travaillaient l'académie.
 
C'est par ce souci de véracité que nous sont transmises, la fougue, la nervosité, la réactivité de l'animal. Cette "animation naturelle" est retenue et encadrée par la placidité et par le flegme de leurs cavaliers qui restent égaux à eux mêmes,le regard perdu dans le vide, alors que leurs montures semblent être quant à elles dans une certaine frénésie et une impatience non dissimulée.

Une jeune femme à gauche, un jeune homme à droite, ces deux cavaliers sont parés de vêtements et d'accessoires rappelant les combats antiques : casques, armures, drapés...tout contribue à renvoyer à une scène de la Rome antique, registre qui revient classiquement dans les oeuvres de cette période néco classique, que ce soit dans la peinture comme dans les sculptures ou même les arts décoratifs.

Paris à cheval : Hommage à Bertie

Après les combattants carolingiens sur le chemin de Roncevaux, nous avencons, que dis je trottons, un peu plus au Nord, quitter l'Ile de la Cité pour un autre écrin, plus restreint, dans un endroit, caché, en retrait, à l'abri de bien des regards.

Non loin de l'Opéra Garnier dans le prolongement des grands boulevards, sur le chemin qui mène à l'église de la Madeleine, se cache une petite place dont l'environnement direct est composé de bureaux, d’une résidence hôtelière, de logements, commerces et théâtres. Aujourd'hui, bien des indices évoquent le personnage dont il sera question ici...en quittant le boulevard de la Madeleine, on  passe devant le magasin  Old England, on prend la rue Edouard VII, on longe le magasin "Bertie", et on se retrouve devant le théâtre Edouard VII et par la même occasion au pied de la statue équestre qui rend hommage au roi.

C'est donc de ce dernier dont il sera question dans ce billet. Pourquoi a t-on donné ce nom à ce théâtre et pourquoi cet hommage à ce
roi anglais, je n'ai pas de réponse...mais cela n'empêche pas de s'attarder quelques instants sur la statue en question.
Dans la cour octogonale bordée de colonnades avec lesquelles joue le soleil accrochant leur ombre sur les pavés, s'avancent le roi juché sur son calme et fier destrier. Sculpture de bronze réalisée par Paul Landowski après une commande, elle est fondu par Alexis Pudier.

Aux chevaux forts et robustes des statues royales évoquées précédemment, se présente ici une expression de calme et d'élégance naturelle. Pas de combat, pas de bataille pas de nervosité et de cabrures, mais un pas mesuré dont on pourrait presque entendre le bruit du  sabots résonnant sur les pavés de cette cour fermée.

Le roi est vêtu de son habit de commandant des armées et coiffé d'un chapeau à plumes. Plusieurs éléments rappellent clairement l'identité de notre bonhomme : d'une part sont statut de monarque avec sa cape, ses décorations, et son couvre chef que viennent parfois égayer quelques pigeons zélés.... mais aussi un attribut qui permet d'identifier notre homme, cette barbe qui est bien fidèle à celle qu'arborait le roi. La tête haute et le regard un rien goguenard je trouve, le roi tourne la tête légèrement vers la gauche, comme s'il saluait ses sujets...ou ses soldats.

C'est la finesse qui se dégage de cet ensemble même si le cavalier est un peu bedonnant... Pour autant, il ressort une véritable une impression d'élégance sûre de la part des deux protagonistes. L'équidé qui va à l'encontre  de nombreuses statues équestres souvent dans la représentation robuste, imposante, surélevée et presque inaccessible au sens propre comme au sens figuré. 

De plus, les chevaux habituellement croisés dans nos promenades parisiennes sont représentés comme des chevaux de combat. Ici il ressort plutôt le flegme et la finesse (à l'anglaise...) et la notion d'apparat.

Lire la suite

Paris à cheval : Sur le chemin de Roncevaux...

Sur le parvis de Notre Dame, au milieu des feuillages qui lui offrent un élégant camouflage au printemps et en été, se dresse, presque dans la discrétion et dans le retrait, celui qui fut pourtant l'une des plus grandes figures de l'Histoire de France. Celui qui a inventé l'école (enfin, c'est ce que dit la chanson pas les historiens...mais attention je m'égare déjà dès les premières lignes...), mais surtout celui qui marque la charnière entre l'ère carolingienne et le début du Moyen Age. Vous l'aurez compris j'évoquerai ce soir au cours de ma petite promenade à cheval dans Paris, le grand Charlemagne. 

Mais peut-être comme beaucoup de parisiens, ou de visiteurs, n'avez vous jamais remarqué cet ensemble de bronze qui s'élève, presque humblement, malgré toute la superbe qu'on lui a donné, aux pieds de notre si emblématique cathédrale. Pourtant cette statue, ou devrais je dire plutôt ce groupe équestre, est tout de même là depuis 1882, donc difficile de l'ignorer et passer à côté de lui serait bien dommage, car il y a beaucoup à dire sur cette réalisation très représentative du XIXème siècle. Alors arrêtons nous quelques instants devant cette oeuvre et plongeons notre regard dans celui du cheval, histoire de remonter un peu le temps....

