Derrière les portes et les façades

Où Joséphine Baker reprend du service...

p9160583.jpgAh comme la paresse peut vous envahir parfois....Alors que j'avais pris la (mauvaise) habitude de délaisser mes habitudes rédactionnelles, le froid me rappelle à mes activités du coin du feu....(enfin plutôt du radiateur...). Alors pour reprendre le chemin des balades, des photos et des articles parfois sortis de pas grand chose, je publie ce soir un entrefilet qui attend que son auteur veuille bien le terminer (il convient tout de même de préciser que le dit article attend depuis la fin de l'été). Posté sur les ondes à cette époque il aurait été encore d'actualité, excusez donc cette légère péremption....

Pour reprendre le fil de mes pérégrinations parisiennes, je souhaite honorer et rendre hommage ce soir à un bâtiment que je connais bien pour la simple et bonne raison qu'il jouxta mes pénates durant quelques 12 années, durant lesquelles sa petite vie anima, à sa façon, la mienne et dont la danseuse qui prend la pose sur sa façade, croisa mon chemin plusieurs fois par jour, jusqu'à encore il y a peu. C'est en effet des nouveaux feux des Folies Bergère dont il s'agira ici.

Sans doute avez vous entendu parler des travaux de réfection dont le théâtre a fait l'objet, peut-p9160585.jpgêtre êtes vous même passé, par hasard ou pas, aux alentours et ainsi admiré le résultat. Après plusieurs semaines de travail patient, de bruits de marteau et autres perceuses, les murs et le toit (surtout le toit...) des Folies Bergères s’effeuillent et délaissent enfin les échaffaudages qui couvraient pudiquement l'illustre théâtre, pour laisser apparaître son nouveau visage aux parisiens du quartier qui aiment l'animation que le music-hall apporte à ces pâtés d'immeubles du coeur de Paris. Et je dois dire que le spectacle  de cette façade rutilante valait vraiment la peine de supporter la poussière extérieure et le bruit du labeur des ouvriers dès potron-minet à 8h00 en plein mois d’août....J'ai presque du mal à trouver l’adjectif adéquat pour décrire la finalité de cette entreprise de longue haleine : lumineuses, authentiques, nostalgiques, rutilantes, précieuses, immaculées, mais surtout parisiennes !  Oui, elles sont un peut tout cela à la fois. A l'image de cette apparition qui luisait sous le soleil des derniers jours de l'été, lorsque cette photo a été prise : cette danseuse qui est peut-être la résurgence d'une Joséphine Baker dont je vous livre avec plaisir les paroles d'une chanson que la dame aussi audacieuse que généreuse a peut-être freudonnée sur les planches des Folies Bergères qui resteront un peu dans la mémoire de ma petite vie parisienne...

"Paris... reine du monde
Paris... c'est une blonde
Le nez retroussé, l'air moqueur
Les yeux toujours rieurs
Tous ceux qui te connaissent
Grisés par tes caresses
S'en vont mais revienn'nt toujours
Paris... à tes amours !

La p'tit' femme de Paris
Malgré ce qu'on en dit
A les mêmes attraits
Que les autres oui, mais
Ell' possède à ravir
La manière d' s'en servir
Elle a perfectionné 
La façon de s' donner
Ça, c'est Paris ! 
Ça, c'est Paris !

Ce n'est pas la beauté
Dans un peplum drapé
Ell' s'habille d'un rien
Mais ce rien lui va bien.
Quand elle a dix-sept ans,
C'est un bouton d'printemps,
Mais l'bouton s'ouvrira
Et tout l'monde s'écriera...

Elle a des boniments
Tout à fait surprenants:
Vous lui dit's: Ma mignonn'
Viens danser l'charleston.
Quand elle est dans vos bras,
Ell' vous murmur' tout bas:
Qu'est-c'qu'y a sous ton veston?
Dis-le moi, Charles, est-c't'on.

Mesdam's, quand vos maris
Vienn'nt visiter Paris,
Laissez les venir seuls,
Vous tromper tant qu'ils veul'nt
Lorsqu'ils vous reviendront,
J'vous promets qu'ils sauront
Ce qu'un homm' doit savoir
Pour bien faire son devoir"

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Derrière les portes et les façades : "Où Mercure trône en en majesté"...

p5130447.jpgDepuis des années, je longe parfois la rue Bergère et comme tout le monde je passe devant l'imposante façade du n°14, dégoulinante du pompeux style pompier, cher à cette fin du XIXème siècle où les bouleversements successifs en tous genre empêchent de voir se distinguer un style plus qu'un autre, amenant ainsi à un curieux mélange artistique que l'on ne peut qualifier que des plus éclctiques. C'est donc de cette imposante bâtisse, mais néanmoins bien intéressante et ce à plus d'un titre, que je souhaite m'attarder aujourd'hui en consacrant un billet à ces quelques mètres de rue occupés par les locaux de la Banque Nationale de Paris. p5130448.jpg

Sous le regard impassible des cariatides qui posément font bonne figure sur le faite de l'établissement, de part et d'autre du clocheton rapellant que le temps c'est de l'argent et fixant un point imaginaire au loin dans la petite rue Rougemont qui monte vers les grands boulevards, il est impossible de ne pas être un peu interpellé par ce bâtiment qui a sa véritable histoire dans celle de Paris. Témoin non négligeable de l'architecture du XIXème siècle, le 14 de la rue Bergère reste un vestige de ce style architectural et décoratif que l'on retrouve à certaines adresses de la capitale. 
p5130450.jpgDétournons nous du cadran qui nous rappelle le temps qui passe et plongeons quelques instants le regard dans celui des allégories et de cette imposante figure qui garde l'entrée de l'établissement bancaire pour remonter le temps à l'époque où cette imposante façade est encore en chantier ...
A l'origine il s'agissait de l'immeuble de la CNEP (Comptoir National d'Escompte de Paris), l'ancêtre de la BNP....Au XIXème siècle le siège social de la CNEP est transféré au 14 de la rue Bergère, dans cet hôtel réalisé par Edouard Corroyer, ancien élève d'Eugène Viollet le Duc, qui pour ce faire se fait aider par de grands noms de l'époque : Aimé p5130453.jpgMillet pour la statuaire, Villeminot pour les ornements Charles Lameire et Gian Domenico pour les mosaïques représentant  avec finesse les cinq continents à l'extérieur ainsi qu' Edouard Didron pour les vitraux et Christofle pour les lanternes qui courent le long de la rue. Des noms qui laissent deviner le prestige que l'on veut alors conférer aux locaux de cette entreprise parisien.

En effet, si les volumes architecturaux sont imposants, le souci du détail et du raffinement intérieur prouvent que ce chantier était important pour les commanditaires qui souhaitaient sans doute faire de cette réalisation une vitrine de leur entreprise. La construction de l’hôtel du comptoir se déroule sur plusieurs décennies de 1851 date à laquelle la CNEP s'installe puis rachète le terrain pour p5130456.jpgengager les travaux de restructuration du bâtiment qu'elle occupe alors. Le chantier est un travail au long cours. En effet, le bâtiment tel qu'on le connait aujourd'hui est achevé en 1913, même si comme on peut le voir, l’architecte appose son estampille en 1882.....le temps que l'éclectisme puisse porter son nom glanant ainsi sur quelques décennies diverses caractristiques architecturales et artistiques.
Je ne m'attarderai qu'aux façades vermiculées et à l'extérieur du bâtiment mais sachez que l'intérieur (que je n'ai néanmoins pas visité) est parait il d'une grande beauté.
Apparaissant du haut de la petite rue Rougement (presque trop petite pour lui) le bâtiment se compose d'un ensemble architectural que j'ai qualifié en début d'article d’éclectique, et cela me semble être assez approprié.....référence à l'antique, mais aussi au classique et quelque part un peu au baroque également, tout y passe, les cariatides qui observe de part et d'autre d'un regard qui flirte entre l'ingénu et le candide, pour ne pas dire une certaine mièvrerie, le style pompier était assez fort pour ça, il faut bien le dire... 
Sous le clocheton et son cadran, quatre médaillons en mosaïque représentant les 5 continents s'alignent p5130454.jpgsur le fronton triangulaire. Des éléments décoratifs en veux tu en voilà surgissent de part et d'autre de l'ensemble qui reste néanmoins équilibré même si tout ne semble pas cohérent...la jolie couleur pâle de la pierre vient adoucir la statuaire principale un peu trop lourde représentée par les traits du dieu du Commerce, Mercure, que l'on reconnait facilement à sa couronne de laurier, le coq trenu dans la main  droite, et le caducée dans la main gauche. Le regard atone et vague propre à la statuaire figée dans l’éternité...... Les élégants "fluctuat" qui surgissent en haut des façades viennent rappeller discrètement l’origine parisienne de l’entreprise occupant les lieux.
Bref, ce bâtiment étonne et détonne dans cette petite rue tranquille. La majesté des volumes et le souci du détail contrastent presque avec le reste des immeubles.
En 2009 le bâtiment a subi quelques travaux de toilettage permettant de retrouver le faste et le décorum original. Après trois années de travaux le 14 est le premier immeuble réhabilité et inscrit a l'inventaire supplémentaire des monuments historiques à obtenir la certification Haute Qualité Environnementale (HQE), prouvant ainsi que l'on peut associer conservation du patrimoine et développement durable. Souhaitons que cet exemple soit suivi...
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Derrière les portes et les façades : "la pagode de Madame Morin"

p5080431.jpgIl existe au coeur du très calme et non moins chic VIIème arrondissement parisien, un petit cocon, que dis je un écrin, fait de verdure et de singularité orientalisante qui n'est ma foi guère connu des parisiens eux même tant il est retranché, mais dont le mystère lui confère la promesse d'une véritable parenthèse de tranquillité...

C'est un peu par hasard que je suis passée dans ce havre de fraîcheur et de quiétude verdoyante. Pour graver encore un peu plus ces instants précieux dans ma mémoire de parisienne, je les couche noir sur blanc sur ces pages et qui sait, vous donner par la même occasion l'envie de trouver cet endroit qui n'est pas sans rappeler une autre adresse que j'avais évoqué l'été dernier dans un autre billet : l'étrange résidence de M. Loo, rue de Courcelles, mais dont l'apparence et l'histoirep5080439.jpg diffère quelque peu de celle de ce soir. En effet, là bas sous la rigidité de l'empire du soleil levant le monde muséal, ici dans la pénombre et le mystère des rêves japonisants, celui de la fête parisienne exotique.....

Mais revenons à cette étrange bâtisse qui fait l'angle de la rue de Babylone et de la rue Monsieur. Elle surprend le passant car enfouie dans sa végétation exotique, elle fait preuve d'une discrétion qui ne peut que plaire aux promeneurs désireux de se retirer du Paris animé et de se déconnecter, le temps de quelques instants, de l'espace temps et de l'habituel p5080443.jpggris parisien.... 

Passez le porche d'entrée ployant sous les feuillages et vous entrerez alors dans une demie pénombre qu'offre l'admirable hauteur de la pagode en elle même mais aussi cet écran vert que l'on a choisit de faire grimper pour mieux abriter l'intimité de ce lieu aussi inattendu que singulier. 

Quelques dalles d'un chemin japonisant plus loin, vous vous retrouvez alors face à la Pagode de Mme Morin...

