Au cours de mes dernières promenades parisiennes, le hasard (enfin presque), m'a conduit vers un endroit chargé de souvenirs et d'émotions, aux pieds de la Grande Mosquée de Paris. Les quelques vers de Robert DESNOS qui suivent et que j'ai aussi trouvé un peu par hasard m'ont donné envie d' évoquer les jardins nichés derrière les grands murs blancs de la place du puits de l'ermite. C'est un havre de paix et de sérenité qui est préservé à l'ombre du minaret de 33 mètres de haut. Les couleurs froides de la végétation se mariant harmonieusement aux couleurs chaudes des matériaux utlisés procurent au visiteur une paix intérieure propice à ce lieu de culte. Mais au delà de la prière symptomatique du pratiquant, c'est surtout une prière du coeur qui nait spontanément de mon âme, un peu malgré moi, venant ainsi faire écho à la plainte du poète.
J’ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité
Est-il encore temps d’atteindre ce corps vivant
et de baiser sur cette bouche la naissance
de la voix qui m’est chère ?
J’ai tant rêvé de toi que mes bras habitués en étreignant ton ombre
à se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas
au contour de ton corps, peut-être.
Et que, devant l’apparence réelle de ce qui me hante
et me gouverne depuis des jours et des années
je deviendrais une ombre sans doute,
Ô balances sentimentales.
J’ai tant rêvé de toi qu’il n’est plus temps sans doute que je m’éveille.
Je dors debout, le corps exposé à toutes les apparences de la vie
et de l’amour et toi, la seule qui compte aujourd’hui pour moi,
je pourrais moins toucher ton front et tes lèvres que les premières lèvres
et le premier front venu.
J’ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé, couché avec ton fantôme
qu’il ne me reste plus peut-être, et pourtant,
qu’à être fantôme parmi les fantômes et plus ombre cent fois
que l’ombre qui se promène et se promènera allègrement
sur le cadran solaire de ta vie.
Robert DESNOS
Ce sont les mots de Paul Marie Lapointe qui feront de cet article un collier de vers en hommage à ces jardins que j'affectionne tout particulièrement, ceux du Palais Royal, où entre les pierres qui hier appartenaient à la monarchie et qui reviennent à la République aujourd'gui, je trouve bien souvent ce calme et cette tranquillité à l'ombre des allées de tilleul et au coeur des bosquets.
Silence dans la pierre poussière et jardin ici règne un passé faste,
Silence entre les murs dans la cour sans Cour où momentanément se pose le calme ciel de mai.
Un siècle retombe dans l’autre loin des agitations verbeuses,
et consommations sublimes dorures falbalas cuisses hautes.
Silence pause rectangulaire dans la fureur marchande
silence où l’on repose repus de bruits et discours loin des musiques mitraillées.
Silence où quatre allées sont disposées d’arbres ombrées,
de tilleuls quatre cent soixante arbres sur huit rangées?
Au cordeau tirées longuement s’allongent formant allées en allées.
Feuillages de tilleuls feuillages taillés dociles domestiqués,
bougeant à peine au souffle de mai ce matin.
Quatre allées voûtes vertes sont ainsi faites d’ombre ou de soleil,
selon le mouvement d’une feuille et d’autres constamment.
Quatre allées d’arbres encloses au pied de chaque tronc,
coiffé de verts divers près du sol émerge une feuille,
une tige parfois de tendre vert chacune ayant foré,
minuscule sous l’écorce le bois printanier,
poussant vers le ciel une sève impatiente.
Au pied de chaque tronc dans la poussière moulées,
cent pattes en étoiles de pigeons envolés.Papiers souillés mégots quelques brindilles.
Des bancs épars sous les arbres où rêvent lisent,
s’abandonnent des hommes des femmes de tous âges.
Vieillards sortis un moment du noir de l’oubli l’anonyme vie,
savourant les premiers ébats des corps les derniers éclats du parc,
avant la fin de tout des palais royaux de l’Histoire.