Nous devons cette sculpture aussi monumentale qu'imposante aux frères Charles et Louis Rochet qui s'atèlent à rendre un hommage à l'empereur carolingien dès 1853, en vue de l'exposition universelle de 1867. Cette première édition est réalisée en plâtre, la seconde, celle qui trônera à l’exposition universelle de 1878, sera en bronze, sortie de la fonderie Thiébaut. Quand ont sait que la réalisation d'une statue équestre est à chaque fois une prouesse artistique et technique on peut imaginer que ce groupe de bronze peut être qualifié  de réussite majeure de la fonderie parisienne. C'est donc en 1882 que le conseil municipal de Paris décide de placer Charlemagne et ses Leudes (puisque tel est le titre exact de cette réalisation) sur le parvis de Notre Dame.
Bien en hauteur sur son piédestal de pierre, l'empereur se tient sur son cheval, un long sceptre dans le bras droit, ouvert dans un geste de majesté, que dis-je d'impérialité.....A ses côtés, ses deux leudes (écuyers), que sont Roland et Olivier les propres neveux du conquérant, ouvrent la marche dans une mise en scène qui n'est pas vraiment feinte. 
Si d'autres réalisations du XIXème siècle, comme les précédentes statues évoquées (les trois dernières notamment), témoignaient d'une certaine simplicité dans le rendu, on remarquera ici un souci du détail voulu par les deux concepteurs de ce groupe équestre. En ajoutant à l'acteur principal deux personnages secondaires (mais non moins insignifiants), les sculpteurs ont apporté à la statue équestre traditionnelle un réelle valorisation, notamment par les différents axes de composition et la multiplication des points de vue. En respectant les connaissances archéologiues de l'époque, ils s'attachent à retranscrire la véracité  historique : ainsi, Roland est armé de l'exacte copie de l'épée Durandal et Charlemagne porte la réplique de la couronne dite de Nuremberg.
D'autres éléments apportent encore un peu plus de souvenirs historiques, comme l'habillement des trois hommes, l'armurerie, le harnachement du cheval et ce sceptre dont l'extrêmité est décorée d'une statuette à l'effigie d'un roi sur son trône. La seule fausse note serait peut-être cette barbe presqu'imposante qui colle décidément à la peau du bonhomme (ou plutôt à l'image que l'on a de cet empereur) mais qu'il n'avait parait il pas, les pièces de monnaie à son effigie en témoignant (la légende de la "barbe fleurie" est donc tenace....).
Je soupçonne également un léger anachronisme dans la représentation de notre empereur visionnaire : Les sculpteurs nous présentent le visage d'un vieillard alors que l'empereur a fait le plus important de son règne et de ses conquêtes dans la fleur de l'âge, et que l'épisode de Roncevaux et de la guerre contre les maures est bien en amont de son règne, alors qu'il est dans la trentaine...
Aux niveaux de protection déjà évoqués dans d'autres statues équestres, que sont le piédestal, le cheval et l'harnachement, ont été ici ajoutés des protections plus symboliques mais néanmoins réelles: la présence de ses troupes incarnées par ses leudes, mais aussi le sceptre, la couronne et les armes tenues par les écuyers.
Nous sommes ici dans une reconstitution historique, une épopée qui oscille entre lyrisme et héroïsme, en tout cas certainement empreinte de romantisme. Mieux qu'un profil frappé sur une pièce de monnaie, qu'une enluminure, qu'une tapisserie ou encore qu'une gravure, cette sculpture met le personnage en scène de façon spectaculaire. Imposant, conquérant, impérial, fort, courageux, mais pas seulement, j'y vois aussi nettement l'image d'un sage, au faite de ses conquêtes réalisées dans un souci d'unité et de paix, le regard perdu au loin, devant le destin non pas d'un seul homme, mais de tout un empire dont l'équilibre reste fragile. La patine du temps, accuse les traits, renforce les expressions et augmentent encore un peu plus l'impression d'étrange.
Tels des chantres, les frères Rochet ont ici rendu le témoignage d'une époque peut-être trop méconnue, un peu obscure car lointaine, mais qui suscite du coup l'imaginaire, la curiosité et un brin de fantasmagorie. Ce groupe qui semble presque issu de la nuit des temps, semble marcher vers un avenir que seuls nous connaissons, cette image venue d'un autre âge est elle un instantané de l'épisode de Ronceveaux qui coûtera la vie à l'un de ces trois protagonistes ?
A voir l’accoutrement et les faciès des trois hommes (sans parler de celui du cheval qui semble dire "mais jusqu'où vais je devoir encore le transporter ?"), on se croirait presque transporté dans les pages d'une bande dessinée dont l'action se situerait au Moyen-Age, ou dans un livre "dont vous êtes le héros"ces ouvrages moitié roman, moitié jeu, dans lequel vous devenez le héros d'une aventure. Cette littérature interactive où l'action ne dépend que de votre choix et de votre créativité.... (mais une fois de plus je m'égare...).
Guerrier mais aussi protecteur des arts et des lettres, celui qui laisse l'Occident au seuil de l'ère moyen-âgeuse avec des fondations de ce qui sera ensuite l'Europe, reste un grand visionnaire et son ambition d'expansion pharaonique marquera ceux qui le succéderont, comme Charles Quint ou Napoléon 1er. Mais au delà d'être le conquérant que l'on connait, Charlemagne reste surtout le père de l'Europe, un restructurateur de l'agriculture et du commerce et surtout l’initiateur de la "renaissance carolingienne" au rayonnement culturel et intellectuel important.