L'élaboration de ce chantier témoigne d'une grande qualité puisque certains éléments proviennent directement du Japon, comme l’impressionnante charpente sculptée. Derrière les hauteurs de bois exotiques, le clou du spectacle est certainement la fameuse "salle japonisante", centre de tous les regards et de toutes les curiosités lors des fêtes costumées dont le tout Paris raffolait à l'aube du siècle nouveau. Le souci du détail compte pour le commanditairep5080440.jpg afin de plaire à celle qu'il souhaitait émerveiller de ces feux orientalisants.

L'impression que transmet ce cadre unique en plein Paris est réellement singulière. La palette de couleurs est froide, à l'inverse de la maison de M. Loo où le rouge et le doré prédominent. Ici les bruns et les verts se marient pour une ambiance mystérieuse et pour le moins envoûtante. Les essences diverses, les pierres et les métaux s'allient aux feuillages luxuriants accentuant encore un peu le caractère feutré et caché de cette maison définitivement pas comme les autres. L'ambiance y est clame, douce et résolument intriguante...Mais que se cache t il derrières cette pagode et ces sombres cloisons ouvragées, gardées par quelques masques excentriques et une faune étrange ? 


p5080437.jpgIl convient en effet de vous conter la douce histoire, non dénuée de romantisme, de ces murs mystérieux. Devant le silence que cette façade inspire, comment pourrait il en être autrement ?

Symbole d'un amour parisien de la fin  du XIXème siècle alors bruissant de ce qu'on allait appeler quelques années à peine plus tard "l'art nouveau", la pagode de la rue de Babylone est commandée en 1895, par M. Morin (propriétaire du célèbre "Bon Marché" situé à quelques encablures de là), à l'architecte Alexandre Marcel. La mode étant vouée depuis des décennies à l'orientalisme c'est donc à travers ce style architectural exotique que notre ami fait ériger cette demeure.

Dans le but ? Et bien celui de reconquérir son épouse...qu'avait il donc à se reprocher ce magnat du commerce, à se faire pardonner ou à demander pourp5080435.jpg entreprendre d'aussi grands travaux ? La réponse ne se lit pas sur les détails pour le moins foisonnants de la façade sculptée et ce n'est pas non plus les deux lions qui gardent l'entrée de la pagode qui m'en diront davantage.....Sans doute que cette réponse restera entre les deux époux qui profitèrent de cette petite folie parisienne pour organiser des réceptions qui resteront dans la mémoire de la société huppée de cette toute fin du XIXème siècle.

L'argent ne faisant pas le bonheur, la pagode ne portera pas chance au mari amoureux puisque Mme Morin quittera définitivement son époux l'année suivante pour rejoindre son associé.....les ors et les stucs n'étaient manifestement pas suffisants pour satisfaire la dame.....Il paraîtrait que les femmes n'ont guère p5080433.jpgbesoin de palaces et de châteaux mais simplement de tendresse et d'amour véritable ? Et si l'histoire de cette pagode désertée par sa destinataire en était la preuve ?
Si Mme Morin  n'a pas été définitivement séduite par l’entreprise de son mari et que ce cadeau ne suffit pas pour qu'elle restât à ses cotés, il n'en demeure pas moins que ce bâtiment perpétue le témoignage d'un amour orientalisant qui profite néanmoins encore aux cinéphiles puisqu'aujourd'hui une jeune équipe s'est attachée à perpétuer l'esprit de créativité artistique en faisant de cette adresse un cinéma parisien à l'âme bien particulière......

Et qui sait le fantôme de Mme Morin flotte il peut-être un peu entre les ors de la salle japonaise derrière les stucs ouvragés et les tentures murales..... ? 


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Derrière les portes et les façades : "Les enfants de Bel Air"...

p4220365.jpgTout près de la place de la Nation, avenue du Bel Air, l'air et frais, l'air est même beau, pour suivre littéralement la plaque indiquant l'adresse dont il s'agira ce soir dans ce nouveau billet "Derrière les portes et les façades".....Devant le numéro 17, il suffit de lever les yeux pour remonter le temps....et ainsi rejoindre cette époque que l'on qualifiait de "Belle", cette époque un peu bénie, encore préservée des conflits mondiaux qui allait survenir dans ce XXème siècle pétri de bouleversements et de modernité.  

En cette année 1905, à laquelle ce bâtiment est construit sous la direction de l’architecte Falp pour répondre à la commande de  M. Guillaumet, les enfants jouent encore au cerceau dans les jardins publics et les couples dansent sous les kiosques à musique, tout bruissants de légèreté et de joie de vivre. Un esprit qui se lit de façon limpide sur ce bâtiment où les sculptures féminines quelques peu envahissantes mais néanmoins charmantes se mêlant aux visages d'enfants évoquent la sphère familiale et un charme désuet plein de sensualité et d’insouciance. Celle là même caractérisant les décors qui fleurissaient littéralement pendant cette période de l'Art Nouveau.

"Sympathiquement naïf" comme se plait à indiquer un autre observateur de cesp4220367.jpg façades parisiennes estampillées par ce sculpteur, l'oeuvre de C. Ardouin puisque c'est de lui dont il s'agit ici pour ce travail de sculpture, est certainement assez approprié dans cette oeuvre aussi abondante que légère.
L'avenue du Bel air porte donc bien son nom...elle évoque la Belle Epoque, à travers ces visages qui surgissent de la pierre sur cette façade claire et lumineuse, inspirant spontanément l'idée que les occupants de ce numéro 17 ne peuvent être rien d'autre qu'une famille heureuse et pour le moins nombreuse ! En effet ce ne ne sont pas moins d'une dizaine de bambins aux visages et aux traits bien expressifs qui se suivent dans une ribambelle de sourires et de regards aussi malicieux que mutins, placés sur le linteau de la porte d'entrée si large et accueillante. Entourant une jeune femme qui n'est pas sans évoquer l'image de la sacro sainte maternité, ils affichent autant d'expressions différentes que peut compter une famille nombreuse. 
p4220372.jpgCette innocence que la guerre ne semble pas encore avoir écorché apparait ici à jamais préservée... Ces visages d'enfants dont l'âge  et les traits se confondent ici dans la pierre et figé pour l’éternité. Mais qui les a inspiré ? La progéniture du sculpteur ? ou bien celle du commanditaire ? Le temps s'est en tout cas arrêté au n°17, empêchant les enfants de grandir, leur laissant leur malice et leur fantaisie, propre à cet âge innocent des premières années de la vie. Ces visages qui sont si proches tant sur l'espace qui leur est attribué que dans la similitude des traits, laissent à penser qu'il s'agit bien d'une même portée... même si ceux ci expriment suffisamment de personnalités différentes.
Mélange de tendresse et de malice, de cette osmose entre une mère et ses enfants dans une une douceur qui n'appartient qu'à cette sphère gfamilaile privilégiée, l'artiste a su transmettre à la postérité une image traditionnelle de la famille qui reste pilier de la société, quelle que soit l'époque.  
Mais quoi qu'il en soit, si vous passez sous le numéro 17 du boulevard de Bel Air, alors que les fenêtres sont ouvertes, vous entendrez certainement des rires d'enfants et l'expression joyeuse d'une famille nombreuse mais néanmoins bien heureuse....

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Derrière les portes et les façades : "Un castel pas si dérangé"...

dscn6181.jpgIl était une fois l'histoire d'une veuve qui, en guise d’investissement, souhaitait faire construire un immeuble de rapport qui lui permettrait de louer quelques 36 appartements à loyers modérés. Pour mener à bien ce chantier d'envergure, elle fit appel à un jeune architecte qui profita de ce projet pour lancer une carrière aussi longue que florissante lui permettant ainsi de poser les jalons d'un art que l'on allait bientôt qualifier de Nouveau....
Ces quelques ligne d'introduction aux accents littéraires d'un conte me permettent de présenter hâtivement l’histoire du bâtiment parisien dont il s'agira ce soir.
Pour continuer de planter le décor, la veuve en question s'appelle Elisabeth Fournier, le lieu qu'elle a choisi d'investir pour son projet immobilier est situé au 14, rue La Fontaine, dans le très chic et très calme XVIème arrondissement. Et le jeune architecte à qui elle confie ce travail monumental en cette année 1895 s’appelle Hector....Hectordscn6176.jpg Guimard pour être précise. Un ouvrage de taille qui va mener le jeune prodige de la pierre et de la ferraille sur les marches de la notoriété, mais surtout de l'innovation aussi bien architecturale que décorative. Ce lieu que l'on qualifiera rapidement d'étrange, d'insolite, voire de diabolique porte le nom d'une résidence, que l'on pourrait presque d'ailleurs retrouver dans un conte... le "Castel Béranger".
Si l'immeuble dans son ensemble ne présente pas de particularités qui le distingue d'un autre, c'est dans le détail qu'il sort du pâté de maison dans lequel il est coincé. Il faut donc s'approcher et scruter chacune des fenêtres, leur encadrement, les frises et les portes pour comprendre avec quel souci, notamment dans la finition, Guimard s'est attaché à remplir sa mission.
dscn6177.jpgC'est donc entre 1895 et 1898 que ce chantier de grande ampleur prend forme pour les affaires de Mme Fournier. A cette époque, Guimard qui se cherche encore va appliquer les principes nés de ses rencontres avec Victor Horta mais surtout Eugène Viollet le Duc à qui l'on doit l'empreinte moyen-ageuse laissée sur la bâtisse.
Sur la base des principes préconisés par son maître qui prône le rejet de la planéité et de la symétrie, Guimard use de bien des registres que ce soit dans les formes et les éléments architecturaux : bow window, loggia, balcons qui s'opposent aux petites échauguettes d'influence moyen-âgeuse, mais aussi dans les matériaux utilisés très variés : pierre, panneaux de grès vernissé, ferronnerie, briques roses pâles, pierre meulière, faisant ainsi naître un ensemble d'éléments dans le même bâtiment. De ce fait, un certain éclectisme se dégage spontanément de cette adresse qui contribue grandement à son aspect insolite, néanmoins temporisée par une douce harmonie de coloris. Ainsi, douceur et modernité se marient ici en toute simplicité dans des volumes et des proportions qui évoquent déjà presque ce qui suivra l'Art Nouveau. 

Mais celle qui prend tout sa place, celle qui est véritablement la maîtresse de maisondscn6182.jpg
à cette adresse, c'est bien la ligne....elle règne sur cette façade qui semble façonnée par l'étrange. En plus de donner le "LA" architectural, elle apporte une identité et une âme particulière à ce qui fait de cet amoncellement de briques de pierres et d'ardoises, un immeuble élégant. Sinueuse, elle ondule, telle une onde imaginaire, elle épouse, que dis je elle naît de la pierre d'une façon si fine et si naturelle qu'elle semble avoir toujours été imprimée dans le matériau. 