Vieilles dames solitaires abandonnées de tous jeunes gens oisifs,
dans la ville inutile jeunes filles du printemps paradant douces proies,
dévorées de regards de soifs enfants poussés dans des carrosses,
par des mères trop jeunes trop fraîches toujours prisonnières,
déjà d’écoliers absents qui s’échappent là-bas,
derrière les ballons vers les nuages infestés les miasmes de l’être,
bureaux commerces ateliers prisons où se tue le temps.Cour du Palais-Royal crissement des pas dans la poussière sablée des allées,
la rumeur diffuse de la ville tout autour s’étouffant promenade sans bruit,
glissement momentané des passants soulevant quelque peu cette poussière,
qui retombe aussitôt dans l’ordre des choses.
Au centre de tout cela qui n’est agité d’aucune guerre,
apparente loin des massacres et de la faim,
loin de la vie courante une vasque généreuse et fraîche,
où des fontaines richesse de cristal orgueilleusement,
déploient leurs eaux eaux d’artifices,
plus que parfaites se pavanant perruques et poudres,
jetées là pour la mort des rois jetées là,
dans le silence hurlé de mai.
Paul-Marie Lapointe
Par une fin de matinée déjà très estivale je suis partie à la recherche d'un petit havre de fraîcheur et de paix que j'ai trouvé au bout de l'ile de la Cité. Là où bon nombre de touristes montent dans les bateaux mouches et prennent un peu le large, laissant les autochtones à leurs stress habituel le temps d'une petite croisière sur la Seine, j'ai atteint le bout du square du Vert Galant pour observer la vie de la capitale de ce point de vue pittoresque qui reste finalement pour moi assez méconnu.
Admirant les toiles encore humides
Des artistes apprentis
Qui peignent les moments de la vie.
Une brise légère
Dans les pommiers aux fleurs fières.
Une feuille de dessin
Tombe entre mes mains.
Comme une apparition
Tu nais d’un coup de crayon.
Vaporeuses formes dans un fond brumeux
Tu te bats, te déformes, pour revenir des cieux.
Demoiselle aux jupes décousues
Jeune fille au visage déchu
Tu as dû être belle
Dans un passé immortel.
Dans le square que tu hantes
Tu m’attires dans ton antre
Tu joues à te cacher
Derrière les grands marronniers
Tes longs cheveux au vent
Dansent dans le temps.
Assise sur le banc
Les minutes défilent lentement.
De ton corsage défait
Sortent tes petits seins émoustillés
De ton jupon relevé
J’aperçois ta jarretière décrochée
Il est parti, a disparu
Depuis longtemps il n’est plu.
Mais toi ici qu’as tu fait ?
Petite pimprenelle décharnée
Lancinante musique du vieux Paris
Ton corps suit le rythme ravi
Le long du quai de Seine
Tu apparais comme une reine.
Ancienne maîtresse
Tu cherches la tendresse
Tu envies tous ces amants
Tu les guettes, tu les sens.
Fantomatique présence
Tu joues, tu danses
Tu veux les posséder
Spectre au coeur léger.
Assise sous l’Olivier de Bohème
Tu attends qu’ils se promènent
Voleuse du temps présent
Tu enfermes les baisers des amants".
(...)
SLM
Situé derrière le palais du Sénat, le jardin du Luxembourg, souvent appelé "Luco" par les parisiens, est un jardin qui trouve son origine sous le règne de Marie de Mécidics. Parcouru d'allées et de promenades, il offre sur 23 hectares un jardin à la française, des pelouses, un verger, un conservatoire de pommologie et un rucher. On y cultive des plantes de massifs destinés aux parterres du jardin et des serres abritant des fleurs et des plantes vertes destinées à la décoration de l'intérieur du Palais du Sénat.