Paris à cheval : Chevauchée fantastique sur les toits du Grand Palais

Poursuivons notre promenade équestre en flânant sur les bords de la Seine.....tout près du Pont Alexandre III.

En hauteur dans le ciel parisien, se court une chevauchée fantastique...malgré le fait qu'elle soit presque au septième ciel, il ne s'agit pas là d'une épopée sexuelle ou d'une image à connotation érotique encore qu'il n'y ait guère de vêtements sur les sujets mis en scène....mais que nenni...les deux sculptures équestres (deux groupes sculptés mettant à l'honneur des équidés pour être précise) sujets principaux de ce billet font partie intégrante du Grand Palais. 
Construit pour l'Exposition Universelle de 1900, en même temps que le petit Palais et que le Pont Alexandre III, le Grand Palais, remplace le Palais de l'Industrie qui accueillait avant lui les manifestations culturelles et artistiques. "Monument consacré par la République à la gloire de l’art français" il est classé monument historique depuis 1975 (pour la nef) et 2000 pour l'ensemble du bâtiment.

Situés au sommet de chacun des deux entrées du Palais, côté Champs Elysées pour l'une, côté Seine pour l'autre, les deux ensembles sculptés évoquent pour chacun d'eux une allégorie. Ces deux groupes sont aussi étonnants qu'inattendus surtout à l'endroit où ils ont été placés. Il sont cependant en parallèle, placés dans une même logique, comme un écho aux décors sculptés "dégoulinant" du pont qu'il jouxte. 
"L'harmonie triomphant de la Discorde" côté Seine, réalisé par Alexandre Falguière offre au regard du visiteur un char mené par un jeune homme, cheveux au vent, tout attribut exhibé sans pudeur aucune mais plutôt dans une réelle grandeur, le bras gauche ouvert dans un geste de majesté, surplombant un être couché à terre représentant la Discorde. Si l'harmonie est presqu'à poil son ennemi lui est bien dissimulé sous le char et l'équipage dans son ensemble, son visage restant invisible.
"L'immortalité devançant le temps" de Victor Peter offre le même spectacle au sommet de la porte d'entrée côté Rond Point des Champs Elysées. Là aussi l'allégorie met en scène un homme terrassant un autre, que quatre chevaux ne se gêne pas pour passer par dessus...les gestes sont éloquents, dégageant une certaine magnificence...
Chaque équipage est mené par quatre chevaux représentés sans harnachement, cette liberté qui leur est donné permettant une expression de naturel et de spontanéité amenant ainsi une certaine authenticité de la scène.
Il est difficile de détailler les deux représentations dans les accessoires, les décors car malheureusement je ne peux me déporter vers ce septième ciel avec mon pauvre petit appareil photo... Mais ce n'est peut-être pas plus mal car cette séparation laisse à ces deux groupes assez exceptionnels la nécessaire distance qu'implique les concepts qu'ils représentent et au spectateur, un ressenti particulier. Impressionné par ces chevaux qui semblent prêts à vous tomber dessus, on regarde, la nuque renversée ces deux apparitions s'attendant presque à entendre un hennissement et un crissement de roues....
Ce qui ressort de ces ensembles sculptés c'est également une impression de fougue, de précipitation, mais aussi de grandeur et de majesté, une évocation aux grandes épopées lyriques antiques dont les mouvements et la grandiloquence renvoient également à un certain romantisme. Il y a néanmoins dans ces sculptures, et en dépit qu'elles soient situées nettement en hauteur, et au delà une vraie allure et un grandiose qui transpirent, un petit air presque comique avec ces chevaux galopant dans une position non naturelle, inspirant, en y regardant d'un peu plus près, inévitablement un petit sourire. On s'attend presque à voir les chevaux choir inévitablement tant ils semblent dans une position d'équilibre aussi irréaliste qu'imaginaire.
Cette échappée sauvage qui parait sortir de nulle part et n'ayant ni but précis ni point de destination, excepté peut être celui fixé par l'imaginaire de leurs concepteurs et de ceux qui lèvent les yeux vers ces apparitions inattendues, court depuis plus d'un siècle dans les cieux parisiens... Quel panorama s'offre ainsi l’Harmonie et l'Immortalité ... si ces équipages ne semblent pas avoir d'adresse à rejoindre, ils filent vers un monde aussi imaginaire que surréaliste empreint de poésie et de rêve...

Paris à cheval : Place des Vosges un hommage discret pour un roi effacé

Au coeur de la Place des Vosges, dans cette cour royale feutrée presque intime aux volets intérieurs souvent fermés.... là où les pieds foulent le sable fin et la verdure des gazons, dans cet écrin où le XVIIème siècle français s'offre dans une simplicité majestueuse, se cache sous les feuillage des marronniers, une statue équestre de Louis XIII. 