Serpentant, courant, contournant parfois l'arrête que lui a donné l’architecte, de la ligne un peu folle de la grille d'entrée à l'empreinte à peine laissé sur les pilastres, elle accompagne le regard du promeneur et de l'habitant, du bas du trottoir jusqu'aux toits. Les lignes se croisent, s'entrecroisent dans une osmose qui fera la marque de l'architecte et qui se retrouvera dans toutes ses oeuvres, y compris urbaines. Cette ligne sinueuse qui fera la signature de Guimard et qui se retrouvera ensuite sur bon nombre d'éléments de l'urbanisme parisien prend sa naissance sur ce bâtiment.
dscn6179.jpgSi Guimard doit inventer formes et volumes, son cahier des charges comporte également la décoration intérieure de l'immeuble, ce qui fait de cette oeuvre magistrale le spécimen du principe fondamental de l'Art Nouveau : l'unité complète de l'oeuvre. Et comme la propriétaire des lieux lui laisse carte blanche, Guimard en profite pour s'en donner à coeur joie, faisant preuve jusque dans les plus petits détails d'une originalité et d'une inventivité à toute épreuve. Ainsi, de la grille d'entrée aux poignées de portes en porcelaine, tout est pensé, imaginé, conçu et réalisé dans une minutie qui n'a d'égal que le raffinement. Un immeuble de rapport à loyers (dit "modérés"), bien luxueux...
Cette pluralité dont il témoigne ostensiblement à travers la réalisation du Castel Béranger reflète l'ensemble de l'oeuvre de l'architecte et reste un bel exemple de ses oeuvres de jeunesse souvent marquées par des tonalités claires et à l'esprit joyeux, et  cette ligne parfois un peu folle mais toujours élégante qui court sur les bow windows et qui fait la joie des encadrements de fenêtres.
Les éléments décoratifs extérieurs témoignent de l'imagination débordante de leur dscn6173.jpgauteur : le bestiaire fantastique en est un beau témoignage : la façade est en effet peuplée d'animaux aussi insolites les uns que les autres...hypocampes, chats, volatiles, petits crustacés....se croisent dans un jeu de couleur aussi raffinées qu'originales. Les matériaux se marient aussi judicieusement que les lignes se croisent et se décroisent dans une fluidité cohérente. 
Insolite est donc le mot qui vient à l’esprit du promeneur qui passe devant cette étrangeté urbaine. Un adjectif qui reste presque encore faible car cette oeuvre plus qu'originale est bel et bien baroque, excentrique et étonnante, même quelques 120 ans plus tard et laisse inévitablement toujours le passant et le visiteur assez songeur....Imaginez donc quel effet cet ovni architectural a pu faire sur les parisiens de cette toute fin du XIXème siècle, les critiques acerbes avaient bien parlé du "Castel dérangé" et de "la maison du diable", des appellations moqueuses qui montrent combien la façade a pu intrigué.....sans doute que les principes visionnaires de Guimard étaient réellement précurseurs...
"Le Castel Guimarisé", s'il a reçu un accueil mitigé à l'aube du XXème siècle (prix du 1er concours des façades de la ville de Paris en 1898 tout de même), continue de faire parler et suscite depuis des décennies un véritable intérêt, de la part des initiés qui s'intéressent à l'Art Nouveau et à l'architecture mais aussi par les pouvoirs publics qui le classent en 1992 au titre des Monuments Historiques.
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Derrière les portes et les façades : "Où Gambrinus retrouve Ronald"

p4070317.jpgDepuis quelques temps, j'avais envie de consacrer un billet siglé "Derrière les portes et les façades" à l'une de ces devantures parisienne qui ne passent pas inaperçues. Un bâtiment inattendu et pour le moins original qui se trouve en plein coeur de Paris mais qui vous fait un peu oublier sur l'espace de quelques mètres carrés que vous êtes dans une capitale où les caractéristiques urbaines sont principalement faites de béton, de pierre, de gris et d'ardoises.

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Le jour où j'ai voulu m'attaquer à ce sujet, je suis sortie parée de mon appareil pour arriver devant une série d’échafaudage et de bâches cachant la dite façade...Ce n’était visiblement pas mon jour ni au tour de ce numéro de faire la une de mon blog. Mais attendre la fin des travaux ne fut pas une mauvais chose car le monument que je vais évoquer ce soir a aujourd'hui retrouvé son éclat et son attrait d'antan que les années de pollution parisienne avaient probablement un peu trop patiné et terni.
Les parisiens du quartier St Lazare seront peut-être heureux du clin d'oeil que je vais leur faire en parlant ici du "Roi de la Bière"...Alors non pas d'apologie du houblon ni des soirées arrosées (je ne me renierai pas), car il s'agit bien d'évoquer une adresse, celle du 119, rue St Lazare, un numéro qui se situe entre la Cour de Rome et la Cour du Havre. Là, en 1892, l'architecte Chausson bâtit un premier restaurant qui est modifié deux ans plus tard, à la demande du restaurateur alsacien Jacqueminot Graff, par Paul Marbeau. C'est à ce moment là que la façade prend son caractère typiquement p4070323.jpgalsacien qu'on lui connait aujourd'hui, par la présence de son truculent "roi de la bière", le bien nommé Gambrinus et de cette cigogne qui depuis cette date a élu domicile au faite de cet immeuble fait de brique et de pans de bois plaqués. Deux éléments originaux qui font de ce bâtiment un monument inscrit au titre des monuments historiques en 1997.

Si cette adresse est communément appelé "Au roi de la bière", c'est tout simplement en référence à son hôte, Gambrinus donc, qui lève en permanence son verre au passage du flot de touristes et autres autochtones de ce quartier animé, mais par la même occasion invite et accueille les ventres affamés puisqu'à la suite du restaurant typiquement alsacien s'est installé un des multiples clones de la plus grande chaîne de fast food au monde, le restaurant américain au grand M.....p4070321.jpg

Mais qui est Gambrinus ? Personnage légendaire, carillonneur de son état, qui par dépit amoureux vendit son âme au diable. Selon la légende, ce dernier le fit semeur de houblon qui deviendrait par la suite le breuvage cher au coeur des amateurs de bière. Symbole de la bière donc, mais aussi de la joie de vivre et de la bonne humeur typique des Flandres et de la Belgique il fut sans doute choisit par l'architecte et son commanditaire alsacien pour attirer les clients dans une maison qui se voulait chaleureuse, accueillante et réconfortante, un peu à l'image de la restauration alsacienne et de sa boisson mordorée. Il faut dire que cette gouaille qui s'affiche toute l'année, qu'il neige ou qu'il vente, sur la devanture a un côté un peu vendeur...

p4070318.jpgMais outre le côté historique, le folklore et l’originalité de ce bâtiment, je vois également à travers cette façade bon nombre d'oppositions et de paradoxes, reflets de nos sociétés actuelles. En effet, comment ne pas penser aux décalages qu'elle évoque et qu'elle sous entend ?

Décalage temporel, entre le passé et le présent, géographique et sociologique entre le régionalisme et l'internationalisme mais aussi entre le terroir d'hier et l'alimentation du fast food d'aujourd'hui, la tradition et le modernisme, entre la personnalité d'unep4070327.jpg région, de ses légendes, de ses coutumes et l'anonymat universel qui fait un peu partie de notre société contemporaine.

Des oppositions qui vont jusqu'aux "mascottes" de l'ancien restaurant et de la chaîne du tout rapide à travers ce Gambrinus à l'extérieur et l'inévitable statue jaune et rouge de Ronald Mc Donald qui trône toujours quelque part dans ces salles de restauration rapide. 

Si la choucroute n'est plus au menu de ce restaurant, il est deux choses qui ne changent pas, c'est le sourire de Gambrinus et la présence de cette cigogne qui n'est pas prête de rejoindre ses consoeurs alsaciennes....

Derrière les portes et les façades : "Le bouquet de chardons de M. Muller"

pb120051.jpgDans la petite rue Claude Chahu, on trouve quelques bacs de géraniums aux fenêtres et parfois une ou deux plantes vertes aux balcons. Des fleurs qui apportent un peu de verdure dans ce quartier résidentiel parisien du 16ème arrondissement, cossu et tranquille malgré l'animation toute proche de la rue de Passy. Mais en s'arrêtant au n°2, on s’aperçoit facilement que les occupants de cet immeuble de cinq étages n'ont guère besoin d'ajouter une note végétale à l'encadrement de leurs fenêtres. En effet, là, de la porte aux mansardes du dernier étage, l'ensemble des ouvertures est placé sous le signe du monde végétal, et plus précisément sous le règne du chardon.

De loin, il est presque impossible de ne pas remarquer cet immeuble qui se détache de l’uniformité architecturale de la petite rue très paisible. Si les volumes en eux mêmes restent plus ou moins fidèles aux constructions parisiennes, l'ensemble vert-bleuté ne passe pour le coup pas inaperçu faisant presque figure d'étrangeté anachronique, que ce soit dans les couleurs utilisées comme dans les motifs décoratifs. D'ailleurs cette oeuvre exubérante est bien celle d'une carrière puisque l'architecte Charles Klein à qui l'on doit cette originalité ne réalisera pas d'autres chantiers parisiens (les chardons auraient ils provoqué des réactions épidermique ?) et signera la fin de celle du céramiste Emile Muller.
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L'entreprise des deux hommes me semble se situer dans la "juste démesure" des chantiers architecturaux parisiens de la belle époque. En effet, alors que Barbaud et Bauhain restent dans un registre décoratif sage et classique, reprenant une symbolique déjà couramment utilisée, le duo choisit une forme plus expressive sans pour autant tomber comme l'équipe Lavirotte, Alaphilippe, et Bigot (déjà évoquée avec le Ceramic Hotel), ou celle de la rue d'Abbeville, dans une exubérance presque grossière. Un style particulier qui se distingue aussi d'un autre registre encore différent, celui du génial Guimard, nettement plus élégant et raffiné, autrement plus parisien, exécutant des réalisations d'une grande beauté qui contribueront à sa renommée internationale.

Mais revenons, non pas à nos moutons, mais à nos chardons (encore que les deux se retrouvent parfois dans un champs, mais je crois que par là je m'égare....). Car c'est bien le chardon qui est à l'honneur sur cette façade, enfin ces deux façades devrais je dire puisque cet immeuble fait en réalité l'angle des rues Claude Chahu et Eugène Manuel. En dehors de huit têtes échevelées qui coiffent deux encorbellements au niveau du 2ème étage, toutes les surface pouvant être décorées, notamment les lignes de construction pb120053.jpgde l’édifice, comme les angles, les arrêtes, les linteaux et les soubassements) font appel à l'image du chardon, que ce soit à travers les fleurs bien sûr qui apportent une douce note rose pâle dans cet univers bleuté, mais aussi les feuilles et les tiges. Des tiges qui sont clairement évoquées à travers le très beau travail de ferronnerie  de Dondelinger sur la porte d'entrée principale.

L'utilisation massive du grès flammé en céramique dégoulinant littéralement sur ces deux façades traduit une mode particulière, propre au début du XXème siècle. Plantes quasi aquatiques du fait de cette couleur turquoise et de cette souplesse dans les lignes, ces "carduus" n'ont rien de très agressif mais invitent presque à entrer dans la douceur et la tranquillité d'un habitat cosy. C'est peut être pour cela que les chardons de M. Muller obtiennent le prix des façades de la ville de Paris en 1903 et le respect des monuments historiques en 1986 qui portent dès lors cet immeuble à leur classement.

Mais alors pourquoi un chardon ? Je ne suis pas sûre que l’architecte ni mêmepb120052.jpg le céramiste soient d’origine écossaise. L'utilisation aussi prononcée de cette plante piquante des terrains austères qui ne présente aucun intérêt et que l'on classe le plus souvent au rang de mauvaise herbe est elle symbolique ? C'est en effet bien possible, car même si cette fleur qui symbolise bien souvent la douleur du Christ et de la Vierge (mais aussi l'image de la vertu protégée par ses piquants), ne semblent pas répondre à une référence religieuse ici, je vois plutôt dans l'utilisation plus que massive de ces plantes jugées agressives, l'emblème de la ville de Nancy, dont le lorrain Emile Muller était probablement proche pour avoir contribué aux travaux de cet important foyer de l'art nouveau, l'Ecole de Nancy.
Une explication peut être plus tangible que celle qui voudrait que la présence de ces fleurs réponde à la demande précise du commanditaire de ce chantier, ou bien du futur propriétaire qui serait d'origine écossaise, ou tout simplement fétichiste... 
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Le chardon ou la rose ?
La rose ou le chardon ?
Méli-mélo de roses,
de roses et de chardons.