Le premier jardin est réalisé sous la direction de Jacques Boyceau, un des grands spécialistes de son époque. Il dessine notamment une série de parterre asymétrique, entouré d'un double déambulatoire surélevé. En 1635, André Lenôtre réaménage l'ensemble. Chalgrin remodèle encore le jardin au début du XIXème siècle en apportant des terrasses intermédiaires, des perrons décorés de statues ainsi que les pelouses entourant le bassin central. C'est à partir de l'Empire que le jardin du Sénat est dédié aux enfants, amenant ainsi, kiosques, jeux, et voitures à chèvres. L'ancienne grotte de Mécidis est transformée sous le Second Empire en fontaine. Un plan d'eau lui fait alors office de miroir et la vénus de la niche centrale est remplacé par une sculpture représentant "Polyphème surprenant Galatée dans les bras d'Acis", que nous devons à Auguste Ottin.Sur l'ensemble de la superficie du jardin on compte 2200 arbres d'alignement, 740 arbres d'ombrage et quelques 35000 arbustes. Les 54000 m² de pelouses accompagnent les 2200 m² dédiés aux bassins.
"Cher et vieux Luxembourg !
C'est vers cinquante-six Que,
dans les environs du palais Médicis,
S'étaient logés mes bons parents, dans la pensée
Que je serais ainsi tout proche du lycée
Dont alors j'étais l'un des mauvais écoliers ;
Et le jardin royal, aux massifs réguliers,
Aux vastes boulingrins de verdure qu'embrasse
Le gracieux contour de sa double terrasse,
M'accueillit bien souvent, externe paresseux.
Parmi mes compagnons j'étais déjà de ceux
Qui ne supportent pas la routine ordinaire
Et font sécher des fleurs dans leur dictionnaire ;
Et, poète futur, quand les rayons derniers
Du soleil s'éteignaient sous les noirs marronniers
Et que je m'attardais, rêveur,au pied d'un arbre,
Il me semblait parfois que les dames de marbre,
Clotilde aux longs cheveux,
Jeanne écoutant ses voix,
Et la fière Stuart et la fine Valois,
Me jetaient des regards et me faisaient des signes.
Parfois encore, auprès de la maison des cygnes,
Par qui mon coeur naïf voulait se croire aimé ?
Quand je passe par là, dans certains jours de mai
Où l'haleine des fleurs semble plus odorante,
Je revis les bons jours de notre idylle errante.
J'habitais en famille, elle avait un jaloux,
Et souvent pour abris, vieux parc, ces rendez-vous,
Où l'amour me brûlait de ses ardeurs premières,
N'eurent que tes lilas et tes roses trémières.
Je n'obtenais, toujours au moindre bruit craintif,
Qu'une rapide étreinte et qu'un baiser furtif.
Pour effleurer son front de ma bouche affolée
Il fallait profiter du tournant d'une allée
Et reprendre aussitôt l'air distrait et flâneur
Devant le vieux gardien avec sa croix d'honneur
Mais nous avions vingt ans et c'était une fête
Et cette éternité d'amour que le Prophète
Promet aux vrais croyants au sein du paradis,
Oui, je la donnerais toute, je vous le dis,
Pour le moment si court où, dans la Pépinière,
Avec sa caressante et mignonne manière,
Se serrant sur mon coeur, elle me demanda
Ce long baiser que seule a vu la Velléda.
O parc royal, tu vis finir sa fantaisie,
Et lorsque la douleur m'apprit la poésie,
Caron ne sent tout son bonheur qu'en le perdant
C'est toi qui fus encor mon premier confident.
Triste enfant de Paris, né loin de la nature,
C'est grâce à ton charmant asile de verdure que je l'ai devinée et que je la connais ;
C'est par toi que, jeune homme à la chasse aux sonnets,
Sans les voir prés des joueurs de paume,
J'ai su que l'oiseau chante et que la fleur embaume ;
Et sous tes noirs rameaux je reviens aujourd'hui
Chercher la rime rare ou le mot juste enfui,
Et dans les. voluptés du rêve je m'enfonce,
A l'heure où le couchant saigne sous le quinconce
Et quand pour le départ roule au loin le tambour.
Pour toutes ces raisons je t'aime, ô Luxembourg !
Car ma jeunesse, hélas ! depuis longtemps passée,
Sur ton sable a semé son cœur et sa pensée,
Et mes premiers baisers comme mes premiers vers
Ont pris leur libre essor sous tes vieux arbres verts.