C'est donc dans ce lieu historique de la place des Vosges qu'on a représenté, presque discrètement je dirais, la statue du roi français, posée sur le piédestal que l'on doit aux monarques et aux grands, celui d'une monture : un cheval. 

La place Royale que l'on a nommé place des Vosges en 1800, du nom du département des Vosges qui fut le premier à s'affranchir de l'impôt sous la Révolution française, est la quasi réplique de la place ducale de Charleville-Mezière. Sa construction débute en 1605 et s'achève en 1612 à l'occasion des fiançailles de Louis XIII avec Anne d'Autriche. Conçue sur un plan carré de 108 mètres, elle offre au regard une grande unité de présentation : composée de 36 pavillons (9 de chaque côté de la place), la hauteur des façades étant égale à leur largeur.

Bordée d'immeubles d'habitation de deux étages réalisés en briques rouges à chaînages de pierre calcaire blanche, à toits d'ardoises bleues très pentus et aux fenêtres à petits carreaux, elle présente également la particularité d'être constituée au rez de chaussée d'arcades qui sont à la fois un lieu de promenade et un espace marchand. Qui dit place royale, dit statue royale évidemment, et y placer Louis XIII me semble cohérent, ce qui suit l'expliquant brièvement. 

Cette statue équestre du roi a été réalisée et installée dès 1639, c'est à dire du vivant du monarque. Mais comme les autres, elle fut détruite pendant la Révolution sous la force de la vindicte populaire désireuse d’éradiquer tout symbole et toute référence renvoyant à l'ancien régime, mais aussi par nécessité : tout ce qui pouvait être fondu en canon ou artillerie était sacrifié. Sous la Restauration et comme la plupart des autres sculptures royales elle est réinstallée. Oeuvre de Jean-Pierre Cortot d'après un modèle de Charles Dugaty (de 1816), elle est érigée en 1829. Entièrement faite de marbre blanc, son piédestal est entouré d'un grillage de fer forgé, comme la plupart des autres modèles parisiens. Un tronc d'arbre soutient le cheval, évitant ainsi un affaissement général (et une pose beaucoup moins glorieuse pour son cavalier....).

Le cheval semble tranquille, presque au pas, l'action n'est pas de mise ici, on est plus dans l'apparat, la glorification du monarque qui ne se présente pas dans la tenue de combat de son temps, mais presque en petite tenue, comme un empereur romain. Il ouvre le bras droit dans un geste de majesté en se tournant vers la gauche, souriant. Il monte sans étriers. On a choisi ici de souligner la supériorité du statut du roi, en l'habillant comme un empereur, c'est la un acte de représentation et non pas un manifeste. Ce n'est pas un homme investi, courageux, guerrier, vindicatif et grandiloquent qui est posé là...pas d'armure, pas d'étrier, pas d'éperon, pas de chapeau ou de casque, un cheval au pas...plutôt pépère le roi....

Seule la fine moustache et la chevelure rappelle bien qu'il s'agit d'un homme du XVIIème siècle. On ne sent pas d'envolée lyrique, glorieuse et prestigieuse dans cette statue, la tête du cheval penchée modestement en avant en témoigne presque....pas de sceptre ni de bâton....que cette main ouverte mais qui ne semble même pas montrer un chemin, donner un signe, ou un message. Ces deux éléments me semblent traduire presque une certaine platitude.

Un hommage discret et anonyme (correspondant bien à cet emplacement, un peu en retrait, voire caché dans Paris) pour celui qui, malgré ses nombreuses réalisations, restera toujours un monarque dans l'ombre de quelqu'un....sa mère la régente, mais aussi Richelieu, puis ses favoris et quelque part également, un peu lui même....Personnage fragile à l’ambiguïté affichée, il est un roi effacé manquant de personnalité. Cette statue et cet emplacement me semblent ainsi adaptés à ce personnage de l'Histoire de France.

Paris à cheval : Marcus Curtius cherche admirateurs...

En redescendant de la place des Victoires et en retournant aux abords de la Seine, on est souvent bien tenté de passer par la rue de Rivoli et le Louvre. Après avoir longé les arcades aux allures de marchands du temple pour touristes et traversé la rue, la Cour Napoléon s'ouvre à vous et vous invite à une pause au pied de la pyramide de verre où viennent se refléter les jets d'eaux, les façades et les toits des pavillons de Sully et de Richelieu mais aussi le ciel parisien...

Presqu'au pied de l'oeuvre de Peï, à quelques mètres à peine, se dresse sur son cheval le roi soleil (himself), que l'on oublie presque dans cette cour où il n'y en a que pour le verre, l'eau des fontaines, l'arc du Caroussel et cette mythique perspective qui porte le regard du promeneur jusqu'au confins de la Défense....Oui c'est vrai, on ne le voit pas ce roi pourtant représenté dans toute sa splendeur et à la vue de tous...on l'ignore presque tout concentré que nous sommes à regarder les façades sculptées, et chercher l'entrée du musée...alors voici quelques mots pour remettre sur son piédestal cette statue équestre qui a, elle aussi, une histoire bien particulière.
 