Une question se pose :
où ira le bourdon ?
Sur l’odorante rose
ou le piquant chardon ?

Sur la tombe de Rose,
un peu à l’abandon,
un vieil homme morose
se pose la question.

Bien loin le temps où Rose
partageait l’édredon,
l’amour se décompose
et devient moribond.

Pour chercher d’autres roses
il avait fait faux-bond,
il regrette la chose
et quête le pardon.

Le chardon ou la rose ?
La rose ou le chardon ?
Une question se pose :
où ira le bourdon ?

Sur la tombe de Rose,
un peu à l’abandon,
un vieil homme dépose
des larmes de saison.

Pierre DUPUIS- "La rose ou le chardon"

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Derrière les portes et les façades : "Rue d'Abbeville, j'ai rencontré la grâce"

pb130080.jpgPlusieurs fois déjà j'ai illustré mes billets par les traits de celles qui seront ce soir les héroïnes de mon roman photo. Non loin de la gare du Nord, dans la petite rue d'Abbeville (qui doit son nom à la proximité de la Gare qui dessert cette ville de la Somme), habitent quatre grâces (oui j'ai bien dit quatre, la mythologie grecque s'est plantée, on a toujours oublié la quatrième, la plus belle, que j'ai donc retrouvé dans cette rue qui sépare le 9è du 10ème arrondissement).

Là, au numéro 16, en 1899 on construit durant les prémices de ce qu'on appellera quelques années plus tardpb010005.jpg "l'Art nouveau", sous la direction de l'architecte Massa, un immeuble qui occupe tout l'angle de la rue du Faubourg Poissonnière et de la rue d’Abbeville.  Au niveau du premier étage, s'offrent au regard du passant, quatre demoiselles, chargées de soutenir les bow windows qui font de cet immeuble un ensemble cosy dans lequel on s'imaginerait bien s'inviter pour prendre une tasse de thé...
Le premier duo orne l'encorbellement de la façade d'angle, tandis que le second décore celui de la façade de la rue d'Abbeville. Si ce numéro 16 qui est à l'honneur ce soir n'affiche qu'un décor discret comparé à celui du n°14, nettement plus délirant faisant à lui tout seul la personnalité de ce pâté d'immeuble ; cet ensemble architectural, de par la présence de ces dames, est certainement l'un des immeubles que je préfère dans la capitale et une adresse bien connue des amateurs de façades Art Nouveau.

pb130076.jpgEn effet, à chaque fois que j'ai croisé le regard de ces apparitions, celles ci m'ont laissé dans une rêverie aussi douce que dubitative, suscitant à chaque prise de vue de nouvelles questions sur leur raison d'être, leur origine, leur présence, ces sourires ajoutant encore un peu plus de mystère. Oui, c'est bien au numéro 16 de la rue d'Abbeville que j'ai croisé la grâce et la beauté. 

Si l'on a parfois reproché à ces modèles grandeur nature (que l'on souhaiterait voir soudain se mouvoir), d'être un peu trop rigides dans leur mouvement et de manquer de souplesse dans leur posture, il convient tout de même de se rappeller que depuis plus de 110 ans, ces demoiselles gardent la pose sans broncher....
Le long de la travée verticale de bow window qu'elles soutiennent avec dévouement, la façade est décorée d'ornements faits de mascarons,pb010004.jpg consoles, grappes de fleurs et de fruits et d'un large cartouche dans lequel était placé à l'origine un angelot. Cette profusion de décors soigneusement agencés, donne une allure générale harmonieuse et élégante, à l'inverse, il me semble de l'exubérance de son voisin le n°14, dont je serai amenée à reparler d'ici peu.

A chaque fois que je surprends ces sourires coquins et ces doux regards, une question me revient et me taraude ...Quel est le modèle féminin qui a prêté ses traits, aujourd'hui immortalisés dans la pierre ? Quelle est la, ou les donzelles qui ont inspiré M. Dupuy, dont le ciseau habile a découpé des formes aussi charmantes et ciselé des traits aussi gracieux ?

pb010002.jpgIl est plaisant de pouvoir devant ces visages à jamais figés, imaginer l'histoire secrète de ces dames au sourire mutin et au déhanchement suggestif....Quelle égérie est à l'origine de ces regards et de ces seins à demi dévoilés ? Une danseuse de cabaret ou bien l'image fantasmée d'une sage dulcinées dont la main aurait été refusée au sculpteur amoureux ?

Connivence et complicité lient toutefois ces quatre apparitions que l'on peut également rattacher à la symbolique : Est ce une interprétation des quatre saisons ? Ou bien la représentation des trois grâces auxquelles l'artiste aurait ajouté l'image d'un modèle connu et aimé, une muse devant laquelle il serait resté subjugué et qu'il aurait voulu aligner au rang de personnage mythique ?pb130078.jpg

Quoi qu'il en soit et quelle que soit l'origine de ces visages délicats, l'artiste aura pris un malin plaisir à laisser entrevoir sous un voile aussi pudique que léger, les formes féminines affichées au regard du tout venant. Une nudité affirmée que le temps s'est chargé de couvrir de poussière et de lichen et pb130079.jpgainsi cacher ce qu'il jugeait sans doute un peu trop découvert.

Un supplément de pudeur qui ne déride pas pour autant ces dames qui, sous ce drôle de maquillage, restent impassibles, toutes occupées qu'elles sont à remplir leur destinée aussi tragique que fantastique : soutenir dans le vide ces encorbellements, le sourire et le regard restant à jamais immobiles, perdues dans des pensées que seul la main de l'artiste connait....

D'ailleurs, impossible de savoir si ces visages ont réellement existé ou s'ils sont sortis de l'imagination de Dupuy, mais moi, depuis que j'ai entendu une chanson de Bashung en passant sous ces corps graciles, j'aime à appeller ces apparitions "Léonie", parce que vues sous un certain angle, comme dans la chanson...elles semblent "faire l'avion"....

Mais ces sourire mystérieux et ces mouvements ensorcelants jouant avec la lumière du soleil ou la brume, ne peuvent être totalement innocents....car dans ces regards doux, ultra féminins, je décèle, malgré les stries laissées par le temps et le ciel parisien, une histoire d'amour entre ces visages et le sculpteur qui les a dessiné...

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Derrière les portes et les façades : "les pagodes de M. Offenbach"

pa290123.jpgJ’évoquais il y a quelques semaines à travers un autre petit roman-photo, une drôle d'adresse parisienne, celle de M. Loo, collectionneur, galeriste et homme de culture asiatique dont il était originaire, son histoire mais aussi et surtout celle de sa galerie qui reste aujourd'hui encore une curiosité du 8ème arrondissement.

Ce soir il s'agira encore dans ce nouvel article "Derrière les portes et les façades" d'une autre bâtisse aux allures, aux accents et aux influences extrême orientale. En effet, les formes, les couleurs et l'architecture employées traduisent le souvenir d'un temps où cette salle de spectacle puisqu'il s'agit bien d'une, offrait le dépaysement que seule une référence à l'Asie pouvait satisfaire à des parisiens en quête d'une évasion aussi éphémère qu'illusoire, puisque sur scène et derrière le rideau on ne jouait pas le théatre de No....

Cette adresse m'est bien connue, non pas que je sois une notambule invétérée mais simplement parcepa290127.jpg que située sur le boulevard Voltaire, chemin que nous empruntons, moi et mon vélo, lorsque l'envie nous prends de traverser Paris autrement qu'à pied, je la croise entre la Place de la République et celle de la Nation. Et ce numéro 50 du boulevard s'est souvent rappellé à mon souvenir de faire de lui le héros d'un billet....Quelques photos plus tard et voilà un petit clin d'oeil fait au "Bataclan".....

Cette salle de concert nommé à l'origine "Ba-Ta-Clan" (patronyme à consonance musicale de tam tam qu'on lui donna en référence à l'opérette d'Offenbach), est classée monument historique en 1991. Mais avant cette date qui marque la reconnaissance des pouvoirs publics pour ce lieu de rencontre et de divertissement, on a bien ri, bu et dansé sous les toits en forme de pagode...alors plongeons quelques instants notre regard dans celui des "dragonesques" mascarons pour essayer d'en savoir un peu plus sur ce lieu et ainsi remonter le temps...

C'est Charles Duval qui construit en 1864 cette scène afin d'en faire une salle de spectacle, devant faire office de café-concert, de théâtre et de dancing où se jouent des vaudevilles de Scribe, Bayard, Melesville, et Dumersan. Une époque transitoire entre deux siècle placée sous le signe de la créativité artistique et musicale en tout genre, puisque c'est également là que voit le jour le bigophone un instrument de musique très populaire (dont le nom vient de celui de son inventeur M. Bigot) et que se jouent les première revues et autres opérettes. Ainsi, définitivement pas de spectacles chinois même si l'architecture et les décors typiquement issus du registre de l'Empire du milieu peuvent laisser imaginer le contraire.

pa290126.jpgAu fil des décennies, la programmation évolue au gré de l'imagination de ses propriétaires mais aussi de la mode : le développement du cinéma voit la mutation du café théâtre en salle obscure en 1926, pour autant l'extérieur du bâtiment reste le même, à l'image de ces couleurs toujours flamboyantes, jusqu'à cet incendie meurtrier de 1933 qui aura raison des jolies pagodes mais qui permettra une transformation dans les années 1950, notamment à travers travaux de modernisation permettant à l'établissement de se conformer à de nouvelles normes de sécurité.

Aujourd'hui la salle de concert  est toujours aussi populaire et vivante qu'elle l'était il y a quelques 100 ou 150 ans....preuve en est avec ces files d'attente les jours de concert, sur plusieurs de dizaine de mètre dans la rue, ainsi qu'à l'animation quasi permanente que l'on doit au café qui occupe le rez de chaussé et dont le néon jaune vif réscucite le nom du café théatre dans la nuit ce nom qui fait oublier le décalage entre ce détail de notre ère ultra moderne et et les décors extrême orientaux appartenant déjà à une autre époque....

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Derrière les portes et les façades : "Songe d'une nuit paisible"

pa150039.jpgQue chaque fée erre dans le palais de Thésée. 
Et nous le bénirons,
Et la famille engendrée là
Sera toujours heureuse.
Désormais ces trois couples
S’aimeront toujours fidèlement ;
Fées, répandez partout
La rosée sacrée des champs ;
Et bénissez chaque chambre,
En remplissant ce palais de la paix la plus douce.

C'est par une rapide évocation de la célèbre oeuvre de Shakespeare, "Songe d'une nuit d'été", que j'introduis ces quelques lignes dont le sujet a marqué le pas de ma promenade parisienne de ce jour...la façade dont il sera question ce soir a déjà suscité l'intérêt de mon appareil photo mais c'est visiblement aujopurd'gui que l'inspiration m'est venue pour faire courir mes dix doigts sur le clavier...

Au numéro 4 de la rue de la Paix se dresse un immeuble qui ressemble à tous les autres de la rue, s’inscrivant dans la tradition du Paris Haussmannien, dans ce quartier de Paris où les grands joailliers ont élu domicile depuis maintenant 150 ans environ.

"Propriété de la Caisse Générale des Familles", un doux nom pour une noblepa150042.jpg cause, illustré par une apparition sur le mur du bâtiment en question incarnant une allégorie alliant prospérité, maternité et famille par une image poétique, bucolique et féerique.