A toi je suis lié par un secret arcane.
Et quand je reviendrai, vieillard traînant ma canne,
Par quelque doux matin d'un automne attiédi,
Sur tes bancs au soleil me chauffer à midi,
Promets-moi, vieux jardin, témoin de mon aurore.
Quelque déception que me réserve encore
La volupté qui blase ou la gloire qui ment,
Que, devant une amante au bras de son amant,
Ou devant un rêveur qui va lisant un livre,
Le souvenir encor me rendra le cœur ivre
De ce qui l'enivrait en son doux floréal,
Et que je bénirai l'amour et l'idéal".
François Coppée
Paris compte 426 jardins, squares et parcs dont plus de 150 sont créés depuis 1977. Totalement, ils prennent une superficie de plus de 2 000 hectares, permettant ainsi aux habitants de ne pas oublier ce qu'est un espace vert et de pouvoir de temps en temps, se rapprocher un peu de la nature, d'un brin d'herbe ou d'un massif de fleurs, le monde végétal étant pour chacun d'entre nous, animal que nous sommes, un excellent moyen de se ressourcer dans l'environnement qui, il y a bien longtemps, était notre "milieu naturel"... des espaces verts sont ici évoqués par des vers...
Souvent associé au personnage de Buffon pour lequel il oeuvra beaucoup, Le jardin des plantes, situé de la grande galerie de l'évolution à la place Valhubert près des quais de seine, s'étend sur une superficie de 23,5 hectares. Alors qu'il est jardin royal des plantes médicinales au XVIIème siècle, il devient, sous le haut patronnage du célèbre naturaliste, un véritable jardin des plantes dont il prend littéralement l'appellation après la Révolution. Profitant des ressources que lui offre le grand établissement qu’il dirige et qu’il ne cesse d’enrichir, Buffon entreprend de tracer le tableau de la nature entière. Excellent administrateur, propriétaire terrien et juriste de formation, il agrandira considérablement le parc. La grande perspective longue de 500 m, s'étendant sur 3 hectares offre au regard du visiteur une vue incroyable sur l’ensemble des parterres à la françaises bordé de rideaux de platanes et de massifs qui fleurissent dès le mois d'avril. Mais le jardin des plantes c’est aussi des jardins spécialisés comme le jardin d'iris et de plantes vivaces présentant 150 variétés d'iris et une grande variété de plantes vivaces décoratives et de plantes grimpantes. De même le jardin alpin présente 2000 espèces de montagne et de terrain rocailleux ; mais aussi des serres retraçant l'histoire de la reine des fleurs et comptant près de 170 espèces ; et enfin la ménagerie qui attire toujours plus nombreux les jeunes enfants. Bref, comme Charles Trénet le disait, il s'agit bien d'un "jardin extraordinaire"....
Loin des noirs buildings et des passages cloutésY avait un bal que donnaient des primevèresDans un coin de verdure, les petites grenouilles chantaientUne chanson pour saluer la lune
"Sous ces arbres chéris, où j'allais à mon tour
Pour cueillir, en passant, seul, un brin de verveine,
Sous ces arbres charmants où votre fraîche haleine
Disputait au printemps tous les parfums du jour ;
Des enfants étaient là qui jouaient alentour ;
Et moi, pensant à vous, j'allais traînant ma peine ;
Et si de mon chagrin vous êtes incertaine
Vous ne pouvez pas l'être au moins de mon amour.
Mais qui saura jamais le mal qui me tourmente ?
Les fleurs des bois, dit-on, jadis ont deviné !
Antilope aux yeux noirs, dis, quelle est mon amante ?
Mais qui saura jamais le mal qui me tourmente ?
Les fleurs des bois, dit-on, jadis ont deviné !
Antilope aux yeux noirs, dis, quelle est mon amante ?
Ô lion, tu le sais, toi, mon noble enchaîné ;
Toi qui m'as vu pâlir lorsque sa main charmante
Se baissa doucement sur ton front incliné".
Alfred de Musset