Commandée par Louis XIV en 1665 au Bernin (le "nouveau Michel ange"), elle apporte une grande déception à son commanditaire lorsqu'on la lui livre à l’orangerie de Versailles 20 ans plus tard en 1685, alors qu'il avait atteint la quarantaine. Ce marbre de 8 m de haut ne satisfait pas le roi soleil qui, l'estimant mal faite, promet de la briser. Se ravisant, il demande au sculpteur Girardon de la modifier, celui ci lui ajoute simplement un casque sur la tête et remplace le rocher servant de socle au cheval par un buisson de flammes. Ce nouveau personnage est nommé "Marcus Curtius" en hommage au héros romain qui se voua aux dieux infernaux pour sa patrie....La statue ainsi corrigée est néanmoins "exilée" près de la pièce d'eau des suisses dans le parc de Versailles, loin des autres sculptures qui ont trouvé grâce aux yeux de la cour...C'est cet isolement qui la sauve pourtant de la vindicte populaire lors du tumulte de la révolution française, lui permettant ainsi de subsister aux assauts revanchards.... et d’atterrir finalement en 2005 à l'orangerie du château. L'exemplaire de la Cour Napoléon dont je parle ce soir n'est qu'une réplique de plomb, fondue en 1988 et placée là pour renforcer peut-être l'identité de ce lieu que certains ont estimé dénaturé par l'érection de la pyramide.
Si cette statue a tant déplu au roi, c'est qu'entre le moment de la commande et la livraison de la sculpture, 20 ans se sont écoulés et que la mode à Versailles n'est plus à l'extravagance et au fantasque mais bien au classicisme. Il faut bien dire que ce Marcus Curtius est une excellente définition du style baroque italien dont le Bernin s'était fait l'ambassadeur à la cour du roi de France. Il suffit en effet de souligner les contorsions axquelles le cheval comme son cavalier sont soumis (des mouvements totalement contre nature), les envolées lyriques de la crinière et de la queue de l'animal, de la chevelure du roi, du drapé foisonnant pour comprendre que nous somme bien dans le style fluide et orné caractéristique du baroque italien... Une originalité stylistique qui n'est effectivement plus de mise en cette fin du XVIIème siècle où la ligne droite et la sobriété élégante sont recherchées à Versailles. 
Tout en effet dans cette oeuvre rappelle le baroque italien pour lequel Louis XIV avait fait les yeux doux quelques années plus tôt. Ce cheval à l'expression qui n'est presque plus animalière mais humaine, semble sorti tout droit des écuries du baroque italien, où le maniérisme est encore un peu exacerbé...
Mais plus concrètement encore, cette statue aujourd'hui est autant ignorée et délaissée qu'à l'époque de sa réalisation, décidément elle ne semble pas beaucoup émouvoir ses spectateurs, hier reléguée dans un bosquet éloigné, aujourd'hui si elle est au milieu d'une cour ultra fréquentée elle n'en reste pas moins ignorée. Elle n'attire pas particulièrement les photographes qui préfèrent de loin la vue sur le jardin des tuileries ou sur les reflets du ciel parisien apparaissant sur les facettes de verre de la pyramide. Plus prosaïquement, elle est surtout un point de ralliement pour les pigeons qui squattent entre les pattes du cheval et s'amusent à batifoler sur les plumes qui coiffent le roi....elle offre aussi au sol une assise aux touristes fatigués ;  elle est enfin un lieu d'expression de choix pour les amoureux qui laissent la trace d'un amour fugace ou durable (selon) sur le socle de pierre qui lui est pour le coup est réellement honoré...

Paris à cheval : le Roi Soleil au faite des victoires

Nous revenons sur nos pas et quittons les bords de Seine pour passer dans le second arrondissement, non loin de la galerie Vivienne et de la galerie Colbert, pour monter jusqu'à la Place des Victoires...on doit d'ailleurs ce nom à la première statue du monarque dont je vais parler d'ici quelques lignes...il convient de préciser que l'aménagement de cette place, datant des années 1680 a été réalisé pour la mise en valeur d'une statue équestre à l'effigie du roi en hommage aux victoires françaises réalisées sous le règne du roi soleil...

 