Au dessus de la porte cochère d'un bleu nuit (!) se tiennent dans une position savante et certainement pas vraiment naturelle, deux apparitions ailées supportant un cartouche où est inscrit le statut et la raison sociale de l'occupant de cet adresse.
Ces deux jeunes femmes qui semblent garder la tranquillité et l'utilité publique de cette maison ont tout de l'allégorie.....une paire d'ailes dans le dos, un vêtement léger rappelant les toges des cariatides, laissant les attributs d'une générosité maternelle au regard des passants, et dans les mains, des épis de blé, évoquant ainsi subrepticement l'idée que cette société se met sous la protection de la Prospérité assurée par la communauté ? Les yeux clos donnent un peu de poésie, un idée de réverie, un peu loin de la réalité très terre à terre de la société en elle même.

Ces deux allégories, plaquées sur les murs d'un immeuble rue de la paix, m'a inspiré ce titre d'un "Songe d'une nuit paisible". Car là où elles sont placées, rue de la Paix, et que l'on soit en automne, au printemps, en été ou en hiver, elles sont là, les yeux fermés, somnolant dans leur songe paisible, gardant les vestiges de la "Propriété de la Caisse Générale des Familles"....Deux anges gardiens d'un système de protection sociale plus que jamais aujourd'hui nécessaire dans notre société ???

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Derrière les portes et les façades : "Une drôle de maison de pass(ag)e....

p9240186.jpgNous quittons les cours et les balcons fleuris du tranquille XVI arrondissement et de la petite rue Lalo pour retrouver une adresse dans le 8ème arrondissement du début du XXème siècle. Cette façade dont il sera question aujourd'hui dénote totalement sur la longue et chic avenue de Wagram, qui au tout début du 20ème siècle n'avait pas le même caractère que celui qu'on lui connait de nos jours...En 1904, alors que de riches prorpiétaires commandent à l’architecte Lavirotte un immeuble cossu, le quartier des Ternes n'est pas si résidentiel que cela, mais plutôt un brin canaille...

D'où ce petit voyage dans le temps qui se fait par l'entremise d'une fleurs et d'un branchage de grès...que l'on trouve sur les murs du 34, avenue de Wagram, plus connu sous son nom d'usage, à l'accent gaiement bristish: "Ceramic hotel"..... Comme sur d'autres façades où s'expriment en toute liberté et en toute légitimité l'Art nouveau, on aime afficher une certaine exubérance dans les décors, les sculpteurs usant souvent par ce biais d'une imagination débordante.

C'est l'architecte Lavirotte qui est mandaté pour construire un immeuble qui préfigure déjà par ses volumes et ses formes la tendance Art déco et c'est le
sculpteur Alaphilippe qui donnera à cet édifice toutes ses raisons d'appartenir au registre des bâtiments Art nouveau. En effet, c'est à grandp9240185.jpg
renfort de végétaux et autres arabesques que se dessine le caractère de ce bâtiment dédié très tôt à l'hôtellerie....mais pas non plus n'importe quelle hôtellerie...si j'évoquais le côté canaille du quartier, c'est qu'en réalité le très chic "Ceramic Hote" était au moment de sa construction, une maison de passe.....une maison de passage, une sorte d'hôtel en somme.....une adresse qui est inscrite au titre des Monuments historiques depuis 1964.

Un usage très bien illustré par ces courbes végétales qui épousent langoureusement les volumes de l'immeuble...des branchages qui dansent et qui courent le long de la façade, le grès scintillant sous la lumière du zénith... de l'opulence, de l’exubérance.  Et si certaines formes peuvent sembler un peu grossières et que les feuillages peuvent apparaître assez stylisés, l'ensemble de ce décor végétal est réellement élégant.

p9240182.jpgEt si le monde végétal est à l'honneur, le milieu minéral n'est pas oublié pour autant puisque c'est le grès, matériau à la mode à l'époque, qui a été choisi pour porter aux nues l'exubérance des fleurs et des feuillages.

Une exubérance et une opulence qui renvoient presque à l'origine de cette maison qui se distingue sur l'avenue..."maison meublée", ce qui correspondait à l'époque à une maison de passe...aujourd'hui, le "Ceramic hotel" reste une maison meublée mais à f'autres fins, puisque comme son nom l'indique il s'agit d'un hôtel tout à fait respectable.

Mais l'utilisation de ce décor aux fins de faire dénoter et de définir sur cettep9240177.jpg avenue, une maison close, correspond tout à fait aux ouvrages de l’architecte Lavirotte. Le symbolisme sexuel exubérant et pas toujours du meilleur goût est caractéristique des réalisations des années 1900-1907 du maître d'oeuvre parisien.

Sur la façade, ne fleurissent pas que les végétaux divers et variés, mais aussi les noms de ceux qui ont contribué à faire de ce numéro 34, une adresse un peu particulière, surle plan architectural bien sur..... Outre celui de l'architecte, Jules Lavirotte, on aperçoit celui de Camille Alaphilippe (son initiale a été effacée par une reprise de mortier fixant le garde fou de la fenêtre), 1er prix de Rome a qui l'on doit ces plantes grimpantes qui longent de haut en bas la façade. Et puis, au sculpteur, s'ajoute le patronyme du céramiste....inoccultable compte tenu de la quasi omniprésence de ce matériau sur le bâtiment. Alexandre Bigot est célèbre pour ses nombreuses collaborations avec Lavirotte (la plus connue étant sans doute l'immeuble de l'avenue Rapp, dont je serai sans doute amenée à reparler). 

p9240181.jpgPour terminer ce billet placé à l'ombre des branchages de grès, je laisse les vers d'un poète contemporain évoquant avec ses propres mots cette époque frémissante de renouvellement en tout genre : une renaissance une nouvelle vie pour un nouveau siècle....

"C'est un étang de douleur qui m'éprend dans le silence
Un lit de couleurs acides dans lequel je m'étends,
Contre toute attente c'est une facilité de laisser aller
Un bonheur sans page, ni lumière, ni vie.
Un passage vers l'au-delà qui n'existe pas.

C'est tout un univers qui n'est là qu'en moi, sa présence physique n'est qu'illusion
Toutes les passions du monde ne le remplaceraient pas
C'est une peinture qui éclaircit mon tableau 
Et qui, à ses heures perdues me le remplit de noir, comme un seau jeté sur mon cœur
C'est une atteinte constante à mon bonheur.
Je ne puis empêcher la divagation de mon esprit volage qui s'abandonne aux désespoirs
Sans cesse dans l'oubli de la vraie vie que chaque jour j'abandonne un peu plus
C'est pour partir dans l'infini, près de l'oubli, loin de l'ennuie. 

J'accède à ma désobéissance, à l'unique jouissance
C'est une création de mille vies, dans un rêve qui jamais ne finit
C'est l'abstrait dans l'univers, qui fait abstraction des coupures dans mes artères
Une toile blanche qui ne comporte qu'une petite tâche de sang
C'est un arrêt cardiaque de mon vécu qui m'empêche de respirer 
Comme une tempête qui me couperait de mon air éternellement.

Et si mon bonheur était dans mon imagination ?
Et si je ne m'appartenais que dans un relief d'espoir
Tout ceci n'est pas désillusion mais juste un moment bref de passion
Qui se rapporte à quelques moments où le piano exerce ses complaintes
Pour me faire voyager dans l'univers que j'ai créé".

"L'Art Nouveau".

Derrière les portes et les façades : Un café viennois rue Lalo...

Quittons la frénésie de la rue du Renard, du quartier foisonnant et bouillonnant du centre Pompidou et de l'Hôtel de ville et laissons derrière nous "l'Epicerie des trois Mousquetaires" pour rejoindre une adresse plus retirée, plus calme, plus posée, plus familiale aussi..tout en gardant nos pas dans ceux de l'architecture parisienne de l'Art Nouveau.

Quitter le coeur de la capitale pour rejoindre la tranquillité du 16ème arrondissement si résidentiel, et plus précisément la rue Lalo et faire de ce nouveau billet "derrière les portes et les façades", une suite logique à notre explication de texte du Syndicat de l'Epicerie Française ..Une autre façade pour un autre quartier, mais toujours le même style, celui venu d'outre Rhin, un peu massif, un peu rigide, mais qui reste aujourd'hui finalement très cosy et marqué par un brin de désuétude...

Nous devons cette autre réalisation, assez jumelle dans le style et dans la réalisation que celle de la rue du Renard, au couple d’architecte Barbaud et Bauhain qui se font une nouvelle fois aider du sculpteur Rispal pour la mise en valeur des formes et des volumes choisis par ces deux hommes largement influencés par le Jugenstil. 
Malgré le manque de recul que présente cet immeuble situé dans la petite et pas très large et donc du coup, bien calme rue Lalo (16ème), les architectes ont su faire de cet ensemble une réalisation très intéressante, tant sur le plan architectural que décoratif.
Se retrouve ici toute l'influence du Modern Style conjugué à la française, les géraniums rouge vif sur les balcons des fenêtres qui rappellent les larges arches souvent utilisé dans l'architecture austro hongroise. Des références architecturales qui étonnent presque en ce début de XXème siècle. Un petit rappel historique est en effet à noter ici : à l'époque de la construction de ces immeubles pour les particuliers en plein Paris, la France, privée de l’Alsace et de la Moselle préfère tenir à distance toute influence germanique. Les deux architectes ont donc semble t il répondu à une commande de clients, qui étaient soit assez large d'esprit, soit directement attachés à des racines outre Rhin.
Il se mêle ici un doux mélange : aux volumes masculins et massifs, aux formes et aux matériaux germaniques, s'incruste une décoration toute féminine, très stylisée qui se remarque à travers les ferronneries des balcons bien sûr mais aussi, par le biais des discrètes frises de mosaïques qui courent tout le long des étages, et par les sculptures qui épousent les formes généreuses des encadrement de fenêtres et de la porte. 
Un style de sculpture guère parisien, que l'on retrouverait certainement davantage dans des villes allemandes ou autrichiennes, comme le prouve d'ailleurs ces têtes imposantes figées dans leur inexpressivité aux deux angles de la façade qui rappellent un peu ceux représentés par le tchèque Alfons Mucha, alors très en vogue.
Et puis pour apporter encore un peu plus de douceur à cet ensemble imposant mais si tranquille : ces deux moyens reliefs qui encadrement la large porte d'entrée : des scènes de maternité  d'une grande finesse qui semblent presque indiquer au visiteur la marque d'une maison affable et bienveillante. Derrière la porte d'entrée aux élégantes arabasques cuivrées, on devine une douce ambiance chaleureuse et surannée, bourgeoise mais en même temps familiale et on s'attend presque à voir surgir d'une porte aux poignées rutilantes, une gouvernante venant vous inviter à prendre un café viennois....
Un curieux mélange donc, qui apporte encore un peu plus de charme à cette adresse guère connue, bien cachée, qui garde tout son cachet son authenticité et sa sincérité...

Derrière les portes et les façades : Le Jungenstil syndicaliste...

Ce soir il sera question..... de l'épicerie des trois mousquetaires...enfin pas tout à fait, ceci étant un (large) raccourci, une sorte de rébus pour introduire ce billet "derrière les portes et les façades"... et s'il ne s'agira pas non pus d’épopée surréaliste historique comme pourrait le sous entendre ces premières lignes, il sera néanmoins question d'un éclectisme affirmé...Une entrée en matière insolite pour évoquer une adresse parisienne pas vraiment comme les autres.....où là encore le temps marque comme une pause, pour s'arrêter au début du XXème siècle...