La statue que nous connaissons est le troisième ornement offert à cette petite place qui sépare le premier du second arrondissement. En effet, de 1686 à 1792 Louis XIV avait déjà ses marques sur le terre plein circulaire. Une sculpture de Martin Desjardin avait était réalisée en pied, sur un socle de bronze important représentant quatre esclaves représentant les nations vaincues par le roi (l'Espagne, l'Empire, le Brandebourg et la Hollande), également des allégories des sentiments ressentis dans l'épreuve de la captivité : l'abattement, la colère, la résignation et l'espérance), ainsi que des médaillons et des inscriptions en l'honneur du roi (des parties de ce socle sont aujourd'hui conservé au Louvre). Quatre fanaux y brûlaient en permanence. Le groupe sculpté d'une hauteur de 12 mètres devait pouvoir être vu dans un angle de 18° à partir du périmètre de la place. Ces sculptures monumentales correspondaient en tout point au principe classique selon lequel les oeuvres colossales doivent être parfaitement finies de façon à pouvoir être vues aussi bien de près que de loin.
En 1792, chute de l'ancien régime oblige, le monarque disparaît pour faire place à une pyramide de bois où sont inscrits les noms des citoyens morts durant la nuit du 10 août 1792, le bronze est fondu et le roi va se rhabiller....L'Empire remet les choses dans l'ordre et choisit de mettre les grands hommes à l'honneur....la pyramide finit en bois de chauffage (enfin c'est la légende qui le dit) et c'est le Général Desaix qui devient alors locataire de la place des Victoires. Mais le malheureux est en tenue d'Adam, la nudité choque et l'ouvrage est alors assez rapidement retiré du regard des parisiens, la statue est fondue avec deux autres pour réaliser l'effigie d'Henri IV dont je parlais il y a peu. Louis XVIII demande alors au sculpteur Bosio en 1828 une nouvelle réalisation à l'effigie de Louis XIV pour combler le vide laissé sur la place. Elle est inauguré le 25 aout 1828, jour de la Saint Louis. L'ensemble est classé monument historique en 1992.
Le roi soleil est représenté tel un empereur romain sur un cheval cambré dont l'équilibre est assuré par la queue de l'animal fixée au piédestal, dans un style baroque qui reflète le style en place durant le règne du monarque. Le socle en pierre est orné d’inscriptions latines et de deux bas reliefs de bronze, l'un représentant la passage du Rhin par les troupes françaises, l'autre l'institution, de l’ordre royal et militaire de St Louis par Louis XIV. 
De facture presque grossière, l'ensemble n'a pas grand chose de royal et le ressenti n'est pas vraiment là, seul l'expression du cheval peut peut être laisser le spectateur un peu songeur, encore que....La statue mettant en scène le roi tel un empereur romain, une tenue qu'on lui connaissait déjà à l'époque, au XVIIème siècle empreint de classicisme, tout renvoie à l'antiquité, l'armure romaine, les sandales, la couronne de lauriers des vainqueurs. Pourtant sous cet affublement, on reconnait le roi soleil avec sa perruque bouclée et sa fine moustache. Son sceptre dans la main droite, indique bien le pouvoir.
Tout de même, de loin, la statue semble être comme la cerise du gâteau que serait la Place des Victoires pour d'ailleurs quelles victoires aujourd'hui ? A l'heure actuelle ce nom n'évoque plus du tout la raison pour laquelle on le lui a donné...en effet, la sculpture originale qui avait donné ce nom à l'emplacement sur lequel elle était située n'existe plus...et rien dans l'épreuve réalisée à la restauration n'indique des victoires particulière hormis le regard conquérant du protagoniste et son accoutrement de vainqueur.... Mais en connaissant l'histoire de cette place et des précédentes statues, l'édifice actuel laisse le promeneur un peu tiède : on regrette vraiment l'original du XVIIème siècle....

 

Paris à cheval : les "boîtes noires" d'Henri IV

Nous quittons la place des Pyramides et sa locataire toute d'or vêtue pour remonter la rue de Rivoli, à l'est, en direction de la Seine. Arrivés au Pont Neuf (dont je reparlerai prochainement), on trouve en le traversant, à mi chemin sur un terre plein à la pointe occidentale de l'Ile de la Cité, une grande statue équestre représentant Henri IV. C'est en effet du béarnais à qui l'ont doit le notable mais non moins intéressé "Paris vaut bien une messe" dont il sera question ce soir dans ce second billet dédié aux statues équestres parisiennes. Surplombant le petit square du vert Galant, il règne ainsi sur ce coeur de Paris, ceint par les deux bras de la Seine.

Cette statue a une histoire particulière.... presque mouvementée, ponctuée d’anecdotes. Érigée une première fois à la mort du roi, en 1614, en hommage à celui qui établit l'Edit de Nantes (pacifiant ainsi le royaume après les sanglantes querelles de religion) et qui laissa la traditionnelle poule au pot (encore en vigueur dans certains foyers d'ailleurs...). Nous devons cette première épreuve en bronze aux sculpteurs Giambologna et Pietro Tacca. Il est à noter que c'était à l'époque la première statue équestre, indépendante de toute construction, s'offrant ainsi au public, devenant alors une attraction à part entière. Malheureusement, comme la plupart des autres statues, elle est fondue pendant la Révolution. 
Mais la Restauration va reprendre sa revanche sur les bonnets phrygiens...c'est ainsi qu'en 1818, Louis XVIII commande à François Frédéric Lémot une seconde version à l'image de la première. L'ouvrage est inauguré en grande pompe, le 25 août, fête de la St Louis, prénom de nombreux rois de France, dont Louis XVIII. 
Tout dans cette statue équestre reflète d'une part le sens de l'hommage rendu à un monarque mais aussi l'esprit de la Restauration. Rappelons à ce titre que la statue équestre symbolique de la féodalité et de l’aristocratie guerrière, évoque la sacralité du pouvoir et la servitude des suzerains. Un hommage artistique également car outre les emblèmes et les symboles qui accentue la nature même de l'objet, il s'agit d'un exercice de virtuosité pour l'artiste.
La statue est posée sur un piédestal de pierre dont les quatre faces sont ornées, pour celles orientées à l'Est et à l'Ouest d'inscriptions latines en lettres d'or, pour les deux autres de bas reliefs de bronze mettant en valeur deux scènes de la vie du roi, au Nord Henri IV à cheval acclamé par ses sujets, au Sud, le roi faisant rentrer des vivres dans Paris assiégé. L'homme est en armure, symbole de guerre mais aussi de puissance, de pouvoir, de courage aussi. Il est couronné de lauriers une référence aux lauriers de la victoire et de la réussite. Aux lauriers ont été ajoutés le sceptre fleur de lysés rappelant directement l'ancien régime et le royaume de France. Comme souligné précédemment, la statue équestre évoque un hommage rendu à un homme important, que l'on surélève de terre pour mieux la voir certes, mais pour mettre également une distance et indiquer une supériorité supplémentaire vis à vis des simples spectateurs, sujets, suzerains, valets, servants. Alors que la statue de Jeanne d'Arc présente des caractéristiques visant à protéger la belle héroïne, courageuse mais femme au demeurant, ici plusieurs éléments marque le statut (avec un t...) ainsi que le caractère sacré et supérieur propre à un monarque de droit divin. 
Ainsi, à un premier niveau on observe que l'emplacement en lui même est déjà une marque de distance....le choix de placer cette statue sur l'Ile de la Cité, entre les deux bras de la Seine ne me semble pas anodin, comme un écrin presque une barrière naturelle. Le second niveau pourrait être cet enclos dans lequel loge l'édifice, une barrière en fer forgée noire ceint la statue dans un périmètre de quelques mètres. Un moyen simple et efficace d'éloigner les trop curieux et les mal intentionnés mais aussi de placer le citoyen et le simple passant à distance. Le piédestal éloigne encore le roi de ses sujets, que vient encore amplifier la distance offerte par l'assise du cheval. Les bas reliefs et les inscriptions ajoutent enfin à la grandeur de l'homme tout comme les attributs précédemment évoqués de l'armure, des éperons, du sceptre et des lauriers qui viennent renforcer encore un peu plus le caractère spécifique du statut de l'homme représenté. Monarque, choisit par Dieu, il devient par là presque inatteignable, intouchable...
C'est avec du bronze récupéré de la statue de Général Desaix de la Place des Victoire (dont je reparlerais bientôt), la statue de Napoléon de la colonne Vendôme et d'une troisième colonne, qu'est réalisée cette sculpture d'Henri IV, d'après d'anciennes gravures représentant l'originale. Ont dit que Lémot aurait été bonapartiste et que par dépit ou par attachement personnel à l'Empereur il aurait caché dans la fonte une statuette de Napoléon Ier. Une récente restauration en 2004 a permis de découvrir que l’empereur n'était pas le seul locataire dans le ventre du cheval.... (non je ne vais pas parler de vers solitaire, le profil du billet tendrait vite à perdre de son sens et de sa tenue...), puisque 7 boites en plomb ont été découvertes : 4 déjà répertoriées ont révélé des ouvrages dont un relate le récit de transport et de la mise en place de la statue, de la fonderie du Roule au Pont Neuf, mais aussi des médailles à l'effigie des grandes figures de l'Ancien Régime. Une façon de contrecarrer les effets de la statuette de Napoléon et préserver la Restauration de toute tentative de putsch ? Ceci n'est qu'une hypothèse qui n'engage que son auteur...il est à noter que les deux dernières boites ont révélé des parchemins roulés ne pouvant être déplié.
Ainsi, c'est de la pointe de l'Ile de la Cité, sur le Pont Neuf, chantier important d'urbanisation de son règne et dont il est le principal maître d'oeuvre, que le premier des Bourbons règne désormais sur Paris.

Paris à cheval : Un hommage à l'or fin pour la pucelle...

On peut visiter Paris de mille et une façon, à pieds bien sûr (et c'est sans doute la meilleure façon de faire), à vélo, à bateau, à roller, en métro ou encore en bus (si, si...), mais aussi à cheval...Non, je ne parlerais pas ici de sorties avec la Garde Républicaine qu'il m'est arrivé de croiser quelques fois, mais d'une petite visite de la capitale, grâce aux statues équestres qui ornent, meublent et agrémentent certains coins de Paris, tout en évoquant un petit chapitre de notre histoire... Alors voici une série de plusieurs billets sur le sujet me permettant de relater quelques faits, au son des fers à cheval frappant le pavé et du rythme cadencé du pas ou du trot.