L'Epicerie française, une devise littéraire qui rappelle les trois mousquetaires, mais qui reste à consonance helvète, un soupçon d'héraldique, quatre saisons, le Jungesntil, deux architectes français, un théâtre parisien, un renard......voilà en vrac quelques indices qui font que cette adresse bien grise de l’extérieur, mais qui attire toujous plus ou moins l'oeil du promeneur parisien, ne passe pas totalement inaperçue. En effet, le 12 de la rue du Renard (4ème arrdt)  situé non loin des tuyaux multicolores laissés par M.Pompidou et juste à côté d'un parking souterrain moderne (pas franchement des plus esthétique mais certainement très pratique pour ceux qui l'empruntent) dénote totalement dans le reste de la rue.
Insolite est le terme qui convient probabglement le mieux à ce bâtiment d'où se dégage un drôle de mélange ...un décor et une attention particulière portée pour un statut lui même assez singulier, celui d'une maison syndicale En 1900, l'Hôtel de Pomponne, cède ses terrains au Syndicat National de l'Epicerie française (voilà pour la connotation "pt'it Lu"...) qui restera au rez de chaussée jusqu'en 1980 où les activités du syndicat sont alors esuite transférées dans une autre partie du bâtiment. L'espace délaissé devient alors un théâtre qui prend son appellation définitive en 1994, date à laquelle il devient le Théâtre du Renard, en rappel (pour rester dans le vocable du théâtre....) au nom de la rue qui l'accueille.
Indiquons que cette façade est tout à fait caractéristique des bâtiments construits au tout début du XXème siècle, à l'époque où naissent les prémices de l'Art Nouveau, quand celui ci se cherche presque encore un peu. Edifié par les architectes E. Bauhain et R. Barbaud en 1901, l'ensemble est fortement marqué par l’empreinte germanique, témoignage finalement assez rare dans Paris, car peu apprécié, ce qui expliquerait d'ailleurs le relatif silence fait autour de cet immeuble. L'influence de l'outre Rhin se remarque notamment à travers les volumes employés et les larges arches du rez de chaussé qui rappellent les nombreuses gares construites dans l'empire austro-hongrois, mais également dans le registre décoratif utilisé par le sculpteur J. Rispal, collaborateur régulier des deux architectes. 
Si les volumes et les lignes sont assez massives, la décoration en elle même est pour le moins assez fournie, mais néanmoins moins délicate à mes yeux que celle du 61-63, de la rue Réaumur, précédemment évoqué, qui même sil elle est bel et bien de la même époque, ne témoigne pas réellement du même style : plus latin, teinté de gothique et de classicisme, que l'on ne retrouve pas sur la façade de la rue du Renard. Ce "Jungesntil" qui trouve sa place dans le nord de l’Europe ne plait d'ailleurs pas vraiment aux parisiens de l'époque, et reste boudé dans la capitale.
Mais penchons nous un peu plus sur cette décoration, quand bien même la situation de cette immeuble ne permet pas vraiment au passant d'en apprécier toute la richesse (la circulation dense  réduisant bien souvent le curieux à regarder l’ensemble du trottoir opposé, en se tordant souvent le cou pour essayer d'apercevoir tous les détails sculptés...).
Au dessus des portes suggérant facilement des ondes (pour ne pas dire "nouilles" qui est l'image classique véhiculé pour décrire l'Art Nouveau), est inscrit dans un large cartouche, la raison sociale et par là même le statut et la raison d'être de cet immeuble, l'ancien propriétaire de cette étrange adresse  : Le syndicat de l’épicerie française...(entre nous un syndicat bien opulent pour afficher une telle image de marque...)...A gauche et à droite, figurent dans d'autres cartouches la devise de nos trois mousquetaires nationaux, qui parait-il est également la devise suisse (très très européenne décidément cette façade...) : "Tous pour un, un pour tous"....accompagnée de deux blasons (aux armoiries du syndicat ???) qui mettent en valeur définitivement la note aussi originale qu'hétéroclite de cette façade...Pour avoir quelques notions d'héraldique, il me semble que ces armoiries doivent effectivement être celles du Syndicat en question, car elles paraissent être récentes, en terme de caractéristiques visuelles et imagières. Quoi qu'il en soit, la devise est tout à fait appropriée pour un syndicat : fédératrice à souhait.
En levant un peu la tête on aperçoit ce qui me semble être le plus intéressant, à savoir les détails sculptés des balcons (dont le témoignage de ferronnerie est à lui seul à souligner) : Au dessus des têtes massives (de nouveau l’influence germanique...), ont été ajoutées une foultitude de fruits, de palmettes, de végétaux, d’arabesques, qui rappellent clairement l'inspiration de l'art nouveau : la nature.
Et puis ce qui donne tout le charme de cette façade et qui l'anime totalement, c'est cette évocation des quatre saisons à travers ces moyens reliefs qui surmontent deux fenêtres du 1er étage : les quatre saisons mais aussi les quatre ages de la vie....ainsi tout à fait à gauche, est représenté le printemps en la personne d'un garçonnet avec quelques fleurs, faisant face à une jeune femme portant une serpe, évoquant ainsi l'été. Tendis que sur le deuxième fenêtre à droite, on retrouve un homme d'âge mur avec les fruits de l'automne, auquel répond une vieille femme, à droite, portant un fagot de branchages, évoquant le froid de l’hiver.
Voilà une autre évocation du temps qui passe, plus discrète mais néanmoins bien présente sur cette façade d'immeuble d’aspect froid mais qui en réalité cache bien des détails. Certes, elle ne présente pas cet aspect solaire qui transpire de la façade de la rue Réaumur (peut être est aussi une question d'orientation), mais elle reste néanmoins un rare témoignage de l’influence du Jugenstil dans Paris. On peut facilement comprendre que ce style ai difficilement trouvé sa place dans une capitale attachée à l'élégance, le raffinement, la fantaisie et la gaieté aussi. Il manquait certainement, un peu de chaleur pour que ce style décoratif, ces lignes et ces volumes plaisent aux latins que nous restons...

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Derrière les portes et les façades : Au coeur du 8ème arrondissement, la pagode de M. Loo...

Il existe un endroit dans Paris qui vous permet en quelques mètres carrés de voyager jusqu'en Chine....presque jusqu'aux portes de la Cité Interdite ...si si, il suffit pour cela de se rendre rue de Courcelles. Au niveau de la petite et très privilégiée rue Rembrandt,  avec laquelle elle fait l'angle et à quelques encablures du Parc Monceau....(je sais je ne suis pas très exigeante sur la qualité du voyage et de la destination....), se dresse en effet dans ce coin du 8ème arrondissement, une bâtisse à pagodes du traditionnel rouge chinois. Cette adresse m'a toujours un peu étonnée et éveillé ma curiosité de parisienne...Que cache cette maison qui semble presque un peu endormie malgré ce jardinet qui est régulièrement entretenu ?

N'allez pas y voir une ambassade, un consulat, un musée (ce que j'ai, de prime abord, imaginé), l'élucubration d'un artiste ou la fantaisie d'un parisien fortuné d'un siècle passé...non non, il s'agit tout simplement d'une galerie d'arts asiatiques...mais  pas de n'importe laquelle tout de même....D'abord parce que c'est la plus ancienne à Paris, mais pas seulement. Et si effectivement la façade parait un peu austère et guère vivante, mais derrière ces murs il n'en est rien....enfin parait il, car je ne suis pas rentrée à l'intérieur de cette maison à la symbolique couleur rouge....Les petits "mingqis" qui gardent la propriété du sommet du porche d'entrée semblent vous dévisager, mais rien n'y fait nous allons tout de même y rentrer, le temps de parcourir en quelques lignes l'histoire de cette demeure parisienne, vraiment pas comme les autres...
Passons sous les quelques lanternes rouges qui accueillent clients et collectionneurs avisés, et poussons un peu la porte d'entrée...pour croiser le fantôme d'un grand antiquaire ....Monsieur Ching-Tsai Loo...Ce jeune chinois né en 1880 venu faire ses études en France qui est à l'origine des plus grandes collections privées d'arts asiatiques (telles que celles de Messieurs Pillsbury, Freer, Sackler, Calmann-Levy....) et qui collabore avec de nombreux musées occidentaux dont il enrichit également les galeries. Fort de sa réussite, il fait transformer en 1926 par l'architecte Ferdinand Bloch un ancien hôtel particulier de style Louis Philippe en maison à pagodes, fidèle aux modèles chinois, de couleur rouge, avec auvents en tuiles vernies...Cette maison devant faire office de galerie de présentation des collections de l'antiquaire aux amateurs fortunés.
Ce cadre architectural unique étant en effet presque nécessaire à un décor intérieur très raffiné composé notamment de plafonds à caisson, d'une porte de lune, d'une galerie indienne en bois sculpté des XVIII et XIXème siècle et d'un rare ensemble de boiseries en laque de chine des XVIIè et XVIII siècles reflétant totalement l’attachement de Ching Tsai Loo pour ses origines chinoises que son goût très sur en matière d'arts décoratifs. Ainsi l'amateur d'art avisé avait choisi d'exposer ses joyaux dans un écrin adéquat, et faire de cette façade aussi particulière qu'inattendue en plein coeur de Paris une publicité toute personnelle....(et j'ajouterai...imparable.....).
A sa mort en 1957, la collection de précieux jades de M. Loo est léguée au Musée Guimet. Mais la galerie n'est pas pour autant fermée, elle poursuit son activité encore aujourd'hui, sous le nom de son illustre fondateur. Elle reste spécialisée dans le mobiliers et les objets d'art chinois, et présente également sur ses plusieurs niveaux, différentes antiquités venus du Japon, de Thaïlande, de Birmanie et du Tibet. L'intérieur est resté intact, les salons faisant même parfois office pour des réceptions parisiennes en recherche d'un peu d'exotisme...
Alors voilà, si le rouge extérieur de cette pagode mystérieuse semble un peu passé et suranné, il abrite encore bien des trésors... et ces murs restent chargés d'une belle histoire artistique dépaysante.....Et en longeant la grille qui garde la petite propriété, en levant un peu la tête....il m'a d'ailleurs presque semblé apercevoir le fantôme de Monsieur Loo passer derrière les fenêtres ....

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Derrière les portes et les façades : Au 61-63, rue Réaumur, le temps marque le pas...

Du temps. Oui, ce soir à travers ce nouveau billet "Derrière les portes et les façades" il sera question de temps...mais d'un autre temps que le temps parisien qui va toujours trop et plus vite...cette ébullition des minutes qui s'échappent dans notre quotidien et qui nous empêche tout simplement de prendre le temps de regarder ce qui est juste sous nos yeux. Ce temps qui poursuit toujours sa course, sans que rien ne puisse l'arrêter, bien au contraire alors même que nous voudrions gagner du temps pour profiter davantage de la vie, nos rythmes effrénés ne font que le pousser un peu plus vers l'avant...