Pour commencer, et bien commençons par le commencement.... c'est à dire le premier arrondissement, avec une grande dame de l'Histoire de France, mais qui était en fait une jeune demoiselle d'à peine 20 ans... Sur la petite place des Pyramides, non loin des bureaux de la Direction des Musées de France, des arcades de la rue de Rivoli qui voient passer tant de touristes affamés de "friandises" et autres clichés parisiens qui leur sont directement réservés ; face au jardin des Tuileries et un peu plus loin face à la Seine, se tient droite, le regard fixe vers son objectif à atteindre, la Pucelle d'Orléans, assise sur son cheval, en tenue d'apparat. Oui, car il s'agit bien de Jeanne d'Arc, représentée ici en guerrière sur son cheval de combat, dont il va être question dans ce premier artucle. 

Le projet d'ériger une statue en hommage à la jeune femme date de l'aube de la troisième République. Est tout d'abord proposé un modèle réalisé par Armand le Véel, élève du grand sculpteur Rude, mais c'est finalement la suggestion d'Emmanuel Frémiet qui est retenue. Ce sont les frères Thiébault qui en réalisent la fonte en 1872, avant de l'inaugurer sur la petite place des Pyramides en 1874. Toutefois, le maître d'oeuvre n'étant pas satisfait du résultat, il en fera faire une seconde épreuve en 1899 qui remplacera la première, c'est celle que nous connaissons aujourd'hui.

Posée sur son socle, premier niveau de protection, la statue est totalement dorée....sous le soleil et même sous un ciel gris, elle brille de mille feux et détonne dans son environnement urbain fait de pierre, d'ardoises et de grisaille. Comme un anachronisme, elle reste stoïque et imperturbable dans son armure, surplombant l'agiation du coeur de Paris entre les scooters, les taxis, les rollers et les cars de touristes. Non statique, le mouvement du cheval et le tissu plissé du drapeau témoignent d'une figure en action, permettant ainsi un réalisme important et renforçant l'impression qui se dégage de cette sculpture.

Comme d'autres statues équestres, une symbolique est conférée à la représentation du personnage, image de la conquête, du courage, de la vaillance, du combat, de la victoire aussi... La représentation d'une statue équestre étant réservée aux grands hommes, aux monarques comme aux grands guerriers, c'est donc une reconnaissance très importante que l'on a rendue à la fillette de Domrémy... une jeune fille aux origines simples que l'on n'a pas toujours cru mais qui, par son courage et sa foi, a fait chanceler les grands de son temps, qu'ils soient monarques, militaires ou hommes de Dieu.

Il semble se dégager de cette représentation, une force tranquille, la force de ceux qui se savent guidés et qui sont en confiance, une assurance, de la ténacité, de la persévérance dans une destinée que l'on a pas choisi mais que l'on sait être la bonne. Le regard fixe, la tête droite et le menton relevé, il y a dans cette sculpture de la détermination. Le cheval, plus qu'un moyen de locomotion sur un champ de bataille ou entre deux points, est ici un symbole de puissance, mais aussi véritable bouclier vivant. C'est un second niveau de protection pour notre héroïne. La jeune femme est en armure, sa tenue de combat, la tête découverte pour laisser deviner son identité, elle brandit l'étendard français. Cet habit de fer, c'est une protection supplémentaire, un troisième niveau de protection....

Nul doute que la jeune femme de par son courage et sa conviction avait droit à une place de choix et un hommage particulier dans la capitale. Des honneurs symbolisés par cette dorure lui conférant un caractère singulier, voire exceptionnel, qu'il faut probablement rapprocher directement du personnage en question (voir la suite du billet). En effet, il fallait distinguer cette personnalité de l'histoire de France du reste des grands hommes de la nation : une femme, que dis-je une jeune fille... une guerrière au destin tragique où se mêle étroitement la notion de foi. On ne pouvait donner à ce symbole de l'histoire de France n'importe quelle marque d'estime et de respect. Il me semble que cette statue totalement dorée est un hommage lourd de symbolique : La dorure conférant à cette oeuvre un caractère spécial touchant presque au sacré : réservée aux plus grands, que ce soient aux monarques ou aux figures importantes de la religion. Ici il me semble qu'elle intime un respect supplémentaire parce que justement Jeanne d'Arc n'était pas de ceux là.... Cet habit de lumière si précieux indique la puissance guerrière, la victoire, mais pas seulement, elle symbolise également la grandeur de l'âme, de la personne dans sa totalité, et qui plus est surtout ici son intégrité, la rendant ainsi presque intouchable. Plus qu'un hommage, cette dorure m’apparaît comme une protection supplémentaire à l'armure, celle d'une protection symbolique, quasi spirituelle, la protection des élus....C'est le quatrième niveau de protection, le plus subtil mais aussi le plus fort.... 

En ces temps où les notions de religion et de laïcité sont particulièrement évoquées, il est à souligner, je crois, que lorsque cette statue a été commandée et érigée, Jeanne d'Arc n'était pas encore canonisée. Il ne s'agit donc pas d'un hommage à caractère religieux mais bien républicain.... Oublions également quelques instants que cette statue marque aussi le point de départ d'un certain défilé au mois de mai, et ne voyons qu'en cette sculpture, une oeuvre d'art dorée à l'or fin de la reconnaissance et du souvenir respectueux de la nation envers une figure emblématique de son histoire nationale. 

Lire la suite