Alors ce soir il sera donc question du temps, celui là même qui semble s'être pourtant arrêté au 61-63 de la rue Réaumur (2ème arrdt) comme l'indique imperturbablement le gros cadran juché en haut de cet immeuble Art Nouveau....le temps s'est arrêté, et pourtant tout sur cette façade indique le temps qui passe.....
Construit durant les prémices de ce qui sera ensuite appelé "Art Nouveau", l’immeuble de six étages dédié à l'habitat est achevé en 1900. Philippe Jouannin et Edouard Singery en sont les architectes concepteurs, tendis que la décoration foisonnante a été réalisée par le sculpteur Jacquier.
L'ensemble est assez étonnant voire hétéroclite, car avec l'Art Nouveau nous sommes plutôt habitués au registre floral et naturel, ici on est encore dans un style architectural davantage influencé par le néogothique qui sévissait au 19ème siècle...Un heureux mariage du sacré et du profane ? Sans doute car les voûtes d'ogives, les arcades, les pilastres, les fenêtres qui prennent l'allure de vitraux et les quadrilobes, accueillent tout simplement un décor composé de quatre visages en moyen relief représentant les quatre saisons : Pomone (Automne), Borée (Hiver), Flore (Printemps) et Cérée (Eté). A ces portraits placés de trois quart, s'ajoutent une évocation des douze mois de l'année inscrits en tête de chaque chiffre du cadran et enfin les douze signes du zodiaque en bas reliefs, au niveau des 2ème et 3ème étages. Quelques détails de mosaïque viennent encore achever cet étrange assemblage par quelques notes dorées...
Si un certain éclectisme règne sur ce bâtiment il évoque à lui seul une certaine idée du temps, une idée que l'on n'a d'ailleurs plus aujourd’hui.....Alors pour figer encore un peu ce temps avant qu'il ne fuisse définitivement, voilà quelques mots laissés par Boileau, qui évoquent également le temps des saisons, qui elles mêmes égrènent le temps....

Et pour ma part, je prendrai le temps d'attendre Désiré....qui lui aussi prend tout son temps....

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Derrière les portes et les façades : Où l'architecte cache ses secrets...

C'est en redescendant la rue Blanche (9ème ardt) que j'ai croisé un personnage qui reste une figure bien emblématique de la ville de Paris, même si cette personne est morte il y a quelques 126 ans...En effet, au n°78 de la rue qui relie le quartier de Pigalle à la très chaste place d'Estienne d'Orves, se dresse une vieille bâtisse, au style très particulier, au cachet presque médiéval, avec ses fenêtres à croisillons et sa pierre d'une douce couleur sable sous les rayons du soleil matinal, décorée de quelques discrètes sculptures. Il s'agit en fait à ce niveau de la rue, de l'ancienne maison de Théodore Ballu, grand architecte parisien du XIXème siècle, qui laisse à la capitale plus d'un édifice remarquable.

La porte cochère ne s'est pas ouverte devant moi, les fenêtres non plus d'ailleurs, mais la plaque commémorative qui trône au dessus du fronton de l'entrée m'a invitée à m'intéresser d'un peu plus près à ce n°78...notamment un détail m'a donné envie de mener une petite enquête qu'à ce jour je n'ai pas totalement pu faire aboutir. Au dessus de la porte a été sculpté, en signe d'hommage, et de souvenir, un compas, un pendule et une équerre. Des outils bien utiles à un architecte me direz vous, certes.....mais ces deux éléments m'ont également rappelé les symboles d'une confrérie, celle de la franc maçonnerie.
Et quand j'ai lu que ce monsieur Ballu avait entre autre dirigé le chantier de la construction de l'église de la Trinité, je me suis d'autant plus interrogée sur ce détail sculpté. En effet une opposition plutôt étonnante quand on sait que l'architecte avait voué sa carrière à l'édification des bâtiments de cultes (les exemples de ses travaux à caractère religieux sont multiples dans Paris) et que la franc maçonnerie ne prône aucune religion, au contraire, mais trouve ses fondements dans la tolérance, des principes et des idéaux tant éthiques que métaphysiques. Et quand bien même un "être suprême, un "grand architecte" (comme il est littéralement nommé) existe bien pour les francs-maçons, il n'est certainement pas question du Dieu de l'Eglise et encore moins de notion de la Sainte Trinité...même si le chiffre 3 est un chiffre clé pour la grande Loge.
Cette juxtaposition de croyances et de philosophie et en même temps cette concordance de symboles m'ont interpellée, peut-être trouverai je d'autres éléments à apporter à mon enquête en m'intéressant à d'autres oeuvres que ce monsieur a également réalisé.
Car outre l'église de la Trinité, oeuvre emblématique (parmi d'autres) du second Empire et qui restera sans doute son oeuvre phare pour laquelle il est passé à la postérité parisienne, Ballu a également réalisé d'autres travaux non négligeables, comme  le temple du St Esprit (8ème ardt), ou l'église St Ambroise (11ème ardt). Il participe également à la rénovation de la tour St Jacques (1er ardt), mais aussi à celle du beffroi de l'église St Germain l'Auxerrois (dont je serais sans doute appelée à reparler un jour ou l'autre), dans lequel il fait preuve d'une belle dextérité. Il a en effet ici écrit une page architecturale dans un pur gothique flamboyant fidèle à l'original dans un bel usage de la pierre. Dans un tout autre style, il se donne également à la reconstruction de l'Hôtel de ville incendié durant le Commune.
Son érudition notamment dans le domaine de l'archéologie, sa maîtrise des styles, son souci du détail et son exigence dans la qualité de l'exécution des travaux lui ont permis de se voir confier ces grands chantiers parisiens mais qui lui valent également des postes de haute administration, notamment celui d'inspecteur général des travaux de la ville de Paris entre 1871 et 1876.
Alors, si l'équerre, le compas et ce pendule qui figurent sur la façade de cete vénérable batisse, ne m'ont pas encore tout révélé des secrets de Monsieur Ballu, ils m'ont en tout cas permis de faire la connaissance de ce grand parisien...

Derrière les portes et les façades : où oeuvrait l'alchimiste altruiste...

Dans le coeur du 3ème arrondissement en allant sur l'ancien site des Halles reconverties depuis quelques décennies en centre d'Art contemporain (Centre Pompidou), se trouve la petite rue de Montmorency. Cette ruelle un peu tortueuse, aux petites portes de bois, reflète le Paris moyen âgeux, cette époque où les légendes se forment facilement et se transmettent ensuite pour rester dans l'histoire populaire et la "petite Histoire" de France. Dans ce coin de la capitale habitait durant la Guerre de Cent ans, un certain Nicolas (encore un !) Flamel, un nom qui restera dans les esprits...un peu à cause de cette petite maison dont on dit que c'est la plus ancienne de Paris...mais pas seulement pour cette raison....

Alors voici en quelques lignes pourquoi ce numéro 51 de la rue de Montmorency, "la maison au grand pignon" , faisait autant parler de lui : Au numéro 51 donc, subsiste encore aujourd'hui une maison du XIVème isècle (largement restaurée tout de même depuis...). Cette adresse n'est en réalité qu'une propriété parmi les nombreuses que possédaient Nicolas Flamel, qu'il fait construire au début du XVème siècle.
La maison, sur plusieurs étages, est basse de plafond et ornée sur sa façade des initiales de son propriétaire et d'inscriptions, presque sibylline aujourd'hui mais que les ouvrages anciens nous permettent de décrypter : "Nous, hommes et femmes laboureurs, demeurant au porche de cette maison qui fut faite en l'an de grâce 1407 sommes tenus chacuns de dire tous les jours un pater et un Ave maria en priant dieu que sa grâce fasse pardon aux pauvres pêcheurs trépassés. Amen". Le rez de chaussé était voué au commerce, les étages à l'herbegement gratuit de ces nécessiteux.

Cette maison portant cette déclaration est le meilleur exemple, et l’unique, subsistant de l'oeuvre charitable de Nicolas Flamel qui voua sa vie au service de son prochain, en partageant sa fortune avec les plus démunis. Mais au fait qui était il vraiment ?
Bourgeois parisien du XIVème siècle, Flamel est écrivain public, copiste et libraire juré. Son sens de l'investissement immobilier, et son mariage avec sa femme Pernelle, (deux fois veuve possédant de grand bien, épousée vers 1370), lui permit de jouir d'une fortune confortable, qu'il mit au service du développement urbain parisien, mais aussi au développement des activités des libraires copistes, et enfin et surtout au service des plus pauvres. Notamment à travers l'édifciation de plusieurs bâtiment religieux, de maisons destinées à accueillir les plus démunis (comme ce n° 51). Paroissien de St Jacques de la Boucherie, son nom ainsi que celui de son épouse Pernelle furent donnés à deux petites rues proches de l'ancienne église qui existe encore de nos jours en bordure de la rue de Rivoli.
Cette opulence (favorisée notamment par le contexte économique faible de cette période) et le statut de lettré de Nicolas Flamel ont largement favorisé à l’élaboration de la légende faisant de lui le découvreur de la pierre philosophale permettant de transformer les métaux en or... C'est ainsi que la légende de l'alchimiste est en partie née de cette personnalité moyen-âgeuse...
Ce mythe est également nourri au fil des siècles par différents ouvrages faisant état, comme pour d'autres nantis de l'époque, de savoirs en la matière détenus par des fortunes bourgeoise du Moyen-Age. Dans le même temps, apparaît l'idée qu'un sens alchimique est caché dans les figures allégoriques religieuses qui ornent les arcades du Cimetière des Innocents (à l'emplacement de la fontaine du même nom), pour lequel Flamel a contribué à d'importants travaux. Différents ouvrages sur le sujet ont ainsi contribué à bâtir la réputation de Flamel comme étant l'alchimiste par excellence, notamment le "livre des figures hiéroglyphiques" (fin XVème - début XVIème)....
Aujourd'hui, seule la petite maison basse, anciennement maison d'accueil et d’assistance auprès des pauvres, susbiste de cette légende, le reste est gardé dans des musées pour ce qui est des vestiges du cimetière des innocents, et dans les bibliothèques pour ce qui est des archives et des grimoires.....Dans la rue, cette bâtisse reconvertie en restaurant n'offre comme seul témoignage de Flamel que cette inscription restaur&ée et à la patine presque exagérée....
 

Derrière les portes et les façades : Au coeur de Pigalle, on se souvient de la Commune

Au coeur de Pigalle, dans ce 18ème arrondissement où fleurent (bon) les odeurs en tout genre, entre les sex shop, peep show et autres bars à hôtesses se cache un lieu un peu secret... L'endroit qui fait l'objet de ce billet dénote totalement du cadre dans lequel il est situé : au n°58 du boulevard de Clichy, entre un cinéma X et une échoppe de souvenirs pour touristes en quête de pittoresque et qui, invariablement, visiteront le quartier à bord du "petit train" montmartrois se dresse une demeure qui aurait pu être le cadre d'un roman de Proust ou d'Alexandre Dumas. Je souhaitais en effet m'arrêter ce soir sur cette façade qui m'a récemment interpellée, de par son individualité dans ce quartier parisien et qui, à sa façon, relate une page de l’histoire de Paris, celle de la Commune de Paris, dont on fête cette année le 140ème anniversaire ce printemps. 

L'accès privé et les hautes grilles en fer forgé qui séparent la rue de la cour intérieure, le monde extérieur du monde feutré et intime de cette grande maison, semblent protéger ce lieu qui parait hors du temps, comme coupé de la vie parisienne tumultueuse et parfois violente de ce XXIème siècle...

Construit dans le "Modern style" en 1896 le baîtment de par sa physionomie annonce l'Art nouveau. Son  entrée principale se situe sur le boulevard de Clichy mais une seconde entrée, un peu plus discrète, se trouve à la hauteur du 22 rue Lepic. Bâtie sur un  vaste enclos abritant autrefois pavillons, jardins et une folie au XVIIIème siècle, la "villa des platanes" comme l'indique le cartouhe qui orne le dessus de l'entrée, porte ce nom bucolique et un tantinet romantique non pas que la cour intérieur soit plantée par ces arbres mais peut être en référence à cette allée qui jalonne le pas du promeneur au centre du boulevard de Clichy, organisant à elle seule la circulation de cet axe très fréquenté.

Le n°58 garde jalousement fermées ses grilles et rien ne filtre à travers les quelques percées de lumière qui arrive de la cour, illuminant la façade que l’on devine au loin....On distingue à peine les sculptures et les décors qui ont fait de cette adresse une lieu de vie agréable et de plaisirs. Le superbe escalier en spirale à double volutes évoque à lui seul le train de vie des anciens propriétaires et les deux statues porte flambeaux ont probablement accueillis bon nombre d'invités lors de dîners et fêtes prestigieux... Mais cette adresse n'est pas qu'un endroit reflétant grande vie et prospérité : après le porche sombre où la fraîcheur transpire en plein été, dans la cour, se trouvent trois bas reliefs de bois sculpté évoquant les évènements de la Commune et notamment ceux de la semaine sanglante (du 22 au 28 mai 1871) qui se déroulèrent non loin de là, sur la butte Montmartre et dont voici en quelques lignes l'essentiel des faits...

Le 23 mai 1871, après la prise des Batignolles et de la place de Clichy, Montmartre est attaqué sur trois points à la fois au nord par Saint-Ouen, car les Prussiens ont laissé le passage des Versaillais dans la zone neutre, au centre par le cimetière de Montmartre (où Louise Michel s’est bien battue), et au sud par les boulevards extérieurs.

Les soldats de ligne grimpent aux buttes par les pentes qui y conduisent Rue Lepic, la résistance est très vive à la barricade qui défend la place Blanche. Un groupe de femmes, animé par Elisabeth Dmitrieff et Nathalie Le Mel, se joint aux fédérés. Après avoir subi de nombreuses pertes, les combattants se replient sur la place Pigalle.

Après la prise de Montmartre, on tua partout : "Autant de rues comptait la butte, autant on peut compter de tueries", dira Camille Pelletan, dans La Semaine sanglante : tuerie rue des Abbesses, au coin de la rue Germain-Pilon, tuerie rue Lepic, au coin de la rue Tholozé ; le long de la maison portant le numéro 48, vingt corps restent alignés sur le trottoir, tuerie place de la Mairie. Les fédérés qui se trouvaient là sont   percés à coups de baïonnette, tuerie rue des Poissonniers, tuerie au Moulin de la Galette. Les Gardes nationaux y sont surpris, cernés, désarmés. On en exécute quelques-uns sur place ; les autres sont emmenés au sommet de la butte, versant nord, sur l’emplacement d’une batterie destinée, pendant le siège, à combattre les batteries prussiennes de Stains, et y sont fusillés, tuerie au Château Rouge. On portait les cadavres dans la cour d’une école voisine où l’on avait installé une morgue, tuerie dans un petit enclos, rue des Carrières (rue Eugène-Carrière). On avait pris dans la même rue treize des défenseurs de la barricade, dont deux blessés. On les fusilla tous". 

Plusieurs de ces massacres ont eu lieu dans le quadrilatère formé par le boulevard de Clichy, la rue Lepic, la rue des Abbesses et la rue Germain-Pilon. Le centre en était la Villa des Platanes. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner qu’un artiste inconnu, peut-être témoin oculaire de la barbarie versaillaise, ait voulu laisser une trace de ces tragiques événements (source : L'actualité de la Commune). 

Ainsi, outre le fait d'évoquer une vie protégée, sûre et lumineuse d'un bonheur sans ombre, ce lieu se fait aussi le messager et le dépositaire d'une histoire qui est tout simplement la nôtre. Mais comme l'accès de cette cour est strictement privé, je n'ai pu me contenter de la photograhier que depuis la grille de l'entrée... Ce qui n'est preque pas un mal, ainsi la Villa des platanes garde ses secrets....

Derrière les portes et les façades : Nous retournerons tous au "bateau-lavoir"...


C'est sous les conseils appuyés d'une certaine Mamounette que je rédige ces quelques lignes sur un haut lieu parisien...(bientôt je je ferai des articles à la demande...). L'idée m'ayant plu, je suis allée chercher un peu d'ombre en ces journées parisiennes si ensoleillées que nous avons connu à Pâques, sur la petite place Emile Goudeau. Ce nom ne vous dit sans doute rien mais pourtant sur la butte Montmartre, là où elle se niche, elle est bien connue...

Sous les marronniers en fleurs et généreux d'une ombre rafraîchissante, se trouvent quelques bancs et une fontaine Wallace dont le vert caractéristique s'harmonise aux feuillages, tendis que le bruit de l'eau qui coule entre les cariatides fait écho aux bruissements des feuilles...

Le promeneur apprécie la pause au cours de cette promenade dans ce 18ème arrondissement fait de montées, de descentes, d'escaliers, de tours et de détours....Sur la placette en pente douce aux pavés déformés, une façade un peu dans le recoin près d'un lampadaire attire le regard. Il faut dire que c'est quasiment la seule boutique, de surcroît un peu ancienne, de cet endroit. Et ce n'est pas un hasard, car il ne s'agit pas de n'importe quelle échoppe...et le terme d'échoppe ne conviendrait d’ailleurs peut être pas vraiment, car au début du XXème siècle où elle était foisonnante d’activité, il ne s'agissait pas d'une boutique mais d'un atelier, et même d'un drôle d'atelier..... 

Peut-être aurez vous deviné que je veux ici évoquer le "Bateau-Lavoir", "refuge" où se réunissaient artistes mais également gens de lettres (comme Max Jacob ou Guillaume Apollinaire), une pépinière (pour ne pas employer le terme de "ruche" qui fera l'objet d'un prochain billet...) qui a participé au nouveau souffle de l'art pictural à la fin du XIXème siècle ouvrant ainsi de nouveaux chemins artistiques au siècle naissant. Un lieu qui marquera l'histoire de l'art moderne par son intense activité créatrice.

Situé au n°13 de la place, remplaçant une ancienne manufacture de pianos fermée en 1860 pour cause d’affaissement de terrain (c'est presque le bateau ivre....), le bâtiment n'est guère visible de l'extérieur...Constitué d'un amas hétéroclite de poutres, de planches et de verrières le rendant si vulnérable aux risques d'incendie qu'aucune compagnie n’acceptera jamais de l'assurer, il est divisé en petits logements d'une seule pièce répartis de chaque côté d'un long couloir rappelant ainsi les coursives d'un paquebot. Le fait qu'il ne comporte qu'un seul point d'eau aurait, dit on, inspiré ce nom de "bateau-lavoir". Le confort, plus que rudimentaire impose un style de vie spartiate, toutefois, ce manque d'aise ne gêne pas les peintres qui vont faire de cette petite cité sur les hauteurs de Paris, un quartier général où il fait bon vivre et échanger. Comme le souligne d'ailleurs Picasso déclamant : "Nous retournerons tous au bateau-lavoir, nous n'aurons vraiment été heureux que là"...

Maufra est le premier à s'y installer en 1892, au peintre breton va suivre le fauve Gauguin, puis Picasso qui va y faire naître le cubisme (c'est là qu'il dévoile notamment ses fameuse "Demoiselles d'Avignon" en 1907) aux côtés de Juan Gris, de Brancusi de Modigliani, de Mac. Mais d'autres sensibilités artistiques comme Van Dongen, Matisse et le Douanier Rousseau y passeront également. Ce lieu voit aussi naître la romance entre Picasso et Fernande Olivier qui restera sa compagne jusqu'en 1912. Mais le tumulte de la première guerre mondiale va changer l'atmosphère, lui retirant ainsi un peu de son animation, il perdra ensuite de son attrait au profit d'un autre foyer artistique, sur la rive gauche cette fois ...dont je reparlerai bientôt... 

 Le Bateau-Lavoir fait l'objet d'un classement au titre de monument historique, malheureusement un incendie ravage en mai 1970 une partie du bâtiment qui sera reconstruite à l'identique en 1978. 

Ce lieu de rencontre et de vie où l'on s’échangeait les pinceaux comme les modèles, mais aussiles idées les inspirations et les conseils, semble aujourd'hui comme endormi dans ses souvenirs, n'offrant qu'au regard du passant un peu averti du XXIème siècle cette façade propre et nette et ce "n°13" impeccable.

Si sa présence est discrète dans le décor et la vie fourmillante de ce 18ème arrondissement fait de bohème parisienne, la Bateau Lavoir reste un lieu unique, faisant ainsi la petite attraction des touristes américains (mais pas seulement...), sur la place Emile Goudeau, et perpétue encore aujourd'hui ce pourquoi il était destiné il y a plus d'un isècle : la création et l'échange puisqu'il est actuellement occupé par des artistes étrangers.

"La 200ème"... Partie 1 : Derrière les portes et les façades : le "bateau à aube" de la rue de Clichy

 "Folie Richelieu", "Tivoli", "Palace Théâtre", tels sont les noms qui ont été successivement donnés au Casino de Paris, car c'est de cet établissement qu'il va être question ce soir...et pour fêter ce 200 ème billet (et oui, déjà..), vous aurez, cher lecteur, deux articles pour le prix d'un....

Lieu de spectacles, de plaisir et de divertissement, le Casino de Paris, qui prit le patronyme qu'on lui connait aujourd'hui en 1891, passa entre différentes mains, changeant ainsi successivement d'identité, mais fut toujours un lieu d'amusement pour les parisiens, 
En 1730 lorsque le duc de Richelieu décide de se faire construire une salle de spectacle, cet emplacement est encore situé en rase campagne, dans les faubourgs de la capitale. En 1811, après les déboires révolutionnaires, elle est transformée en parc d'attraction juste avant que la construction de l'Eglise de la Trinité à quelques dizaines de mètre de là nécessite sa démolition, l'emplacement fut ensuite dédiée à une patinoire, à la fin du XIXème siècle. C'est en 1911 que l'établissement devient une salle de cinéma et de music hall, et c'est d'ailleurs dans cette salle que se produisit le premier spectacle de music hall avec des danseuses nues. La première guerre mondiale et les bombardements, oblige une fermeture momentanée pour ensuite faire connaitre le succès à de nombreux artistes, et le plaisir aux parisiens.
Il m'évoque aujourdhui comme un gros bateau à aube, tout en rondeur et en vagues, le teint clair...les lignes sinueuses et pures qui se découpent dans le ciel renforcent encore un peu plus cette impression. Les décorations de fleurs en mosaïques pastels renvoient directement au registre de l'art Nouveau, avec les fleurs, les entrelacs, et surtout ce grand vitrail représentant une scène festive. A l'intérieur, les lumignons courant en frise sur juste en dessous du plafond, rappelle les courbes de la façade extérieure et rappelle le mouvement des vagues.
Les lettres d'or se détachant sur le mur ivoire, évoquent à elles seules les passages des nombreux artistes, et autres "stars" qui ont foulé ces planches....et les premières personnalités du monde du spectacle se sont en effet retrouvées sur cette scène, il faut notamment citer Mistinguett, Maurcie Chevalier, Joséphine Baker, Zizi Jeanmmaire, le chorégraphe Rolan Petit....mais aussi des chanteurs tels que Serge Gainsbourg, Guy Béart, Jean Ferrat et beaucoup d'autres...mais la personnalité qui reste la plus attachée à ce lieu est certainement Line Renaud qui y fit ses débuts dans les années 1950 et dont l'époux Loulou Gasté permit à l'établissement de ne pas fermer en 1976. Elle y fut meneuse de revue jusqu'en 1979...

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